Le crédit à la consommation cherche son salut dans les mobilités et la rénovation des logements

La demande est encore timide mais les acteurs du crédit à la consommation se préparent à la reprise du marché en 2024, malgré un mois de mars en net recul. Le marché en Europe reste dominé par trois acteurs, qui chacun a opéré ces dernières années une mue spectaculaire vers « la mobilité », en clair, le financement de l’automobile. Pour refléter ces évolutions, le Crédit Agricole vient de rebaptiser sa puissante filiale de crédit à la consommation Crédit Agricole Personal Finance & Mobility.
L'automobile et la rénovation énergétique sont les deux axes majeurs des principaux acteurs du crédit à la consommation.
L'automobile et la rénovation énergétique sont les deux axes majeurs des principaux acteurs du crédit à la consommation. (Crédits : DR)

Déjà fragilisés par la crise sanitaire, les acteurs du crédit à la consommation ont connu une année 2023 très difficile avec la remontée rapide des taux à partir de l'été 2022, qui a comprimé les marges à moins de 100 points de base à la fin 2022 - un niveau nettement insuffisant pour couvrir les charges et le risque, et provoqué une rupture d'offre, et une demande de crédit qui s'est parallèlement effondrée avec la perte de pouvoir d'achat.

Aujourd'hui, les professionnels du crédit attendent une lueur de reprise en 2024. La demande est encore timide et le marché global est en recul de 2,1% au premier trimestre, selon les chiffres de l'Association française des sociétés financières (ASF). La baisse est même de 10 % en mars.

Retour des marges

En revanche, et c'est la bonne nouvelle pour le secteur, les marges se sont peu à peu reconstituées, autour de 350 à 400 points de base, pas loin des niveaux d'avant Covid. Même le coût du risque est globalement revenu sur la moyenne du marché (hors auto), entre 100 et 150 points de base.

« Il est difficile d'y voir clair, compte tenu de la porosité croissante entre le paiement fractionné et le financement des petits achats de consommation, de la profonde recomposition du secteur du financement de l'auto et de l'attentisme des acteurs du crédit à la consommation hors auto, inquiets des effets de l'inflation sur les ménages », résume un bon connaisseur du secteur. « Nous sommes dans une situation où chacun se dit que les choses vont bouger et où tout monde se réorganise autour de l'automobile et la rénovation énergétique », poursuit-il.

Restructurations en série

Certains acteurs du crédit à la consommation, notamment les historiques, se font plus discrets. « Tout le monde est de train de retravailler sa copie », avance un professionnel du secteur. C'est notamment le cas chez ONEY, filiale de BPCE, qui a déjà taillé l'an dernier dans son réseau international. Autre acteur historique, BNP Paribas Personal Finance (qui porte notamment la marque Cetelem) a décidé de réagir très tôt à la perte de revenus prévisibles, dès l'été 2022.

Cette filiale de BNP Paribas a d'abord drastiquement réduit sa présence à l'international, de l'Europe centrale à la Scandinavie, en passant par le Mexique et le Brésil (soit l'équivalent de 20 % de son résultat net d'avant crise), avant d'annoncer au printemps 2023 un plan de départs volontaires de 950 personnes en France (20% des effectifs). Ces suppressions d'effectifs sont liées pour l'essentiel à l'acquisition de Laser Cofinoga en 2016 (plus de 4.000 salariés, un sureffectif qui devait à l'origine être absorbé, par la croissance attendue des revenus.

La nouvelle a créé un choc dans le secteur, autrefois florissant et peu habitué aux plans sociaux. Environ 80% de ce plan social est aujourd'hui réalisé et environ 250 salariés ont pu être reclassés dans le groupe, selon la direction. « Nous passons aujourd'hui à l'étape d'après », indique Charlotte Dennery, administratrice directrice générale de BNP Paribas Personal Finance. Dans une vidéo interne, Thierry Laborde, directeur général délégué de BNP Paribas, a même lancé un « PF is back» pour remotiver les troupes.

Le virage de l'auto

D'autres acteurs, comme au Crédit Agricole, mais aussi au Crédit Mutuel (Cofidis), ont pu jouer sur une base de coûts plus faible (coefficient d'exploitation de moins de 50%) pour absorber cette brutale baisse d'activité sans réduire les effectifs. Mais le principal amortisseur a sans doute été l'automobile !

