Agriculture : les Jeunes Agriculteurs appellent à des « choix stratégiques » et à « plus d'Europe »

Quelques jours avant les élections européennes, le syndicat agricole, réuni en Congrès, a souligné la nécessité d'un « nouveau modèle agricole », pour la France mais aussi pour l'ensemble du Vieux Continent. Afin de réduire les distorsions de concurrence entre agriculteurs européens, il prône même une harmonisation des normes sociales et fiscales.
Giulietta Gamberini
Selon les Jeunes Agriculteurs, ce « nouveau modèle agricole » fait défaut depuis la réforme de la politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne en 1992.
Selon les Jeunes Agriculteurs, ce « nouveau modèle agricole » fait défaut depuis la réforme de la politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne en 1992. (Crédits : Reuters)

« Une nouvelle ambition pour l'agriculture française » et européenne « d'ici 2050, soit à l'échelle d'une génération ». C'est ce que prônent les Jeunes Agriculteurs qui, entre le 4 et le 6 juin, se sont réunis en congrès annuel dans la Vienne.

Pendant une journée entière, le syndicat agricole, majoritaire dans les Chambres d'agriculture avec son allié aîné, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (Fnsea), a discuté de son Rapport d'orientation 2024, définissant sa vision et fixant ses priorités pour les années à venir. Il y appelle à un travail de fond et de longue haleine, visant l'élaboration du « nouveau modèle agricole » qui, à ses yeux, fait défaut depuis la réforme de la politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne en 1992.

Des plans quinquennaux

En reconnaissant la nécessité de « choix stratégiques » face notamment au défi du changement climatique, les Jeunes Agriculteurs se montrent prêts à s'attaquer à des chantiers structurels. Leur proposition phare est en effet le lancement d'« une véritable planification agricole », qui « prendra la forme d'un plan d'avenir agricole établi pour 5 ans », et dont la ligne de mire finale serait la souveraineté agricole et alimentaire française -désormais définie dans le projet de loi d'orientation agricole approuvé par l'Assemblée nationale et mai et examiné en juin par le Sénat.

Lire: La souveraineté alimentaire, une notion politique dont la définition fait débat

« Le nombre de fermes (fixé par le projet de loi d'orientation agricole à au moins 400.000 en 2035, ndlr) ne veut rien dire. La question à se poser est celle de la rentabilité. Il faut oser affirmer des modèles qui soient l'avenir de l'agriculture », a remarqué Arnaud Gaillot, président des Jeunes Agriculteurs jusqu'à l'élection de son successeur, Pierrick Horel, jeudi matin.

La nécessité d'une impulsion politique

L'idée du syndicat est de définir des objectifs quantitatifs et qualitatifs de production nationale, et de les détailler ensuite par filières et zones géographiques en fonction des défis traversés par chacune d'entre elles et des investissements matériels nécessaires. Le syndicat voudrait que cette planification soit ensuite mise en œuvre par des outils incitatifs : notamment des « contrats d'avenir agricole » conclus entre les exploitations, les pouvoirs publics et les filières, conditionnant l'accès à des aides spécifiques.

Bien qu'il ne demande pas forcément de loi, un tel chantier exigerait à l'évidence une impulsion politique forte, reconnaît Maxime Buizard, coauteur du rapport d'orientation. Mais l'idée a déjà été soumise au président de la République et au ministère de l'Agriculture lors des diverses rencontres liée à la crise agricole de début d'année. Et Emmanuel Macron a exprimé à plusieurs reprises son souhait qu'un nouveau cap soit fixé au secteur agricole.

La « relance d'une politique d'aménagement foncier »

Parmi les autres chantiers sensibles auxquels le syndicat veut s'attaquer de front, figure aussi le foncier agricole, jusqu'à présent délibérément omis de toutes les réformes promises à l'issue de la mobilisation des agriculteurs. Or, « rénover les outils existants et déployer de nouveaux dispositifs de régulation du foncier » est indispensable, selon les Jeunes Agriculteurs, afin de « préserver et mobiliser » les surfaces productives françaises, premier moyen de production de l'agriculture.

Le syndicat agricole propose notamment à réformer en profondeur les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), tout en renforçant leurs prérogatives et leurs moyens. Il suggère également la « relance d'une politique d'aménagement foncier » en s'inspirant du remembrement opéré pendant les Trente Glorieuses, ainsi qu'un « grand plan national d'amélioration foncière » via des aides à l'investissement.

L'agriculteur actif, un individu

Les Jeunes Agriculteurs ne craignent pas non plus de s'attaquer au statut du fermage, afin de le rendre plus attractif et sécure. Ils proposent, « près de 80 ans après sa création », « un nouveau pacte foncier entre l'Etat, les propriétaires et les fermiers ». Les leviers: une réforme de la taxe sur le foncier non bâti, mais aussi de l'indice du fermage, dont le syndicat souhaite une définition non plus nationale mais territoriale, afin de tenir compte dans sa détermination des effets du changement climatique sur les perspectives des fermes.

