L'attaque en Bourse a été violente. Au lendemain de l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, les banques françaises cotées (BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole SA) ont brutalement décroché en deux séances, reculant respectivement de 9%, 12% et 8%. Ces valeurs n'ont pas réussi à remonter la pente depuis, malgré le rebond du marché au lendemain du premier tour des élections législatives. La dette bancaire a également été sanctionnée sur un marché du crédit plutôt résilient.
« Nous n'avons pas vécu un drame : nous avons eu un écartement des taux sur la dette bancaire de l'ordre de 30 points de base, avec un rebond (baisse, ndlr) d'une dizaine de points de base dans les semaines qui ont suivi », temporise Vincent Marioni, directeur des investissements Crédit chez Allianz GI.
Une réaction systémique
Les banques sont les valeurs les plus exposées au risque politique. Et pour cause, elles sont tout simplement fortement corrélées au risque souverain. C'est d'ailleurs vrai dans tous les pays, que ce soit l'Italie ou la Grèce, comme plus récemment au Royaume-Uni lors de la « mini crise » de la dette sous le gouvernement de Liz Truss.
Les banques réagissent d'ailleurs de façon systémique aux soubresauts, avec une ampleur équivalente. Pourtant, elles ne sont pas toutes exposées au risque souverain (obligations d'Etat détenues par la banque ou les filiales d'assurance, centralisation de l'épargne à la Caisse des Dépôts, entités du secteur public, collectivités locales...) de façon équivalente.
Selon des données compilées par Allianz GI, les banques cotées sont les moins exposées (moins de 10% de l'exposition totale) et, sans grande surprise, les banques mutualistes sont les plus exposées (environ 15%), la championne étant La Banque Postale qui est majoritairement exposée (plus de 60%) au risque « France ».
Forte décote persistante
Les banques françaises se retrouvent donc encore plus faiblement valorisées qu'elles ne l'étaient avant la dissolution, malgré un beau parcours boursier depuis six mois. Selon les dernières estimations du courtier Jefferies, les banques françaises sont valorisées 0,6 fois leur actif net estimé pour 2025, contre une valorisation moyenne des banques européennes d'une fois l'actif net. Cette décote est persistante.
Elle s'explique en grande partie par la faible rentabilité des activités de banque de détail en France. Selon une récente étude du cabinet de conseil en stratégie de Kerney sur la banque de détail en France, le modèle n'arrive plus à générer suffisamment de revenus face à une structure de coût élevée. Pire, avec la hausse des taux, les banques françaises ont vu leurs coûts progresser plus vite que leurs revenus ces deux dernières années.
Une banque domestique à la peine
« La hausse des taux a mis une immense pression accrue sur le modèle économique à taux fixe et les banques françaises ont conscience qu'il devient urgent d'accélérer le processus de transformation », estime Nicolas Taufflieb, associé chez Kearney.
Les chiffres sont sans équivoque : les revenus de la banque de détail sont stables depuis 2016, autour de 60 milliards d'euros. Le coefficient d'exploitation atteint un record de 73% en 2023 (contre 58% en Allemagne ou 41 % en Espagne). Au final, la banque de détail en France ne contribue plus que pour 28% du résultat, contre 41% en 2016.
Côté recettes, pas de miracle à attendre, surtout dans un environnement économique morose et une démographie vieillissante. Les banques françaises, longtemps très réglementées, et soumises à une intense concurrence, sont structurellement incapables de générer de la marge d'intérêt - qui représente 51% des revenus, contre plus de 90% au Royaume-Uni - ou même de revenus additionnels alors même qu'elles sont les championnes européennes en taux d'équipement, avec six à sept produits en moyenne par client.
7 milliards d'euros d'économies
Même les mutualistes souffrent. Crédit Agricole sauve la mise grâce aux excellentes performances de LCL. BPCE est plombé par le Livret A. Le Crédit Mutuel fait figure d'exception : il a réussi historiquement à générer du chiffre d'affaires au-delà des services financiers. Mais son modèle est difficilement duplicable.
C'est donc bien sur les coûts que la bataille va se jouer. Selon les projections de l'étude, la banque de détail en France devra trouver plus de 7 milliards d'euros d'économies, soit environ 15% de la base de coûts, d'ici 2026, pour « assurer la place des banques de détail françaises sur l'échiquier mondial », souligne l'étude. Un montant qui pourra atteindre plus de 10 milliards d'euros, en cas de dégradation du coût du risque à 25 points de base.
La banque en France est un cas d'école. En raison d'un pacte social fort et d'une domination des banques mutualistes, les effectifs bancaires sont inchangés depuis 2016, à environ 300.000 salariés. Et alors que la plupart des banques européennes ont taillé dans le vif leur réseau d'agences, les banques françaises ont limité la casse.
Nouvelle vague
Pourtant, le secteur a bénéficié d'une pyramide des âges très favorable avec 40.000 départs en retraite depuis 2016. Mais chaque départ a finalement été comblé par un recrutement, souvent de bonnes raisons - comme trouver de nouvelles compétences ou renforcer le commercial.
De même, le réseau d'agences a, certes, reculé de 18% depuis 2016 à 29.000 agences, mais ces efforts ont été très concentrés sur les banques commerciales, notamment Société Générale - a fusionné son réseau avec celui du Crédit du Nord. Dans son plan stratégique Vision 2030, le groupe BPCE (Banque populaire Caisse d'épargne) ne prévoit pas de réduction globale de son réseau, mais simplement « de s'adapter aux besoins des clients ».
« Le secteur va connaître une nouvelle vague de départs naturels, dans des proportions a priori comparables à ce qu'il y a eu dans le passé. Mais cette fois-ci, les banques devront mieux capitaliser sur ces départs en termes de mobilité fonctionnelle ou géographique, la mobilité géographique restant très limitée, pour éviter cette fois-ci de remplacer pratiquement chaque départ », prévient Nicolas Taufflieb. Pour le consultant, ce sera même tout l'enjeu dans le futur.
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