Efficacité énergétique : pourquoi l'automatisation des bâtiments tarde à se déployer

Depuis le 21 juillet 2021, tous les édifices neufs équipés d'un système de chauffage ou de climatisation, combiné ou non à de la ventilation, dont la puissance est supérieure à 290 kilowatts (kW), doivent être équipés d'un système de gestion technique du bâtiment (GTB). Sauf qu'à l'instar du marché du logement, celui du bâtiment tertiaire est lui aussi en crise... Les immeubles existants respecteront-ils la réglementation aux 1er janvier 2025 et 2027 ? Comment l'Etat et les professionnels se mobilisent pour inverser la tendance ? Éléments de réponse.
César Armand
A l'instar des hôtels, les gestionnaires des édifices publics et privés existants et récents ont l'obligation légale de réduire leurs consommations d'énergie. (Photo d'illustration)
A l'instar des hôtels, les gestionnaires des édifices publics et privés existants et récents ont l'obligation légale de réduire leurs consommations d'énergie. (Photo d'illustration) (Crédits : Fiora Garenzi / Hans Lucas via Reuters Connect)

Bureaux, centres commerciaux, écoles, hôpitaux, hôtels... Tout ce que la France compte comme bâtiments non-résidentiels doit participer à la lutte contre le dérèglement climatique. De la même façon que les propriétaires de logements anciens et neufs sont soumis à des diagnostics de performance énergétique (DPE) qui précisent les émissions de CO2 de leur bien, les gestionnaires des édifices publics et privés existants et récents ont l'obligation légale de réduire leur consommation d'énergie. En l'occurrence de baisser celle-ci de 40% d'ici à 2040 pour tenir l'objectif de neutralité carbone en 2050.

Aussi, dès 2020, en application de la directive européenne relative à la performance énergétique des bâtiments, le gouvernement Castex a publié un décret imposant une gestion technique auxdits bâtiments (GTB) plus connu sous le nom de décret BACS dans l'écosystème. Autrement dit, un décret les contraignant à installer des systèmes d'automatisation et de contrôle permettant de piloter et de suivre des équipements type climatisation, chauffage, éclairage ou encore ventilation.

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Une condition : appliquer la loi

Et pour cause : ces GTB permettent de surveiller les consommations d'énergie, de les ajuster en fonction des besoins, d'établir l'efficacité énergétique des bâtiments, d'identifier les gisements d'économie, mais aussi de piloter à distance ces équipements et de permettre leur arrêt manuel et/ou leur gestion autonome.

Restent maintenant aux gestionnaires immobiliers concernés d'appliquer la loi. Prudent, le législateur l'a découpée en quatre paliers. Depuis le 21 juillet 2021, la réglementation concerne ainsi tous les bâtiments neufs équipés d'un système de chauffage ou de climatisation, combiné ou non à de la ventilation, dont la puissance est supérieure à 290 kilowatts (kW). En comparaison, selon une étude réalisée par le transporteur d'électricité RTE, une machine à laver a une puissance moyenne de 2,5 kW.

Depuis l'annonce du plan de sobriété d'octobre 2022, la loi concerne aussi, depuis le 7 avril 2024, ces mêmes édifices récents dont la puissance excède 70 kW. Pour les bâtiments existants, la réglementation s'appliquera au 1er janvier 2025 pour ceux dont la puissance est supérieure à 290 kW et au 1er janvier 2027 pour ceux qui excèdent 70 kW. Il s'agit ainsi de s'attaquer en priorité aux bâtiments les plus énergivores.

Un secteur frappé par la crise du bâtiment tertiaire

Sauf qu'à l'instar des majors du BTP, le secteur est frappé « par la crise du bâtiment tertiaire », affirme à La Tribune Delphine Eyraud-Galant, déléguée Bâtiments au Gimelec, le groupement des entreprises de la filière électronumérique française. Bien que les commandes de GTB ont bondi de 9% entre l'année 2023 et l'année 2022, et encore de 9% entre le premier trimestre 2024 et le premier trimestre 2023, « les gestionnaires des bâtiments doivent encore redoubler d'efforts s'ils veulent respecter les échéances ».

« Avec l'Etat, nous sommes inquiets : les commandes sont ridicules par rapport à la dynamique qui devrait s'enclencher. Les gestionnaires nous posent beaucoup de questions, nous demandent pas mal de devis, tant ils ont du mal à cerner leurs projets. Nous échangeons donc avec eux, les conseillons au mieux pour in fine les former », poursuit Delphine Eyraud-Galant,

Aussi, lors de la présentation de ses résultats semestriels ce matin, le groupe coté au CAC 40 Legrand, qui fabrique des interrupteurs électriques jusqu'aux équipements pour data centersa annoncé un chiffre d'affaires en retrait de 2%, par rapport au premier semestre 2023. Ce dernier dépend, en effet, du secteur de la construction et, particulièrement, du tertiaire qui représente une grande partie de ses ventes. Ces dernières auraient donc dû croître du fait du décret BACS. Il n'en est rien. Un porte-parole du groupe affirme, en effet, que son « impact sur le chiffre d'affaires France est relativement marginal ».

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Un baromètre de suivi rendu public mi-octobre

Les adhérents du Gimelec, dont Legrand, cherchent néanmoins des solutions pour remédier au faible niveau d'équipement en gestion technique du bâtiment (GTB) des édifices non-résidentiels. Ils ont donc commandé à leur experte Delphine Eyraud-Galant de réaliser un baromètre de suivi par grande catégorie de bâtiment, tant pour regarder comment ces derniers peuvent être plus sobres en énergie que pour les aider à consommer au bon moment.

Avec le transporteur d'électricité RTE, dont la mission reste l'équilibre du réseau électrique en France, le distributeur Enedis et la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP-ministère de la Transition écologique), la filière électronumérique espère que cette étude va les inciter à revoir leurs (mauvaises) habitudes. Le rendu est prévu mi-octobre.

César Armand

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Commentaires 3
à écrit le 01/08/2024 à 23:48
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Parce que ça coûte "un bras" et que les gains ne sont pas obligatoirement au rendez-vous.

à écrit le 01/08/2024 à 9:13
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Le contrôle social, toujours...

à écrit le 01/08/2024 à 2:07
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Et si on arrêtait d'embêter les gens avec des normes idiotes qui n'ont qu'un impact dérisoire sur les émissions de co2?

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