![En tout, environ 100 milliards d'investissements sont engagés en Europe pour la transition vers l'électrique sur les 3 prochaines années, estime Luc Chatel, le président de la PFA.](https://static.latribune.fr/full_width/2380438/election-ue-2024-voiture.jpg)
Au 1er janvier 2035, plus aucune voiture à essence, diesel ou hybride neuves ne sera commercialisée en Europe. Une décision adoptée depuis 2022 par le Parlement et les Etats membres. Avant les élections européennes qui se tiendront le 9 juin prochain, plusieurs partis ont exprimé leur opposition à cette mesure. C'est le cas des Républicains, du Rassemblement national ou encore de Reconquête en France. Avec eux, les partis populistes d'Italie comme Fratelli d'Italia ou la Ligue, Vox en Espagne ou encore AFD en Allemagne refusent cette interdiction. Plusieurs membres du PPE, le parti majoritaire sortant pourtant à l'origine de cette mesure ont également exprimé un avis défavorable à l'image du candidat tête de liste des Républicains, François-Xavier Bellamy, qui évoquait « une décision dramatique » au micro de Jean-Jacques Bourdin il y a deux semaines.
« On n'est pas contre la voiture électrique mais sans que cela ne passe par l'interdiction obligatoire de la voiture thermique. Il faut d'abord une adaptation », a justifié Aleksandar Nikolic, conseiller régional sur la liste du Rassemblement National lors d'une conférence organisée par la Plateforme de l'automobile (PFA), principal syndicat du secteur, cette semaine. Une clause de revoyure est prévue pour 2026 avec tous les Etats membres pour faire un point d'étape sur l'objectif de 2035.
Une annulation peu probable
« Personne n'a réellement pensé que cette clause serait activée, c'était plutôt pour calmer l'opposition au moment de faire passer la loi. Si elle est activée, alors ce sera soft. Par exemple, décaler la date butoir de deux ans », avance Bernard Jullien, économiste spécialisé dans l'automobile. Le patron de Renault, Luca de Meo, n'était pas contre un report, estimant qu'« initialement, nous aurions souhaité plutôt une cible à 2040 pour nous laisser le temps de construire une chaîne de valeur capable de concurrencer les constructeurs chinois qui disposent d'une génération d'avance », avait-il déclaré dans un entretien à La Tribune il y a un an.
Néanmoins, Luca de Meo s'est dit prêt pour 2035, tout comme Vincent Salimon, directeur de BMW France : « nous vendons actuellement 25% de nos voitures en électrique, et l'interdiction n'est que dans 11 ans ».
Même son de cloche du côté du syndicat allemand IG Metall, pourtant défavorable à cette mesure en premier lieu. « L'interdiction de 2035 n'est pas la bonne solution », a renchéri le principal syndicat allemand automobile IG Metall, « il faut mettre fin au chaos des nouvelles directives. »
Plusieurs centaines de milliards en jeu
Et c'est bien de la visibilité que réclament les constructeurs automobiles et la plupart des gros acteurs du secteur.
« Ce que je demande, c'est de la stabilité ! Arrêtez de changer les règles, ou de laisser penser qu'elles pourraient changer », avait imploré Carlos Tavares, le directeur général de Stellantis, lors d'une visite d'usine à Metz il y a quelques semaines. Pourtant, le dirigeant portugais s'était montré l'un des plus réticents à cette interdiction, réclamant une neutralité technologique et appelant Bruxelles à sortir du dogmatisme. Mais désormais, les constructeurs ont mis tellement d'argent sur la table pour cette transition industrielle qu'aucun retour en arrière n'est envisageable.
« J'ai lancé mon avion à pleine puissance sur la piste d'envol, il ne faut pas couper les réacteurs maintenant, sinon l'avion tombe », a imagé le directeur général de Stellantis.
« Rester avec les deux options - thermiques et électriques - pendant une longue période n'est pas tenable car cela entraîne trop de surcoût dans la dispersion des volumes », explique Bernard Jullien. En tout, environ 100 milliards d'investissements sont engagés en Europe pour la transition sur les 3 prochaines années, estime Luc Chatel, le président de la PFA.
La clause de 2026 pour obtenir plus d'aides des Etats ?
« La clause de 2026 peut en revanche permettre d'obtenir davantage des Etats », anticipe Bernard Jullien, notamment des aides publiques pour l'achat de véhicules électriques. Les membres de l'Union européenne affichent des règles différentes, qui exaspèrent les constructeurs et les consommateurs. A titre d'exemple, l'Allemagne a supprimé ces aides à l'achat de véhicules électriques neufs du jour au lendemain, la France les a orientées pour les véhicules les moins polluants et l'Italie a choisi de les axer sur les véhicules hybrides et électriques, rien que pour cette année.
Les discours populistes sur le renoncement à l'interdiction de 2035 servent plutôt à rassurer les consommateurs alors même que le marché des véhicules électriques stagne en Europe. Depuis le début de l'année et après une croissance fulgurante pendant trois ans, la part des électriques reste stable en avril, à 11,9% par rapport à l'année dernière. Et reste bien inférieure aux 14,6% de part de marché enregistrés sur toute l'année 2023. En Italie, elle est même en recul.
Il faudra donc redoubler d'effort pour faire adopter la voiture électrique et atteindre l'objectif de la neutralité carbone à horizon 2050. Au-delà de la date de 2035, d'autres mesures ont été avancées par les candidats aux Européennes, comme le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières étendu à l'automobile ou encore des droits de douane plus élevés, en particulier pour restreindre les véhicules venus de Chine, autre grande préoccupation du secteur automobile actuel.
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