L'incertitude électorale pèse sur les valeurs de l'aéronautique et du transport aérien

Les investisseurs aiment avoir des certitudes et ce n'est pas en France qu'ils les trouvent actuellement. En dépit des perspectives et de la robustesse offertes par l'industrie aéronautique ou encore de la bonne dynamique actuelle du transport aérien, les principales valeurs boursières de ces secteurs ont reculé en juin. Et le contexte électoral trouble n'y est pas étranger.
Léo Barnier
Les valeurs françaises ont reculé assez largement le mois dernier.
Les valeurs françaises ont reculé assez largement le mois dernier. (Crédits : Benoit Tessier)

La chute a été générale : -3 % pour Safran, -7 % pour Thales, -10 % pour Groupe ADP, Airbus et Dassault Aviation, -22 % pour Air France... Malgré un regain d'énergie lors de la semaine écoulée, les valeurs boursières des entreprises françaises (ou identifiées comme telles) du secteur de l'aéronautique-défense et du transport aérien ont été clairement orientées à la baisse sur le dernier mois. Et dans la plupart des cas, l'inflexion des cours s'est faite dans les jours qui ont suivi la dissolution du 9 juin dernier et l'annonce d'élections législatives anticipées trois semaines plus tard.

« Nous avons vu ces dernières semaines des ventes sur les paniers d'actifs France, sans corrélation avec leur activité, explique Yan Derocles, analyste chez Oddo BHF en charge des secteurs de l'aéronautique et de la défense. Toutes les entreprises identifiées comme françaises ont subi des ordres de vente sur leurs actions sans distinction. » Les investisseurs se sont ainsi reportés vers d'autres sociétés à l'international.

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Ce mouvement a d'ailleurs touché l'ensemble du marché français, déjà handicapé par des capitalisations faibles. Sur le mois de juin, les valeurs nationales ont reculé de -6,4 % pour le CAC 40, -11,5 % pour le CAC Mid, -16,1 % pour le CAC Small. Pour les « large caps » européennes (entreprises dont la capitalisation boursière est supérieure à 10 milliards d'euros), l'indice Europe Large 200 abandonne seulement 0,7%, quand le Mid 200 et le Small 200 cèdent 3,9% chacun.

« Cela va clairement au-delà des conséquences d'une élection normale », assure Yan Derocles, analyste chez Oddo BHF.

Difficile de faire la part des choses

L'analyste prévient tout de même qu'il ne faut pas tirer de conclusions hâtives pour chaque valeur. Il explique qu'il est ainsi difficile de faire une distinction précise entre ce qui est attribuable à l'incertitude politique actuelle et ce qui est dû aux performances des entreprises en elle-même. Il cite ainsi Air France-KLM où le décrochage s'est accentué au cours des derniers jours, notamment avec l'annonce lundi « d'un impact négatif sur ses recettes unitaires compris entre 160 et 180 millions d'euros pour la période allant de juin à août » en raison de la tenue des Jeux olympiques à Paris. De même, la cotation d'Airbus a plongé suite à l'annonce du 24 juin sur une révision à la baisse de ses prévisions financières annuelles.

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Cette analyse est partagée du côté de Barclays, qui a dégradé sa recommandation pour Air France-KLM la semaine dernière. Si la banque appuie son avis sur différents éléments spécifiques comme les restrictions d'activité à l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol, l'impact des Jeux olympiques ou une possible faiblesse sur le trafic transatlantique, elle cite aussi très clairement le contexte politique français. Comme le rapporte BFM Bourse, l'analyse pointe l'incertitude entourant le résultat des élections avec un très probable changement de majorité et anticipe des conséquences pour le groupe de transport aérien.

« Nous pensons que la polarisation de la politique française risque de perturber la confiance des entreprises et des consommateurs et de provoquer une possible aggravation de l'agitation sociale, ce qui constituerait un défi pour les recettes unitaires d'Air France », indique Barclays.

La banque estime également que cela pourrait raviver les tensions sociales au sein même de l'entreprise, après des années d'apaisement sous la direction de Benjamin Smith. De même, elle pose la question des relations avec l'Etat, actionnaire majoritaire et soutien de poids pendant la crise sanitaire.

Le calme avant la tempête ?

Les différentes valeurs ont semblé retrouver un peu de vigueur ces derniers jours. Le ralliement d'Eric Ciotti et d'une partie des Républicains au Rassemblement national, ainsi que le reniement d'une partie des mesures annoncées semblent avoir quelque peu rassuré les marchés mais les incertitudes restent importantes. Le résultat des urnes dimanche soir pourrait à nouveau faire vaciller les cours dès le lendemain.

Le recours à un gouvernement technique en cas d'absence de majorité absolue fait partie des options qui pourraient s'avérer complexes pour les sociétés cotées. Cette solution signifierait entre autres une reconduction du dernier budget voté, possiblement assorti de mesures d'économies. Ce qui ne serait pas sans conséquences, notamment le cas dans le secteur de la défense qui dépend beaucoup de la commande publique et du soutien étatique politique dans les campagnes à l'export.

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L'autre inquiétude vient des possibles fortes tensions sociales, voire des troubles à l'ordre public qui pourraient résulter des élections. Pour l'aéronautique, cela pourrait notamment aggraver les problèmes de logistique alors que les chaînes d'approvisionnement sont déjà fortement perturbées. L'impact pourrait également être fort pour le transport aérien, dont l'image est très sensible à ce type d'événements, avec un possible effet repoussoir pour les voyageurs. Des « shorts » (position de vente à découvert) conditionnés à des troubles à l'ordre public sont même envisagés sur certaines valeurs. Sans compter qu'une victoire de l'extrême-droite pourrait inciter des passagers à se reporter vers d'autres pays.

Comme l'explique Yan Derocles, cette dégradation des marchés pourrait se ressentir sur les taux d'intérêt avec comme effet un renchérissement de la dette. Si les grands acteurs du secteur aéronautique disposent d'un bilan plutôt sain, la situation est plus compliquée pour Air France-KLM dont la dette nette avoisine toujours les cinq milliards d'euros. Ce qui pourrait expliquer sa volonté d'accélérer le remboursement d'une partie de ses émissions obligataires.

Léo Barnier

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Commentaires 2
à écrit le 06/07/2024 à 12:56
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L'aéronautique et le transport aérien ont, compte tenu du bilan désastreux de ce dernier en matière de GES et d'écologie, la certitude qu'il faudra un jour (et le plus tôt sera le mieux) rabattre la voilure. Est-ce qu'ils s'y préparent d'une façon ou...

à écrit le 06/07/2024 à 6:44
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"Les investisseurs aiment avoir des certitudes" Où tout le malheur de notre économie... Nos dirigeants sont faibles. "Ce n'est pas le doute mais la certitude qui rend fou" Nietzsche

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