Guerre en Ukraine : les munitions européennes arrivent enfin en grand nombre

Par latribune.fr  |   |  1097  mots
Si au premier trimestre, les munitions dans son unité étaient strictement rationnées à « six obus par canon par 24 heures », aujourd'hui la limite à été portée à « jusqu'à 40 par jour », a détaillé un militaire Ukrainien. (Crédits : STRINGER)
Alors que l'Ukraine a longtemps souffert d'un manque de munitions face à l'armée russe, l'état-major des forces armées ukrainiennes a confirmé à l'AFP ce vendredi une augmentation des approvisionnements par rapport au début de l'année.

Après des mois de pénurie aiguë, les livraisons de munitions occidentales, surtout des obus d'artillerie, s'accélèrent sur le front en Ukraine, où l'approvisionnement s'est nettement amélioré ces dernières semaines. L'état-major des forces armées ukrainiennes, ainsi que des représentants de trois brigades servant dans la région de Donetsk, sur le front Est, ont tous confirmé une augmentation des approvisionnements par rapport au début de l'année.

« C'est devenu mieux depuis environ un mois et ça continue de s'améliorer, du moins en ce qui concerne les obus d'artillerie de calibre 155 millimètres », a indiqué à l'AFP, ce vendredi, un sergent ukrainien répondant au nom de guerre Lountik.

Si au premier trimestre, les munitions dans son unité étaient strictement rationnées à « six obus par canon par 24 heures », aujourd'hui la limite a été portée à « jusqu'à 40 par jour », a détaillé le militaire.

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Et dans les zones les plus chaudes, comme la région de Kharkiv, où la Russie a lancé début mai une nouvelle offensive terrestre largement échouée, « il n'y a aucune limite », a-t-il ajouté. S'agissant de cette région, le président Volodymyr Zelensky a jugé que la situation s'améliorait, même si elle restait difficile. « Nos forces ont stabilisé la situation et arrêté l'offensive » russe, a-t-il dit vendredi, estimant même que « l'occupant a échoué ».

La production européenne revenue au niveau

Extrêmement dépendante de l'aide occidentale face à un ennemi plus puissant, l'armée ukrainienne a été très affaiblie depuis fin 2023 par d'importants retards de livraisons de l'aide militaire américaine et européenne.

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Pour parvenir à approvisionner Kiev, les européens ont pu compter sur le Fonds européen de la défense. Ce fonds doté de 7,9 milliards d'euros pour la période 2021-2027 a aussi donné un coup d'accélérateur à la production d'armes, selon le commissaire européen.

« Nous avons augmenté de manière accélérée notre capacité à produire des munitions. En mars 2023, nous fabriquons 500.000 obus par an en Europe, et nous étions déjà meilleurs que les Américains qui n'en fabriquaient que 300.000, mais nous avons doublé cette capacité depuis, puisqu'en janvier 24 nous avions une capacité de production d'un million d'obus pas an », a-t-il expliqué le 13 juin, à l'occasion lors du Paris Air Forum organisé par La Tribune.

Et cette accélération de la cadence n'est pas terminée.

« Nous allons avoir une capacité de production de 1,7 million d'obus par an d'ici la fin de l'année et nous devrions atteindre une capacité de 2,5 millions en 2025, c'est-à-dire une capacité de production comparable à celle de la Russie. »

L'initiative tchèque porte ses fruits

Néanmoins, cette remontée en cadence a pris du temps. Pour assouvir les besoins ukrainiens dans les temps, Prague a organisé une initiative d'urgence pour acheter des munitions à l'extérieur de l'Europe et les envoyer à l'Ukraine. La République tchèque aurait identifié « un demi-million de munitions de calibre 155 et 300.000 munitions de calibre 122 », qui pourraient être livrées à Kiev « en quelques semaines » si les financements nécessaires étaient rassemblés (soit environ 1,4 milliard d'euros), avait estimé le président tchèque Petr Pavel lors d'une table-ronde à Munich le 17 février.

Selon la ministre tchèque de la Défense Jana Cernochova, 18 pays avaient rejoint l'initiative mi-juin. Les médias tchèques ont mentionné les pays baltes, la Belgique, la Finlande, l'Islande, le Luxembourg, la Norvège et la Slovénie. Des pays de l'UE avaient promis un million d'obus pour la fin mars, mais n'ont pas pu les livrer, leurs capacités de production étant insuffisantes. Les Tchèques se sont alors tournés vers les marchés de pays tiers, se bagarrant avec la Russie pour en tirer les munitions disponibles. La France est aussi de la partie. « L'initiative tchèque est extrêmement utile, nous la soutenons, nous y participerons. Elle consiste à aller chercher des munitions partout où elles sont disponibles, compatibles avec les équipements que nous avons livrés », avait justifié Emmanuel Macron début mars, en visite à Prague.

Justement, « la première cargaison de munitions provenant de notre initiative est arrivée en Ukraine il y a quelque temps. Nous faisons ce qu'il faut », a déclaré le 25 juin, le Premier ministre tchèque Petr Fiala sur le réseau social X.

Enfin, de son côté, le Congrès américain a fini par voter fin avril une enveloppe de 61 milliards de dollars pour l'Ukraine, mais la livraison d'armements sur le champ de bataille prend des semaines, voire des mois.

Une amélioration sur le front

Selon une source au sein de l'état-major de l'armée ukrainienne, l'écart entre le nombre de tirs ukrainiens et russes s'est donc aujourd'hui considérablement réduit au profit de Kiev, grâce à l'arrivée de nouvelles fournitures occidentales.

« À ce jour, le ratio d'utilisation de munitions est de 1 à 3 » pour l'Ukraine et la Russie respectivement, contre « 1 à 7 » auparavant, a assuré le sergent Loutnik. « Les approvisionnements ont augmenté chez nous et diminué chez les Russes ». Les nouvelles livraisons n'ont pas encore égalé celles de 2023, « quand il y avait davantage de tout, mais il paraît qu'on devrait prochainement arriver au même niveau », a-t-il avancé.

Mais, « pour une guerre de cette intensité, il en faudra toujours plus », a cependant nuancé son confrère d'une troisième brigade. Selon lui, « l'ennemi malheureusement conserve toujours l'avantage en termes d'effectifs et de systèmes d'artillerie ». Lountik confirme : « Si nous détruisons 5 à 7 systèmes d'artillerie (russes) en une journée, ils sont remplacés le lendemain ».

Selon Thomas Kopecny, envoyé du gouvernement tchèque pour la reconstruction de l'Ukraine, Kiev aurait besoin de 200.000 obus par mois pendant les deux prochaines années « pour juste arriver à l'équilibre » face à la Russie. En dépit de l'accélération et de l'augmentation des productions en Europe ainsi que de la livraison des stocks d'obus disponibles, les pays européens sont très loin de pouvoir satisfaire les demandes des Ukrainiens, confrontés à une guerre de haute intensité très consommatrice en munitions.

Par exemple, la France devrait produire 4 à 5.000 obus par mois d'ici à la fin de l'année (contre 2.000 au début de la guerre). D'autant que la France souhaite garder une partie de cette production pour ses propres forces. « Nous devons garder des capacités pour nous défendre nous-mêmes », avait averti Emmanuel Macron le 6 mars.

(Avec AFP)