Rachat de Spirit AeroSystems par Boeing : Airbus a fait le choix de la maîtrise

Pressé par le rachat de Spirit AeroSystems par Boeing, Airbus a décidé d'acquérir une partie des activités de l'équipementier américain pour garder la maîtrise de sa chaîne d'approvisionnement. Elle doit désormais se poser la question de l'intégration de ses activités.
Léo Barnier
Airbus va racheter les activités de Spirit AeroSystems dédiées aux A350 et A220.
Airbus va racheter les activités de Spirit AeroSystems dédiées aux A350 et A220. (Crédits : REGIS DUVIGNAU)

La question se posait pour Airbus depuis que Boeing a annoncé son intention de racheter Spirit AeroSystems : comment faire en sorte que des lots de travail stratégiques sur l'A350 et l'A220 confiés à cet équipementier jusqu'ici indépendant ne tombent pas sous la coupe de son principal concurrent ? L'officialisation de la transaction ce lundi a obligé l'avionneur européen à trancher. Ce sera donc un rachat des activités de Spirit qui lui sont dédiées.

Cette décision intervient après une longue réflexion, le rapprochement entre Boeing et Spirit étant évoqué depuis plus d'un an. Guillaume Faury, le président exécutif d'Airbus, annonçait encore en avril que toutes les options étaient étudiées. Dans les faits, les choses semblent déjà bien avancées : l'avionneur européen a annoncé la conclusion d'un « accord contraignant » avec Spirit AeroSystems dans la foulée de son rachat par Boeing. Celui-ci a été approuvé à l'unanimité par le conseil d'administration de Spirit - tout comme la fusion avec Boeing.

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Conclusion attendue mi-2025

Le contrat n'est pas encore finalisé pour autant, comme le précise l'équipementier américain dans un communiqué : « en vertu de ce contrat, les parties continueront à négocier de bonne foi pour conclure des accords définitifs permettant à Airbus d'acquérir certains actifs de Spirit qui servent les programmes d'Airbus, parallèlement à la clôture de l'acquisition de Spirit par Boeing. » Les deux opérations sont d'ailleurs conditionnées l'une à l'autre. Elles doivent être finalisées d'ici le milieu de l'année prochaine.

« Nous sommes fiers du rôle que nous avons joué dans les programmes d'Airbus et nous pensons que le fait de placer ces programmes sous la responsabilité d'Airbus permettra une meilleure intégration et un meilleur alignement », a déclaré Patrick Shanahan, PDG de Spirit AeroSystems.

Les négociations portent sur plusieurs activités clés dans le domaine des aérostructures pour les avions long-courriers A350 avec la production de sections de fuselage, située à Kinston (États-Unis, en Caroline du Nord) et à Saint-Nazaire (France), comme pour les moyen-courriers A220 avec la production des ailes et du fuselage central à Belfast (Irlande du Nord) et à Casablanca (Maroc), ainsi que des pylônes à Wichita (Kansas).

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Maîtrise stratégique

Le mouvement opéré par Airbus est assurément stratégique. Guillaume Faury assurait ainsi récemment ne pas vouloir « que des lots de travail importants soient fournis par notre principal et seul concurrent », c'est-à-dire Boeing. Il revêt une importance encore plus grande dans le contexte actuel de tensions sur les chaînes d'approvisionnement, avec encore beaucoup de difficultés qui tardent à être résorbées après les chocs successifs de la crise sanitaire, de l'inflation, de la guerre en Ukraine... Airbus, actuellement en phase de montée en cadence, en fait d'ailleurs encore les frais.

Ces tensions obligent à encore plus de maîtrise et de souveraineté sur la supply chain comme l'expliquait Guillaume Faury à La Tribune il y a quelques semaines : « Dans ce contexte, cette industrie aujourd'hui très globale, qui s'approvisionne, vend ses produits et distribue ses services à l'échelle mondiale, a besoin d'être beaucoup plus résiliente face aux tensions géopolitiques et aux difficultés d'approvisionnement de matières premières ou de composants. » D'où une remise à plat de la stratégie en la matière.

« Nous sommes effectivement en train de nous restructurer pour être moins dépendants de points de défaillance uniques, ce que l'on appelle les single points of failure, dans une chaîne d'approvisionnement. Nous voulons dupliquer les sources d'approvisionnement, avec une dimension plus régionale pour être moins sensibles aux tensions géopolitiques, embargos, restrictions, difficultés d'accès ou prix qui seraient difficiles à assumer », expliquait fin mai Guillaume Faury.

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Garantir la qualité

Mettre la main sur les activités de Spirit peut aussi être une garantie supplémentaire pour la maîtrise de la qualité. Si cela est prégnant pour Boeing, qui a été confronté à de nombreuses malfaçon de la part de son fournisseur ces dernières années, c'est aussi valable pour Airbus même si le constructeur européen semble avoir été moins impacté comme le déclarait Guillaume Faury en avril : « Nous suivons ces sujets avec Spirit depuis des années, nous les soutenons avec des équipes sur sites assez importantes pour s'assurer que le travail qu'ils font pour nous correspond à toutes nos attentes, que les problèmes identifiés sont corrigés et qu'il y a des boucles vertueuses pour apprendre de ces situations. Ils font eux-mêmes face à des difficultés sur les chaînes d'approvisionnement comme nous pouvons les connaître. Le niveau de compréhension et de partenariat que nous avons avec Spirit est bon, voire très bon pour gérer leur situation complexe ».

Cette future acquisition pose aussi la question de l'intégration de ces activités externalisées au sein d'Airbus. « Comme vous le savez, nous avons deux lots de travail principaux confiés à Spirit, qui viennent de sites quasiment dédiés à Airbus », avait précisé le président exécutif du groupe européen. Ce qui devrait faciliter la transition. D'autant que Spirit compte aussi vendre le reste de ses activités à Belfast.

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L'exemple Airbus Atlantic

Reste à savoir sous quelle forme cela va s'opérer. Airbus a fait récemment l'expérience de l'intégration d'activités d'aérostructures avec la réinternalisation de Stelia Aerospace, qui a donné naissance à Airbus Atlantic, et de Premium Aerotec, pour créer Airbus Aerostructures. Un mouvement à rebours des stratégies d'externalisation pratiquées dans les années 2000, chez Airbus comme chez Boeing (ce qui avait donné naissance à Spirit), pour gagner en compétitivité. « Nous avons pris cette décision, car les aérostructures, c'est la base d'un avion puisque cela représente 40 % de notre activité opérationnelle. Finalement, trois ans après, Boeing fait la même chose », expliquait Florent Massou, directeur des opérations d'Airbus Commercial Aircraft lors du Paris Air Forum.

« Nous discutons avec Spirit, un partenaire essentiel pour nous, afin de s'assurer de la continuité du succès de l'entreprise », avait d'ailleurs indiqué Florent Massou à ce moment-là.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 02/07/2024 à 14:13
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Serait-ce enfin le retour à une intégration verticale de la production, à l'image de Samsung qui fabrique lui-même ses composants électroniques, processeurs et écrans qui équipent ses propres smartphones et téléviseurs ?

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