Droits de douane sur les voitures chinoises : un industriel alerte sur le coût pour les consommateurs

Un dirigeant du géant chinois des batteries automobiles électriques CATL a jugé, jeudi, que les surtaxes douanières occidentales sur les véhicules électriques chinois seraient néfastes pour les consommateurs. L'Europe et les Etats-Unis ont en effet fortement augmenté leurs taxes sur les voitures chinoises, accusant Pékin de subventionner son industrie automobile.
Les surtaxes douanières pourraient faire grimper le coût d'achat pour les consommateurs européens selon CATL.
Les surtaxes douanières pourraient faire grimper le coût d'achat pour les consommateurs européens selon CATL. (Crédits : Reuters)

Les consommateurs européens, premières victimes de la hausse des droits de douane de l'Europe sur les véhicules électriques chinois? C'est la crainte qu'a mis en lumière Ni Jun, directeur de la fabrication dans l'entreprise de batteries automobiles électriques CATL, jeudi.

Pour CATL, leader incontesté des batteries pour véhicules électriques au niveau mondial, « je dirai que c'est un défi », a-t-il déclaré à l'AFP. « Je pense que (les surtaxes douanières ne sont) pas bonnes pour le consommateur », a-t-il affirmé, interrogé lors du « Davos d'été », le Forum économique mondial organisé à Dalian (nord de la Chine).

« Que vous soyez un consommateur européen ou asiatique, nous voulons avoir des produits abordables, de haute qualité, (qui) peuvent sauver la planète », a-t-il considéré, en ajoutant que « la Chine investit massivement dans la recherche, le développement et la production de batteries lithium-ion ».

Lire aussiVoitures électriques chinoises : la hausse des droits de douane est-elle réellement applicable ?

Pékin appelle l'Europe à revenir en arrière

Lors de ce même salon, mardi, le Premier ministre chinois, Li Qiang, a appelé les pays invités à « s'opposer au découplage » économique. « Nous devrions avoir un état d'esprit grand ouvert, travailler en étroite collaboration, abandonner cette idée de former des camps idéologiques et nous opposer au découplage », a-t-il indiqué. Le « découplage » consiste pour un pays à couper tout lien économique avec un pays, ou du moins de limiter sa dépendance à son égard.

Le Premier ministre a également appelé à « maintenir la stabilité et le bon fonctionnement des chaînes industrielles et d'approvisionnement », ou encore à « déployer d'importants efforts en faveur de la croissance économique mondiale ».

Ces discours interviennent à un moment de défiance en Occident vis-à-vis des dépendances économiques au géant asiatique.

Lire aussiVoitures électriques : la France serait-elle davantage compétitive face à la Chine si l'Europe relevait ses droits de douane ?

L'UE tape du poing sur la table

Pour freiner les importations de véhicules électriques chinois sans les bloquer complètement, l'Union européenne a annoncé à la mi-juin qu'elle était prête à augmenter ses droits de douane  - qui iraient ainsi jusqu'à 38% - sur ces importations à partir du 4 juillet, si les discussions avec les autorités chinoises n'aboutissaient pas. La Commission européenne reproche à Pékin d'avoir, selon elle, faussé la concurrence en subventionnant massivement ce secteur. Ces surtaxes douanières de l'UE deviendraient définitives à partir de novembre.

Aux Etats-Unis, le président Joe Biden avait annoncé à la mi-mai une hausse des droits de douane sur les véhicules électriques chinois à 100%, contre 25% précédemment, transformant le marché américain en forteresse où le champion national Tesla règne sans partage. Lundi, les autorités canadiennes ont également annoncé leur intention d'imposer des droits de douane sur les véhicules électriques et les batteries fabriquées en Chine.

25 milliards d'euros de déductions fiscales

A l'origine de ces sanctions ? Le marché automobile électrique chinois a pu bénéficier de subventions et déductions fiscales de plus de 200 milliards de yuans (25,5 milliards d'euros) entre 2014 et fin 2022. De quoi doper les fabricants chinois face à leurs concurrents. Ils ont aussi profité d'une demande nationale en hausse et les exportations ont également bondi. Selon le centre de réflexion américain The Atlantic Council, les ventes mondiales de véhicules électriques chinois ont grimpé de 70% en 2023, à 31,6 milliards d'euros. Et près de 40% de ces exportations sont allées... vers l'Union européenne, devenue première acheteuse de ces véhicules chinois.

La hausse des exportations a ainsi permis aux groupes chinois de grignoter des parts de marché dans l'UE, passant de moins de 2% des voitures électriques fin 2021 à près de 8% fin 2023, selon l'institut Jato spécialisé dans l'automobile. Le leader incontesté en Chine est BYD. En 2023, il a dégagé un bénéfice record et annoncé sa volonté d'entrer dans le top cinq des groupes automobiles en Europe. Il est devenu le premier à passer en mars la barre symbolique des sept millions de véhicules produits (hybrides et électriques cumulés) depuis son entrée sur ce créneau.

Pékin contre-attaque

En réponse aux taxes occidentales, le ministère du Commerce a annoncé, le 17 juin, avoir « ouvert une enquête antidumping sur les importations de porc et de produits en provenance de l'Union européenne ». L'enquête fait suite à une demande « officiellement soumise par l'Association chinoise de l'élevage au nom de l'industrie porcine nationale », a précisé le ministère du Commerce dans un communiqué.

Les Chinois « vont lancer des représailles, c'est sûr », affirmait à l'AFP Tu Le, fondateur du cabinet spécialisé Sino Auto Insights début juin, citant comme cibles possibles « les produits de luxe et les vins français et italien ». « D'un autre côté, comme l'économie chinoise ne va toujours pas bien, la réponse pourrait être beaucoup de bruit pour rien », conclut-il.

Un géant chinois qui voit son hégémonie menacée

Fondée en 2011 et basée dans la ville orientale chinoise de Ningde, la société CATL construit actuellement une usine géante en Hongrie, près de la ville de Debrecen (est du pays). Acteur majeur du marché des automobiles électriques en tant que premier producteur mondial de batteries pour ces véhicules, CATL a signé des accords avec des constructeurs automobiles tels que le groupe américain Tesla ou les européens Stellantis et BMW. En Chine, le groupe a profité de la croissance rapide du marché intérieur ces dernières années. Un « écosystème complet d'approvisionnement » pour les véhicules électriques a été mis en place dans le pays, a souligné Ni Jun.

CATL a aussi et surtout bénéficié d'un solide soutien financier accordé par le gouvernement chinois, dans le cadre d'une politique donnant la priorité au développement des industries nationales de haute technologie considérées comme stratégiques. Mais les batteries de l'entreprise sont aujourd'hui menacées, car elles équipent de nombreux véhicules électriques chinois visés par les surtaxes douanières occidentales.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 30/06/2024 à 9:48
Signaler
Pour expliquer le retard de l'industrie européenne de l'automobime, il est plus simple de prétendre à une concurrence déloyale que de condamner l'aveuglement et le déni du VE des constructeurs européens qui se gavaient dans le fromage thermique. Ser...

à écrit le 28/06/2024 à 18:42
Signaler
Nous avons un déficit commercial abyssal avec la Chine. Alors, q.ui perdra le plus en cas de hausse des taxes à l'importation ? Nous crevons de notre passivité.

à écrit le 28/06/2024 à 9:53
Signaler
La chine a usé et abusé des protections réglementaires et douanières pour forcer à l'implantation des technologies sur son territoire . C'est quand même fort de café qu'elle reproche désormais ce procédé aux autres. La chine doit assumer son statut d...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.