En Allemagne, Macron appelle l'Europe à « bâtir un nouveau paradigme de croissance »

Par latribune.fr  |   |  1015  mots
Le chef de l'Etat, qui s'exprimait en Allemagne face à de jeunes Européens, au deuxième jour de sa visite, a défendu la vision d'une Europe qui protège mieux ses industries d'avenir et investit massivement en leur faveur. (Crédits : Christian Mang)
L'Europe doit « sortir de la naïveté » et « se protéger mieux » sur le plan commercial en bâtissant « une préférence européenne » dans certains domaines, a déclaré lundi Emmanuel Macron en Allemagne où il a également appelé à « doubler » le budget de l'UE. Le chef de l'Etat a aussi appelé les Européens à « se réveiller » face à la montée de l'extrême droite.

En visite d'Etat en Allemagne et à moins de deux semaines des élections européennes, Emmanuel Macron fait feu de tout bois. Hier, lors d'un discours à Dresde, dans l'ex-RDA, il a déploré que « l'Europe est le dernier endroit où nous sommes ouverts au reste du monde sans préférence européenne et sans règle ».

« Nous avons besoin d'avoir une stratégie européenne qui bâtisse une préférence européenne en matière de défense, en matière d'espace, qui bâtisse une stratégie d'achat européen et qui permette d'avoir des règles commerciales » garantissant « une juste concurrence », a fait valoir Emmanuel Macron.

Le chef de l'Etat, qui s'exprimait face à de jeunes Européens, au deuxième jour de sa visite, a défendu la vision d'une Europe qui protège mieux ses industries d'avenir et investit massivement en leur faveur.

Eviter le décrochage vis-à-vis de la Chine et des Etats-Unis

Mais cette stratégie se heurte au scepticisme d'autres partenaires européens qui craignent d'entrer dans une spirale de guerres commerciales et sont attachés aux règles budgétaires. Le président français voudrait que l'Union européenne puisse augmenter ses dépenses pour rattraper son retard sur les Etats-Unis et la Chine et éviter ainsi le décrochage économique vis-à-vis de ses grands concurrents. « Notre Europe doit rebâtir ou plutôt bâtir un nouveau paradigme de croissance pour les générations à venir », a-t-il dit, soulignant qu'au cours des trente dernières années, la valeur ajoutée par habitant créée en Europe a été « deux fois moins importante que celle créée aux Etats-Unis ».

« Doublons notre budget européen, soit par la taille du budget soit par des stratégies d'emprunts communs, soit par des instruments qui existent déjà » afin d'augmenter la capacité d'investissement de l'UE, a exhorté Emmanuel Macron.

« C'est maintenant que les choix sont faits, c'est maintenant que nos concurrents stratégiques font ces choix et donc il nous faut en Européens, et d'abord en Franco-allemands, avoir beaucoup plus d'audace et porter beaucoup plus d'investissements publics communs ».

Le soutien du chancelier allemand

Le président français peut compter sur le soutien du chancelier allemand Olaf Scholz. « Nous ne pouvons pas prendre pour acquis les fondements sur lesquels nous avons bâti notre mode de vie européen et notre rôle dans le monde », ont écrit les deux dirigeants dans une tribune publiée dans le quotidien Financial Times, en ligne lundi soir. « Notre Europe est mortelle, et nous devons relever ce défi ».

Lire aussiEmmanuel Macron est arrivé en Allemagne pour renouer les liens entre Paris et Berlin

Cette tribune conjointe intervient alors que Paris et Berlin ont affiché des différences marquées, ces derniers mois, sur l'idée d'un nouvel endettement commun européen, l'union des marchés de capitaux, la transition énergétique ou encore le commerce avec la Chine. Olaf Scholz et Emmanuel Macron s'entretiendront mardi lors d'un Conseil des ministres franco-allemand à Meseberg (est) au troisième et dernier jour de la visite du président français.

« Se réveiller face à la montée de l'extrême droite »

Toujours à Dresde, Emmanuel Macron a aussi appelé les Européens à « se réveiller » face à la montée de l'extrême droite et aux menaces extérieures, à moins de deux semaines des élections européennes. « Regardons autour de nous la fascination pour les régimes autoritaires, regardons autour de nous le moment illibéral que nous vivons », a-t-il lancé, visant notamment la Hongrie, devant l'église martyre Notre-Dame (Frauenkirche) de Dresde, détruite par des bombardements alliés en 1945 et reconstruite après la réunification allemande. Son camp, crédité de 16% des intentions de vote le 9 juin, est lui-même en difficulté face au Rassemblement national, le parti d'extrême droite de Marine Le Pen qui pourrait décrocher deux fois plus de suffrages.

Deux ans après le début de l'agression russe en Ukraine, l'Europe est à « un moment inédit de son histoire » qui la contraint à penser par elle-même « sa défense et sa sécurité », a-t-il averti. « Je le dis dans un endroit de l'Europe qui a vécu une toute autre moitié de 20e siècle que mon pays », qui a été « abandonnée à un rideau de fer », sous « domination  soviétique » pendant 45 ans, avant de bâtir son « propre chemin » après la chute du Mur de Berlin en 1989.

Dans la matinée, à Berlin, les deux présidents s'étaient longuement recueillis sur le site de l'imposant mémorial de l'Holocauste, en mémoire aux six millions de juifs assassinés par les nazis. A leurs côtés pour cette visite, Serge Klarsfeld, qui avec son épouse allemande Beate a traqué les nazis impunis après la Seconde Guerre mondiale, a souligné l'importance de ce moment alors que l'antisémitisme revient en force, un « moment tragique pour la communauté juive mondiale ».

Européennes : la liste RN de Jordan Bardella atteint son plus haut score dans les sondages

La liste RN de Jordan Bardella a atteint lundi son plus haut score dans les intentions de vote aux européennes (33,5%), selon un sondage Ifop-Fiducial pour LCI, Le Figaro et Sud Radio. Le Rassemblement national gagne 1,5 point par rapport au même sondage quotidien réalisé une semaine plus tôt. Loin derrière, le duel est toujours serré entre la liste de Valérie Hayer (Renaissance, 16%) et Raphaël Glucksmann pour le PS et Place Publique (14,5%), tous deux en très léger recul d'un demi-point par rapport au 21 mai.

Stables, la liste de La France insoumise menée par Manon Aubry et celle des Républicains de François-Xavier Bellamy se partagent la quatrième place avec 7,5% des intentions de vote chacune. Parmi les autres formations politiques susceptibles de faire plus de 5% et ainsi d'envoyer des élus au Parlement européen, on retrouve la liste Reconquête de Marion Maréchal à 6% et celle des Ecologistes de Marie Toussaint à 5,5%, stables aussi.

(Avec AFP)