Eumetsat : l'Allemagne met KO la France en imposant SpaceX au détriment d'Ariane 6

Le satellite météo MTG-S1 d'Eumetat initialement programmé sur le nouveau lanceur européen a finalement été confié à l’entreprise d’Elon Musk. Berlin a été à la manoeuvre pour imposer le lanceur américain Falcon 9 au détriment d'Ariane 6.
Michel Cabirol
Le vol inaugural du lanceur lourd Ariane 6 est programmé le 9 juillet.
Le vol inaugural du lanceur lourd Ariane 6 est programmé le 9 juillet. (Crédits : © LTD / ESA / CNES)

D'habitude si discrète, Eumetsat, l'organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques, a provoqué vendredi une véritable tempête dans le spatial européen. Même le très pondéré directeur général de l'Agence spatiale européenne (ESA), Josef Aschbacher, s'est fendu d'un post sur X (ex-Twitter) très inhabituel. Mais qu'a donc fait Eumetsat pour susciter autant d'indignations mais aussi d'incompréhensions ? Contre toute attente, elle a cassé un contrat signé en mars 2021 avec Arianespace (Ariane 6) pour lancer son satellite MTG-S1 (fabriqué par le groupe allemand OHB) et l'a réattribué à l'américain SpaceX (Falcon 9) à quelques jours du vol inaugural du nouveau lanceur lourd européen, prévu le 9 juillet. Très clairement, Eumetsat a sans états d'âme lâché au plus mauvais moment Ariane 6 en invoquant des « circonstances exceptionnelles » qui restent à ce jour encore très mystérieuses.

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En Europe, la décision a du mal à passer. « C'est du sabotage de prendre une telle décision à ce moment-là », s'indigne un responsable européen dans le domaine spatial. Josef Aschbacher, dans un tweet sur X, a quant à lui jugé « surprenante » la décision d'Eumetsat « de lancer avec SpaceX au lieu d'Ariane 6, sans attendre le vol inaugural », ajoutant : « C'est difficile à comprendre. »

Eumetsat a déchiré le pacte tacite

Cette précipitation révèle en fait la volonté inédite d'Eumetsat de ne pas lancer MTG-S1, qu'elle considère comme « un chef-d'œuvre unique de la technologie européenne », avec Ariane 6. Ce satellite devait monter à bord du troisième vol du nouveau lanceur prévu au printemps 2025. En cas de succès du vol inaugural, la décision pour Eumetsat aurait été encore plus difficile à prendre et encore plus incompréhensible pour la filière. D'où ce choix, dicté par l'urgence de casser le contrat avec Arianespace, le conseil d'Eumetsat s'étant réuni les 26 et 27 juin. « Le sentiment que cela donne, c'est qu'ils ont tout fait pour ne pas se retrouver à effectuer un choix définitif au lendemain du premier vol d'Ariane 6 », confirme-t-on à La Tribune Dimanche.

Un choix d'autant plus surprenant que par le passé Eumetsat, qui a réalisé 14 lancements réussis avec Arianespace, n'avait pas craint de voler avec des lanceurs Ariane qui n'ont pas encore prouvé leur fiabilité. Cette organisation a confié depuis les débuts de la famille Ariane deux de ses satellites à la troisième Ariane 1, qui venait après l'échec de la deuxième, et à la première Ariane 4. « Ils ont su à ce moment-là faire un choix qui était extrêmement européen », rappelle-t-on à LTD. En outre, la mission consacrée à MTG-S1 était très classique pour une Ariane 62 dont le troisième exemplaire est déjà en production, et ne présentait pas de difficultés particulières. Et pourtant, Eumetsat a déchiré le pacte tacite qu'elle avait jusqu'ici avec l'industrie européenne de faire jouer la préférence communautaire, à l'image de ce qui se fait aux États-Unis. Très clairement, Eumetsat s'est mise politiquement dans une situation intenable.

C'est du sabotage de prendre une telle décision à ce moment-là

Un responsable européen

Le communiqué d'Eumetsat reste lui aussi très troublant pour l'avenir. L'organisation européenne n'évoque jamais le partenariat contractuel qui la lie avec Arianespace. En principe, la filiale d'ArianeGroup, qui conçoit les Ariane 6, doit lancer les trois satellites suivants d'Eumetsat. Or le directeur général d'Eumetsat, Philip Evans, qui a pris la décision de présenter un rapport au conseil pour casser le contrat avec Arianespace, élude ce point. Arianespace lancera-t-elle les prochains satellites météo ? Le directeur général occulte également la date de lancement de MTG-S1, désormais dans les mains de SpaceX, et ne donne aucune nouvelle sur l'état d'avancement du satellite. « Quel est l'état réel de préparation du satellite ? » s'interroge d'ailleurs un responsable à Paris. Si le satellite n'était pas prêt pour un lancement au printemps, la décision d'Eumetsat serait encore « plus invraisemblable », estime-t-il.

Enfin, Eumetsat s'est logiquement abstenue de révéler les débats virulents au sein du conseil qui ont opposé la France à l'Allemagne. Berlin a été beaucoup à la manœuvre pour faire entériner cette décision, selon des sources concordantes. Paris s'est opposé en vain à la décision de la direction générale. À l'exception de la Belgique et de la Tchéquie (abstention), et de l'Italie et la Bulgarie, qui ont réservé leur réponse, tous les autres pays, entraînés par l'Allemagne, se sont assis sans état d'âme sur la préférence européenne. « L'Allemagne nous a planté un couteau dans le dos », regrette amèrement un responsable européen. Dernier point, le jeu trouble, selon des sources concordantes, qu'aurait pu jouer l'industriel allemand OHB, proche notoirement de SpaceX, pour influencer le choix de la direction générale d'Eumetsat.

