L'Assemblée nationale a définitivement adopté, mercredi 5 juin, la loi sur l'attractivité financière, un texte proposé et défendu par le député Renaissance Alexandre Holroyd. Le texte de loi intègre plusieurs précisions souhaitées par le Sénat lors de son vote le 3 mai dernier, et comporte surtout de nouvelles mesures concernant le plafonnement des indemnités de licenciements des traders, principal point de désaccord entre deux chambres.
L'objectif de cette loi vise à dynamiser la place financière de Paris face à la concurrence des autres places financières, comme Londres, New York ou même, au sein de la zone euro, Amsterdam ou Francfort. « C'est une pierre à l'édifice de l'attractivité française, qui a fait l'objet d'un consensus assez large entre l'Assemblée et le Sénat - en témoigne la rapidité d'adoption de la proposition de loi. Nous sommes tous d'accord : il faut continuer à nous moderniser tout en préservant les spécificités françaises, et renforcer le lien entre épargne européenne disponible et investissement dans nos entreprises », a commenté auprès de l'AFP Alexandre Holroyd.
Tabou des droits de vote levé
« L'attractivité de la place de Paris est un des éléments clés de nos orientations stratégiques. L'AMF est donc mobilisée au soutien de cette initiative », avait rappelé Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers, lors de la présentation du rapport annuel du superviseur.
L'AMF a notamment l'une des mesures phares de la loi, à savoir la possibilité pour une entreprises qui s'introduit en Bourse de bénéficier d'actions à droits de vote multiples, une mesure à laquelle de nombreux assets managers se sont montrés hostiles au nom de la protection de l'investisseur.
Cette possibilité, assez courante aux Etats-Unis, notamment dans le secteur de la Tech, permet aux fondateurs d'une entreprise de lever du capital en Bourse en s'assurant toujours de son contrôle. Et donc d'éviter que certaines licornes aillent se faire coter à New York ou Amsterdam pour bénéficier de ces actions à droits de vote multiples. C'est donc tout un pan de la gouvernance des entreprises mais aussi de la protection des actionnaires minoritaires qui est bouleversé, même si un certain nombre de garde-fous sont prévus dans le texte de loi.
Toutefois, le texte va assez loin, même plus loin que Londres : aucune limite au nombre de droits de vote sur les marchés réglementés et une limite de 25 droits de vote par action sur les plateformes de négociation.
Indemnités plafonnées pour les traders
Cette mesure pourrait favoriser les introductions en Bourse, surtout sur des montants plus importants. En 2023, la levée moyenne de capitaux au cours d'une introduction en Bourse a été de... 10 millions d'euros, ce qui reste ridiculement faible. En complément de la loi, l'AMF a d'ailleurs pris l'initiative de rendre optionnelle, et non plus obligatoire, la tranche réservée aux particuliers, qui complique l'opération et rallonge le calendrier. Les deux récentes introductions en Bourse à Paris ont ainsi pu être menées en quelques jours, sans cette tranche réservée.
Autre mesure phare, sujet polémique par excellence, et sur lequel les banques américaines, qui ont renforcé leurs équipes à Paris depuis le Brexit, ont exercé une forte pression en sa faveur, le plafonnement des indemnités finalement limité aux seuls traders et à leurs managers, comme base de compromis entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
Semi-victoire pour les banques
Le montant de la rémunération mensuelle prise en compte dans le calcul de l'indemnité dans le cadre d'une procédure de licenciement sera plafonné à 46.000 euros, un montant qui « prend en compte l'ancienneté et qui cible plutôt les traders peu expérimentés », précise le député Holroyd.
Les grosses pointures à un million ou plus d'euros par an (à savoir souvent ceux qui prennent le plus de risques) sont donc exclues du champ de la loi, tout comme les autres banquiers, comme les banquiers d'affaires. Au final, les poids lourds de Wall Street - JP Morgan, Goldman Sachs et consorts - n'auront pas eu totalement gain de cause.
Enfin, d'autres mesures plus techniques, comme l'extension des fonds de capital-risque à des entreprises jusqu'à 500 millions d'euros de chiffres d'affaires ou la numérisation des titres, des assemblées générales ou des opérations commerciales à l'international pour faciliter les transactions, complètent le dispositif.
Cette loi, comme les initiatives de l'AMF, montrent l'importance désormais accordée aux places financières, devenues un enjeu de compétition et de souveraineté. A l'heure où TotalEnergies évoque une double cotation à New York, ces sujets ne sont plus pris à la légère.
Sujets les + commentés