« Le marché a été très difficile en 2023 et, malgré tout, nous avons eu de bons résultats, en grande partie grâce à la mobilité, qui nous a permis de générer du volume », reconnaît Stéphane Priami, directeur général de Crédit Agricole Personal Finance & Mobility, nouvelle marque du groupe filiale spécialisée du Crédit Agricole pour mieux refléter les évolutions du marché.

Chez BNP Paribas, l'avenir s'écrit également de plus en plus comme « mobilité ». « En dix ans, nous avons complètement fait bouger le business model et le poids du crédit auto dans l'activité a doublé de 22 % à près de 46% en 2023 », souligne la dirigeante. Et encore cette filiale n'intègre pas les activités de leasing, regroupés sous l'enseigne Arval.

Trois leaders européens

Crédit Agricole a fortement accéléré ces dernières années sur l'auto, où il accusait un certain retard. Il a mis à profit la réorganisation des filiales financières du constructeur Stellantis - un meccano complexe devenu un vrai cas d'école - pour se renforcer dans le leasing et créer une filiale européenne, CA Auto Bank, dont l'ambition est de devenir numéro un en France. Au total, l'auto représente déjà 52% de la production de CAPFM en 2023 et 57% au premier trimestre. « Je ne souhaite pas aller au-delà de 65% car les ménages ont aussi besoin de financer leur consommation et l'équipement de leur domicile », tempère cependant le banquier.

Quant au troisième compétiteur de dimension européenne, Santander Consumer Bank, l'auto ne concentre pas moins de 75% de son activité. Cette filiale du groupe bancaire espagnol vient de faire son retour sur le marché français en récupérant une filiale du constructeur Stellantis. Et selon Les Echos, elle serait également sur les rangs pour créer une co-entreprise avec Renault dans le leasing automobile. La bataille de l'auto s'annonce donc rude sur un marché des nouvelles immatriculations en croissance de 7% en Europe sur les quatre premiers mois de l'année.

Les trois principaux financeurs européens - Santander, BNP Paribas et Crédit Agricole - ont largement profité de la concentration des intervenants - avec la disparition des petits acteurs mais aussi la fin du « crédit auto » classique vendu en agence bancaire. Les sociétés captives des constructeurs perdent également de leur puissance, exceptées les plus importantes. « Mais ce qui bouge le plus, c'est le nombre de constructeurs », relève Richard Bouligny, directeur général adjoint de CAPFM.

Des beaux deals à faire

Chacun guette la montée en charge des constructeurs chinois et revendique sa proximité avec la Chine. CAPFM met en avant sa présence pan-européenne, un atout stratégique pour un nouvel entrant. La Chine est d'autant plus importante que le Crédit Agricole nourrit l'ambition « de devenir le leader de la mobilité électrique en Europe ». Exit donc les doutes sur la pertinence de l'objectif d'un horizon « full electric » en 2035.

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« Entre le point de départ et le point d'arrivée, il peut y avoir des oscillations, mais je n'ai aucun doute sur le point d'arrivée. Sur le temps long, je ne suis ni optimiste, ni pessimiste sur l'électrique, je suis simplement légaliste », avance Stéphane Priami. Le groupe a signé un partenariat (non exclusif) emblématique avec Tesla en Europe. En 2023, 44% des financements de CA Auto Bank sont déjà réalisés dans le véhicule électrique (32% pour CAPFM pour un objectif 2026 de 50%), alors que la part de marché de l'électrique est d'environ 16% des immatriculations.

La Chine est également dans le viseur de BNP Paribas PF, qui détient d'ailleurs deux co-entreprises dans l'Empire du Milieu, l'une dans le crédit à la consommation, l'autre avec le constructeur de voitures électriques Geely. Dix ans de présence en Chine que le groupe français entend donc mettre à profit.

BNP Paribas PF a également remporté l'appel d'offres sur Jaguar Land Rover et d'autres partenariats restent ouverts, comme avec Ford qui se pose la question de travailler ou non avec sa captive en Europe. « Il y a encore de très beaux deals à faire », soutient Charlotte Dennery.

La manne de la transition

Sur le terrain du crédit à la consommation hors automobile, soit via des distributeurs, soit en vente direct sur une plateforme, l'enjeu est également de plus en plus européen. BNP Paribas PF a notamment fait du secteur « Telco » (électronique grand public) un axe de croissance majeur, avec des partenariats notamment avec Apple ou Currys au Royaume-Uni, mais aussi Orange dans le cadre de l'accord noué entre Orange Bank et BNP Paribas pour la reprise du fonds de commerce. La rénovation énergétique est également le marché le plus prometteur, estimé à 30 ou 40 milliards d'euros par an en France. BNP Paribas PF bénéfice de sa filiale Domofinance, créée il y a 20 ans avec EDF, spécialisée dans le domaine.