Michel Cabirol

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Commentaires 19
à écrit le 01/07/2024 à 21:12
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C est l Europe a la façon Allemande ils torpillent tout ce qui est Français ( et toutes nos collaborations chars/ drone/ avions du futur / nucléaire etc..) elle est belle la coalition franco allemande il faudra bien un jour arrêter de se faire entu.....

à écrit le 01/07/2024 à 20:04
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" en 2023, SpaceX a procédé à 96 lancements orbitaux tous réussis (91 avec le Falcon 9 et 5 en version Heavy). SpaceX ambitionne plus de 140 vols pour 2024." . ça dit tout. Avec une organisation vingt fois plus légère et moins coûteuse que Arianesp...

à écrit le 01/07/2024 à 20:03
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" en 2023, SpaceX a procédé à 96 lancements orbitaux tous réussis (91 avec le Falcon 9 et 5 en version Heavy). SpaceX ambitionne plus de 140 vols pour 2024." . ça dit tout. Avec une organisation vingt fois plus légère et moins coûteuse que Arianesp...

à écrit le 01/07/2024 à 11:10
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Encore un bel os à ronger pour les excités du FREXIT, les paranos de l’UE et leurs diatribes haineuses anti UE. 1) Sans UE pas d’Ariane et la question, de qui va lancer ne se poserait même pas, si tant est que les US veuillent bien le lancer (je...

à écrit le 01/07/2024 à 10:10
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Ariane 6 est plus chère, encore expérimentale alors que son premier étage cryogénique est tout simplement dépassé. Il faut donc payer toute la campagne de tests pour une machine du siècle dernier. Plutôt que d'incriminer l'UE, allez demander à ceux q...

à écrit le 30/06/2024 à 23:10
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Quand on lit l'article (ce que peu semblent faire) on se rend compte que 25 des 30 pays d'Eumetast ont voté pour le lancement par SpaceX. Un pays a voté contre (la France) et quatre se sont abstenus (Belgique, Tchéquie, Italie et Bulgarie). Il serai...

le 01/07/2024 à 8:45
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" et que les Français cessent de prétendre parler au nom de tous les "Européens"" Ben non je ne pense qu'aux intérêts de la France et des français et c'est bien pour cela d'ailleurs que j'avais voté non comem la majorité de mes compatriotes au traité...

le 01/07/2024 à 22:04
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Je suis désolé mais l'article dit implicitement dans son titre que "l'Allemagne a mis KO la France" alors qu'il s'agit d'une décision commune européenne presque à l'unanimité (25 votes sur 30). C'est la France qui s'est isolée avec son entêtement et ...

à écrit le 30/06/2024 à 22:52
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L'Allemagne joue toute seule .Elle fait partie de l'Europe pour ses intérêts et joue même un double jeu avec Poutine en continuant d'acheter du gaz russe .Macron est vraiment le president idéal pour les allemands . Macron n'est pas *francais* il es...

à écrit le 30/06/2024 à 20:55
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Où est l’Europe pour imposer le lanceur européen ? Et ils ont reconduit van der layen… bref lamentable, il faut sortir la France de l’UE et laisser l’Allemagne s’en occuper….

à écrit le 30/06/2024 à 20:10
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Une trahison de plus...

à écrit le 30/06/2024 à 19:46
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Vivement Ariane 10 et les fusées réutilisables.

à écrit le 30/06/2024 à 16:53
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Avec des amis pareils pas besoin d'ennemis. Maudits soit notre faiblesse.

à écrit le 30/06/2024 à 16:03
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Après on s'étonne de la monter du populisme extrême droite dans les pays ! Ou est L'Union Européenne dont Bruxelles nous bassines en longueur de journée. Pour moi c'est chacun sa poire, il suffit de voir l'achat d'Armement beaucoup de pays de L'U.E. ...

à écrit le 30/06/2024 à 15:03
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L'europe de Macron.

à écrit le 30/06/2024 à 12:04
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Il n'y a que Macron qui y croit à cette Europe, les autres s'en moquent et étrangement font tout ce qu'ils peuvent pour ne JAMAIS acheter français. Quand on pense que l'autre voulait donner notre dissuasion nucléaire et notre droit de veto à l'Allem....

le 30/06/2024 à 17:18
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"voulait donner notre dissuasion nucléaire" ?? vous avez mal interprété ou mal lu. Distribution de boutons rouges pour que chaque pays puisse lancer des missiles depuis un sous-marin français si besoin. Bon, c'est cher le bouton, on a des frais pour ...

à écrit le 30/06/2024 à 11:49
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Seules solutions : Le Frexit. Autre exemple : Projet STAFF : coquille vide pour que l'Allemagne socialiste pille les brevets de chez Dassault.

à écrit le 30/06/2024 à 11:10
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Une Allemagne néfaste pour la France depuis beaucoup trop longtemps, alors je suis souvent censuré sur cette vérité alors que c'est dans ses oeuvres, quasiment tout ces livres même, mais Nietzsche avait prévenu de ce profond ressentiment anti-françai...

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