La Banque des territoires veut investir contre une France à deux vitesses

La filiale de la Caisse des dépôts prévoit d’engager plus de 90 milliards d’euros d’ici à 2028.
Marie-Pierre Gröndahl
Olivier Sichel, directeur de la Banque des territoires, le 22 mai à Paris.
Olivier Sichel, directeur de la Banque des territoires, le 22 mai à Paris. (Crédits : LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

« Gérer la fin du monde et la fin du mois. » Deux objectifs souvent jugés inconciliables, mais que la Banque des territoires promet de respecter simultanément. La plus récente filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), fondée en 2018, ne bénéficie pas encore d'une notoriété équivalente à celle de sa maison mère, le « bras financier de l'État ». Mais la cinquième édition de son Printemps des territoires, organisée cette semaine à Paris, a mis en valeur une activité multisectorielle en constante augmentation.

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Si l'axe structurant de cette banque - au profil différent de celui des établissements traditionnels - reste la mise en place de la transformation écologique partout en France, ses interventions recouvrent un très large périmètre, de la réindustrialisation au logement social, de la mobilité décarbonée à l'accès aux services publics, sans oublier le mix énergétique.

« Ce rendez-vous annuel est d'abord conçu pour partager les progrès accomplis avec tous les élus locaux, dont bien sûr les maires, qui sont nos clients », précise Olivier Sichel. Ce diplômé de l'Essec et ancien inspecteur des finances de 57 ans, nommé à la tête de la Banque des territoires en mai 2018, défend les impératifs issus de la transition environnementale autant que ceux liés à la cohésion sociale. La filiale de la CDC, lancée deux ans avant la pandémie, a vu son rôle accru grâce au plan de relance, dont elle est un opérateur clé : 32 milliards d'euros ont été mobilisés de 2018 à 2023, y compris dans la santé ou le tourisme.

« Retisser du lien social »

« Nous soutenons des milliers de projets dans toutes les Régions », précise le directeur de la Banque des territoires. Le nouveau plan stratégique prévoit plus de 90 milliards d'euros de nouveaux investissements d'ici à 2028. Avec 16 mesures sectorielles : huit dans le cadre de la transformation verte, l'autre moitié dans le domaine de la solidarité. Au sein de la première catégorie, la palme du plus gros budget revient à la réhabilitation de l'habitat public, avec 16,8 milliards d'euros consacrés à la rénovation thermique des logements sociaux, mais aussi des établissements scolaires et des bâtiments publics. La transition alimentaire bénéficiera de 180 millions d'euros, tandis qu'un montant de 1,8 milliard d'euros est consacré à la « préservation de la ressource en eau ». Côté solidarité, c'est sans surprise l'habitat social qui domine les investissements, avec 56,5 milliards d'euros destinés à la création d'un logement social « abordable ».

Faciliter l'accès aux services publics mobilise 240 millions d'euros. Et celui au droit et à la justice grâce à la numérisation, 3,8 milliards. Dans le secteur actuellement sinistré des structures accueillant des personnes âgées, dépendantes ou non, une enveloppe de 3,3 milliards d'euros doit permettre d'ouvrir plus de 50 000 places dans divers types d'établissements.

« Pour financer les projets d'infrastructure, notamment la construction de logements sociaux, d'Ehpad ou de résidences pour les seniors, le livret A est un formidable outil », explique Olivier Sichel. Pour lui, tous les moyens du groupe de la Caisse des dépôts doivent être sollicités pour accompagner les transformations sociétales majeures, « sans laisser aucun territoire à l'écart ». Le rythme des prêts suit l'accélération des projets lancés : 12 milliards d'euros en 2022, 16,5 milliards l'an dernier, et déjà 7 milliards à la date du 22 mai 2024.

« Zones blanches »

« Les collectivités locales investissent massivement dans la transition écologique, à l'exemple de Nice avec une nouvelle station d'épuration. Elle générera quatre fois plus d'énergie qu'elle n'en consommera », détaille cet ancien dirigeant de France Télécom, également à l'origine de procédures contre les Gafam pour le respect des règles de concurrence. L'un de ses grands motifs de fierté réside dans la disparition quasi-totale des « zones blanches », c'est-à-dire sans accès au très haut débit : « C'est un facteur de cohésion sociale très important. »

Le déploiement des bornes de recharge électriques jouera dans les années à venir un rôle similaire, selon le dirigeant, qui souhaite rattraper le retard pris par la France en la matière, notamment en équipant aussi les copropriétés. « La Banque des territoires retisse du lien social et ambitionne de réduire les fractures, pour éviter d'avoir un pays à deux vitesses », ajoute-t-il. Prochain chantier, celui des déserts médicaux, préoccupation très forte des élus dans toutes les Régions : « Plusieurs pistes sont en cours d'étude, s'inspirant de ce qui a été fait à Belfort, avec une maison de santé qui rassemble une centaine de professionnels. »

La Banque des territoires en chiffres (depuis 2018)

80 milliards

d'euros investis

25 usines

financées dans le cadre du plan de réindustrialisation

4 600 projets

labellisés « Action cœur de ville », pour une enveloppe de plus de 1,7 milliard d'euros

539 chantiers

d'établissements scolaires financés

634 Ehpad

créés pour un total de 33 000 nouvelles places

Marie-Pierre Gröndahl

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