Sofinco, la filiale de CAPFM (crédit hors auto), dont l'objectif est d'être numéro un en France d'ici 2026, est également sur les rangs. « Nous sommes convaincus du rôle que peuvent jouer les banques sur ce sujet », soutient Franck Oniga, directeur général de Sofinco. L'économie circulaire est également au centre de toutes les attentions en termes de nouveaux usages des consommateurs.

Nouveaux usages

« Les ressorts qui ont conduit les Français à arrêter d'acheter des voitures, comme l'évolution du rapport à la propriété mais aussi l'augmentation du prix du matériel neuf, vont s'appliquer également aux autres biens d'équipement. Regardez le succès des smartphones reconditionnés ! C'est le marché de demain », observe ainsi Franck Oniga. Sofinco, comme d'autres, réfléchissent donc à des offres « locatives » sur la téléphonie, l'électroménager ou les vélos électriques, avec des packages de services et d'assurance.

Floa (BNP Paribas) vient de présenter au salon Vivatech sa nouvelle offre de paiement fractionné Circle Pay qui consiste à financer en plusieurs fois la différence de prix d'un smartphone neuf avec le montant de la reprise de l'ancien smartphone. « Cela permet d'introduire de la circularité dans le paiement et dans le crédit », souligne Marc Lanvin, directeur général adjoint de Floa.

« Le paiement fractionné, qui atteint sa phase de maturité, s'impose comme un moyen de paiement incontournable en Europe. Les acteurs sont désormais connus et la recomposition du secteur se fera désormais à la marge», souligne le banquier.

Le paiement fractionné s'étend de fait à de nouveaux univers, comme l'économie circulaire, le tourisme et le voyage, et plus récemment, l'entretien de la voiture, qui coute de plus en plus cher, et même le bien-être, comme les cures de thalasso ou les soins épilatoires. La chirurgie esthétique est même à l'étude !

Toutefois, la transposition de la nouvelle directive européenne sur le crédit à la consommation, actuellement en cours de discussion avec le Trésor, risque de gêner le développement de ces nouvelles formules de crédit. Rappelons que la directive intègre désormais le paiement fractionné, les mini-crédits et la location avec option d'action (LOA) dans le champ réglementaire du crédit à la consommation.

 « Sur le délai d'octroi, iI ne faudrait pas confondre un paiement fractionné, inséré dans un processus de paiement, avec un crédit long, au risque de tuer le marché », avertit notamment Franck Oniga.

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Commentaires 6
à écrit le 28/05/2024 à 11:49
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A l'image de leurs grandes sœurs du crédit revolving, les nouvelles institutions de crédit à la consommation mettent les français en coupe réglée. Il s'agit toujours de prendre "un petit peu très souvent" (cf le fractionnement) à un maximum de gens, ...

le 28/05/2024 à 17:18
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Mais c'est déjà le cas pour les assurances , la plupart des primes sont mensualisées tout comme les impôts , le gaz ,l'électricité , le téléphone et internet et le loyer de la bagnole avec la LOA location avec option d'achat etc... Et pourquoi vouloi...

à écrit le 27/05/2024 à 22:57
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On nous présente et facture des services qu on peut faire gratis c est n importe quoi : si j épargne chaque mois j ai pas besoin d un paiement fractionné payant …. Perso je provisionne mensuellement les vacances le budget voiture De toute façon je ...

à écrit le 27/05/2024 à 22:57
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On nous présente et facture des services qu on peut faire gratis c est n importe quoi : si j épargne chaque mois j ai pas besoin d un paiement fractionné payant …. Perso je provisionne mensuellement les vacances le budget voiture De toute façon je ...

à écrit le 27/05/2024 à 20:02
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Et surtout, surtout, NE JAMAIS chercher une solution DE FOND par exemple dans le " RÉARMEMENT INTELLECTUEL " ( et MORAL ) des FRANÇAIS pour relancer de façon efficace ... l' Economie ... Encore des " mesures " énarchiennes !

à écrit le 27/05/2024 à 18:30
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hahaha! ils vont financer des twingos electriques a 45.000 euros a des gens qui gagnent le smic, et vont financer les 70.000 euros de placo platre/ laine de verre polystyrene qu'il faut pour sauver la planete sans que ca fasse economiser un euro......

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