Boeing pourrait échapper à un procès pénal, le ministère américain de la Justice dément

Par latribune.fr  |   |  770  mots
Le ministère avait prévenu mi-mai d'un risque de poursuites pénales contre l'avionneur pour non-respect d'un accord conclu le 7 janvier 2021 (Photo d'illustration). (Crédits : Peter Cziborra)
Selon les informations de la presse américaine, le ministère américain de la Justice prévoit de proposer un nouvel accord de poursuites différées à l'avionneur. Boeing et les avocats des familles dans le volet civil n'ont pas réagi. Le ministère s'est refusé à tout commentaire.

Le ministère américain de la Justice compte proposer à Boeing un nouvel accord de poursuites différées (DPA), mais avec nomination d'un superviseur indépendant, selon les informations dévoilées par le New York Times vendredi. Le quotidien new-yorkais, faisant référence à des sources proches des discussions, a rapporté qu'après un « intense débat interne, de hauts responsables du ministère paraissent avoir conclu que poursuivre Boeing serait trop risqué juridiquement ».

Ils « considèrent que la nomination d'un superviseur indépendant est une façon plus rapide et plus efficace de s'assurer » que Boeing améliore ses processus de production et de contrôle de qualité, a poursuivi le journal. Un procès pénal entraîne souvent le dépôt de bilan de l'entreprise visée, rappelle également le quotidien américain. Or Boeing est un groupe crucial pour l'économie américaine et pour la sécurité nationale.

Toujours selon le New York Times, une condamnation pénale pourrait l'exclure des contrats gouvernementaux et militaires américains. Or, sa branche Défense, Espace et Sécurité (BDS) a généré quasiment 25 milliards de dollars en 2023, soit près d'un tiers du chiffre d'affaires du groupe.

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Le ministère dément

Pour rappel, le ministère avait prévenu mi-mai d'un risque de poursuites pénales contre l'avionneur pour non-respect d'un accord conclu le 7 janvier 2021 après le crash de deux 737 MAX 8, ayant fait 346 morts. Boeing a officiellement contesté ces conclusions mi-juin. Le ministère s'est engagé à faire connaître, au plus tard le 7 juillet, sa décision au juge fédéral du Texas chargé de cette affaire.

Sollicités par l'AFP au sujet des informations du New York Times, Boeing et les avocats des familles dans le volet civil n'ont pas réagi. Le ministère s'est refusé à tout commentaire. « Cet article est tout simplement incorrect », a fait savoir un responsable du ministère à Paul Cassell, professeur de droit à l'université de l'Utah et avocat des familles pour le volet pénal, dans un courriel que ce dernier a relayé auprès de médias.

« Le ministère n'a pas pris de décision sur la façon de procéder ni sur l'opportunité de poursuivre Boeing », lui a assuré Glenn Leon, chef de la section fraude du service pénal au ministère, s'engageant à l'informer de « toutes décisions majeures » dans cette affaire.

« Nous espérons que le démenti du ministère (...) n'est pas un stratagème pour gagner du temps afin de parvenir à un autre DPA avec Boeing », a réagi Paul Cassell. « Le premier DPA a échoué. Il n'y a pas de raison de penser qu'un second ferait mieux ».

« Il est temps de mettre un terme à cette affaire en allant au procès et en obtenant un verdict de culpabilité contre Boeing », a-t-il poursuivi.

Des incidents multiples

Accusé de fraude dans le processus de certification du 737 MAX - son avion vedette -, Boeing avait accepté en 2021 de payer 2,5 milliards de dollars et s'était engagé, entre autres, à renforcer son programme de conformité. Il prévoyait une mise à l'épreuve de trois ans.

Mais l'avionneur multiplie, surtout depuis début 2023, les problèmes de production et de contrôle de qualité sur trois de ses quatre avions commerciaux (737 MAX, 787 Dreamliner et 777). L'incident en vol sur un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines le 5 janvier, dont une porte-bouchon - opercule condamnant une issue de secours redondante - s'est détachée, a été de trop.

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Résultat, des enquêtes ont été ouvertes par les régulateurs, la justice et des commissions parlementaires, dont certains membres plaident pour des poursuites. Des familles de victimes des crashes réclament également un procès pénal contre le groupe et ses dirigeants, ainsi qu'une amende de près de 25 milliards de dollars.

Dave Calhoun, patron de Boeing depuis début 2020 et qui doit partir d'ici la fin de l'année en retraite anticipée à cause des problèmes de l'avionneur, a reconnu mardi devant une commission d'enquête sénatoriale la « gravité » de la situation. Il a affirmé que des progrès avaient déjà été effectués.

« Notre culture est loin d'être parfaite, mais nous prenons des mesures et nous progressons », a-t-il déclaré. « Nous comprenons la gravité, et nous nous engageons à aller de l'avant en toute transparence et prise de responsabilité, tout en augmentant l'investissement des employés ».

(Avec AFP)