Immobilier : pourquoi la baisse des taux de la BCE ne devrait pas diminuer le coût des crédits

La Banque centrale européenne a annoncé une baisse de 0,25 point de pourcentage sur ses taux directeurs. Un début de desserrement monétaire qui devrait logiquement bénéficier aux emprunteurs. Mais dans la réalité, les choses sont plus compliquées et de nombreux courtiers estiment que les taux de crédit ont déjà beaucoup baissé et devraient se stabiliser ces prochains mois. Explications.
Maxime Heuze
Le taux moyen de crédit relevé par l'Observatoire du Crédit Logement au premier trimestre s'est établi à 3,99%, contre une moyenne de 4,20 % au dernier trimestre 2024.
Le taux moyen de crédit relevé par l'Observatoire du Crédit Logement au premier trimestre s'est établi à 3,99%, contre une moyenne de 4,20 % au dernier trimestre 2024. (Crédits : DR)

Les courtiers mettent en garde : « à court terme, la baisse des taux directeurs n'aura aucun impact sur les crédits ». Voilà qui ne va pas plaire aux aspirants propriétaires qui espéraient voir leurs conditions d'emprunt s'adoucir avec la baisse des taux de la Banque centrale européenne, qui a eu lieu ce jeudi. Cette dernière a, en effet, annoncé baisser de 0,25 point de pourcentage ses taux, les faisant passer entre 3,75% et 4,5%.

Et pour cause, l'augmentation en quatrième vitesse de ses taux - passés de 0% en 2022 à une fourchette de 4 et 4,75% jusqu'à hier - a eu un impact significatif sur l'augmentation des taux de crédits immobiliers qui ont affiché un plus haut à 4,5% (hors assurance) en décembre dernier, selon Empruntis, alors qu'ils stagnaient autour de 1% il y a encore deux ans.

Ainsi, si la politique monétaire influence bien le coût de l'endettement, le lien n'est en réalité pas si direct et il pourrait surtout s'éroder lors de la baisse.

Incertitude sur l'avenir des taux obligataires

L'indice de référence des taux de crédit n'est, en effet, pas un taux directeur, mais le taux auquel l'Etat français emprunte à 10 ans (sous forme d'Obligations assimilables au trésor).

« Pour faire très simple, la banque se finance à peu près au même taux que celui des emprunts d'Etat à 10 ans et elle va ensuite prêter à ses clients avec une hausse 0,7 point de pourcentage », résume Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux.

Or le taux de l'obligation à 10 ans de la France dépend, certes, en partie de taux directeurs, mais aussi de situation économique du pays ou encore des finances publiques.

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D'ailleurs, alors que les taux directeurs n'ont commencé à baisser qu'aujourd'hui, le taux français à 10 ans avait déjà perdu plusieurs points de base depuis son plus haut de 3,5% en octobre 2023 pour tomber à 2,56% en décembre avant de remonter progressivement jusqu'à 3% aujourd'hui par anticipation d'une inflation qui prendrait plus de temps que prévu à retourner à l'objectif de 2%.

Une baisse des taux déjà actée

Suivant ces obligations d'Etat, les taux de crédits ont donc déjà diminué sur le premier trimestre. Le taux moyen relevé par l'Observatoire du Crédit Logement (dès l'octroi de la garantie) s'est établi à 3,99%, contre une moyenne de 4,20 % au dernier trimestre 2024.

D'ailleurs, « les taux de crédits ont même davantage baissé que les taux obligataires » remarque Cécile Roquelaure, directrice des études chez Empruntis. « Comme les conditions de financement des banques se sont stabilisées avec la fin de la hausse des taux directeurs, elles ont pu retrouver des marges et ont donc recommencé à faire des crédits », analyse la courtière. Un appétit pour l'activité de prêt qui s'est traduit par une plus grande concurrence entre les banques et donc des taux toujours plus compétitifs - quitte à rogner sur leurs marges - pour gagner des clients.

Si les taux sont encore loin de ceux affichés avant la crise de l'immobilier, « il y a aujourd'hui d'importantes marges de négociations pouvant aller jusqu'à 0,30 ou 0,40 point de pourcentage pour les clients qui font jouer les offres de plusieurs banques », note Cécile Roquelaure.

Résultat, même si le nombre de prêts accordés était toujours en fort recul de 35% sur un an au premier trimestre, ce dernier chiffre a augmenté de 1% par rapport au quatrième trimestre 2023, selon l'Observatoire du Crédit Logement.

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Pas de taux sous 3% à la fin de l'année selon les courtiers

Après plusieurs mois d'efforts pour séduire de nouveaux clients, les marges de manœuvre des banques commencent néanmoins à manquer.

« En janvier, neuf banques sur dix avaient baissé leurs taux, mais, aujourd'hui, cette dynamique est un peu en train de se tasser », analyse la directrice des études d'Empruntis qui estime que « dans 3 mois, les crédits ne seront pas forcément meilleurs qu'aujourd'hui. »

Un constat partagé par la plupart des courtiers.

« Il faudrait une baisse de 1% des taux de la BCE pour que les taux de crédits repassent sous les 3% », explique de son côté Maël Bernier qui anticipe une stabilisation des taux d'emprunt autour de 3,5% à partir de cet automne.

La grande réouverture des vannes du crédit ne semble donc pas pour tout de suite. L'Observatoire du Crédit Logement estime d'ailleurs que la production de crédit devrait rester autour de 150 milliards d'euros au premier semestre (soit le même niveau qu'en 2023) avant de connaître une progression à deux chiffres, dans le sillage du second semestre 2024 pour atteindre les 165 ou 170 milliards d'euros fin 2025. Un chiffre encore très loin des belles années de 2019 ou de 2021 avec 200 milliards.

Maxime Heuze

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Commentaires 4
à écrit le 06/06/2024 à 17:45
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Les crédits resteront cher car les taux d'intérêt, c'est la rémunération du risque pour le prêteur et autant prêter à un emprunteur sans le sou est peu risqué quand les prix sont bas et sur la pente ascendante, autant prêter au même emprunteur est su...

à écrit le 06/06/2024 à 15:36
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ca va surtout encourager les vendeurs a attendre une autre baisse de taux au lieu de baisser les prix. mais a mon avis en vain, car les prix sont completement hors de portée des acheteurs

le 06/06/2024 à 17:20
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ça va leur coûter cher de garder un logement vide dont ils vont devoir payer les frais. Je pense que cette baisse limitée va à l'encontre de ce qu'ils voulaient et va leur faire baisser leurs prix.

le 06/06/2024 à 19:26
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Pour sûr, les boomers auraient préféré de nouvelles niches fiscales solvabilisant artificiellement les acheteurs pour faire repartir les prix à la hausse et vendre leurs passoires thermiques des prix d'immobilier de luxe...

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