Le syndicat s'oppose en même temps à « la montée en puissance d'une agriculture de firme, financiarisée et capitalistique, où l'agriculteur n'est plus le décisionnaire-pilote de son exploitation, mais celui qui assure la maîtrise d'ouvrage (...) ». Il réclame donc que le statut d'agriculteur actif soit réservé à « un individu qui, seul ou avec des associés exploitants, détient le capital de l'exploitation, prend les décisions stratégiques et opérationnelles et possède les moyens de production de manière directe ou indirecte ». Ce dernier devrait en outre détenir un bac +2 agricole ou équivalent. L'objectif est d'écarter les seules entités juridiques. Seul un tel actif agricole pourrait bénéficier d'une autorisation d'exploiter, ainsi que de toutes formes d'aides, y compris celles de la PAC.

Une réforme foncière avant la prochaine PAC

« (...) Jeunes Agriculteurs sera à l'initiative, en associant les parlementaires et toutes les parties prenantes, pour porter une réforme foncière ambitieuse », qui devra forcément passer par la loi, promet le syndicat.

L'hypothèse d'une intégration de la réforme foncière dans le projet de loi d'orientation agricole est toutefois écartée par les Jeunes Agriculteurs. « Le sujet n'est pas mûr », explique-t-on. Le syndicat espère toutefois qu'il le sera avant la fin du quinquennat, et dans tous les cas avant la prochaine PAC 2018-2034.

L'objectif d'une « Europe sociale »

Ces propositions s'inscrivent enfin dans une conception de la souveraineté agricole « résolument européenne », précisent les Jeunes Agriculteurs, qui appellent explicitement à « plus d'Europe ». En se joignant aux demandes agricoles d'harmonisation des règles sur les produits phytosanitaires, les engrais et les bâtiments d'élevage, largement formulées lors des manifestations afin de limiter les distorsions de concurrence, les Jeunes Agriculteurs vont en effet bien plus loin :

« (...) nous appelons à ce que l'Europe sociale, souvent annoncée toujours retardée, devienne réalité. Une plus grande convergence "vers le haut'" de la fiscalité, des charges sociales, des règles d'étiquetage et autres est indispensable », lit-on dans le rapport d'orientation.

Un projet que les Jeunes Agriculteurs souhaitent « ouvrir maintenant », mais qui, étant donné le climat politique et profondes modifications qu'il demanderait, ne pourrait éventuellement aboutir que « dans plusieurs décennies », reconnaît Patrick Horel.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 8
à écrit le 07/06/2024 à 10:41
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Les problèmes, c'est 1 problème : La FNSEA.

à écrit le 07/06/2024 à 6:55
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Des déclarations d'intention donc, c'est pratique ça ne mange pas de pain.

à écrit le 06/06/2024 à 23:15
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Un leader agricole qui pense juste est Sébastien Beraud et celui-là appelle à quitter l' UE en urgence car LA cause de la distorsion est cette UE et en conséquence et en responsabilité, il appelle à voter inconditionnellement le FREXIT d' Asseline...

le 07/06/2024 à 8:42
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Voilà une belle idée pour une France sous-développée mais il est vrai que M.Asselineau est un visionnaire pour une France décroissante. M. Asselineau un énarque la famille des bonnes idées pour faire de la France un pays de misère. On voit les grands...

à écrit le 06/06/2024 à 21:26
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Un changement vous attend chez Lamine europa, medium guerisseur specialiste des travaux occultes. il vous guidera dans vos interrogations (l'europe c'est la prospérité, la paix, la stabilité des prix et l'amour) vos attentes, vos aspirations grace...

à écrit le 06/06/2024 à 21:22
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Evidemment, on ne peut que les encourager à demander une harmonisation pour tout le monde, et pas seulement pour eux. Mieux vaut tard que jamais, puisqu'on n'a plus d'industrie textile, que la métallurgie et l'automobile ont considérablement baissé....

à écrit le 06/06/2024 à 20:03
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Entre choix stratégiques et nouveau modèle agricole j'encouragerai la majorité des exploitants à s'orienter vers des débouchés locaux en ce qui concerne leurs productions animal ou végétales et à viser la qualité bien plus que la quantité avec vente ...

le 07/06/2024 à 10:51
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@ldx - C'est un bon choix que de produire et vendre local, mais ce n'est pas ce à quoi pousse la FNSEA , ni l'agroindustrie. Il n'est pas non plus possible, ni souhaitable que tous les agriculteurs se lancent sur le marché local, il n'y a pas assez ...

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