Accélérer la transition énergétique et numérique par un pacte stratégique entre l'Europe et les pays du Golfe

OPINION. Par le volume de leurs investissements et leur capacité à inscrire leur stratégie dans la durée, les pays du Golfe sont devenus des acteurs incontournables de la transition énergétique et numérique. Au-delà d'une simple relation d'investissement fondée sur des rendements, c'est une véritable réciprocité qui doit être envisagée entre l'Europe et cette région du globe pour créer la différence dans la compétition internationale. Par François Aissa Touazi, expert des pays du Golfe, Vice président du Conseil France - Golfe au Medef International, Senior managing director Ardian.
(Crédits : DR)

Depuis deux ans, en raison des bouleversements géopolitiques internationaux, l'Europe a opéré une réorientation profonde de sa stratégie énergétique vers le Moyen-Orient. Car au-delà d'offrir une diversification vitale de leurs sources d'énergie, ce rapprochement ouvre la voie à des innovations mutuellement bénéfiques dans des secteurs d'avenir tels que l'IA ou les semi-conducteurs. Dans ces domaines stratégiques pour notre souveraineté, l'Europe apporte dans la balance une expertise R&D et un réseau d'ETI solidement structurés.

Dans le même temps, les pays du Golfe font aussi pivoter leurs économies pour mieux répondre aux défis du futur. La stabilité politique et juridique de l'Union européenne en fait une destination privilégiée pour des partenariats de long-terme.

Préparer l'après-pétrole

La région du Golfe est concernée au premier plan par le changement climatique dont elle subit de plein fouet les effets.

Depuis quelques années, ses pays diversifient leurs économies pour sortir de la rente pétrolière. Devenir une terre d'innovation est devenu leur priorité. Cette transformation est portée par des investissements massifs dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, les technologies propres et l'innovation numérique. L'annonce récente par Mubadala, le fonds souverain d'Abu Dhabi, d'un nouveau véhicule d'investissement MGX dédié à l'Intelligence artificielle et aux semi-conducteurs avec une ambition de plus de 100 milliards de dollars atteste de cette inflexion.

L'Arabie saoudite ambitionne de devenir le leader mondial de l'hydrogène et construit le plus important site de production d'hydrogène vert au monde, visant à en produire 600t par jour.Le potentiel de développement de cette énergie est spectaculaire : dans le scénario Net Zero Emissions by 2050, sa production passerait de moins de 1 million de tonnes (mt) actuellement dans le monde à 90 mt en 2030, puis 450 mt en 2050.

Les dix premiers fonds souverains du Golfe représentent plus de 40% des capitaux souverains mondiaux, avec collectivement près de 4500 milliards d'actifs. Ces fonds ont déjà intégré les opportunités liées à la croissance verte et aux changements climatiques dans la gestion de leurs actifs : en 2023, ils ont été les principaux investisseurs souverains de la transition environnementale. En 2023 également, les Emirats Arabes Unis ont joué un rôle déterminant pour obtenir un accord à la COP28 mentionnant pour la première fois la perspective d'une sortie progressive des énergies fossiles.

Alors que les investissements requis pour atteindre le Net zeroen 2050 devraient être multipliés par 5 pour atteindre 4tr$ par an, l'avenir de la transition énergétique ne pourra pas s'écrire sans cette région. Compte tenu de la complexité de ces investissements et du besoin de diversification, les fonds d'investissement ont un rôle clé à jouer pour déployer ces montants dont une bonne partie pourrait aussi provenir des pays du Golfe.

Les Etats-Unis l'ont bien compris en occupant déjà une position privilégiée pour capter ces circuits de financementcomme le montre la présence de Blackrock comme premier partenaire du fonds émirati Altérra, ciblant les actifs verts.

Dans la compétition internationale qui s'intensifie pour financer la transition, l'UE et la France doivent trouver leur place

Les pays du Golfe et l'Union européenne ont besoin de cette coopération, comme l'a récemment illustré la signature d'une plateforme franco-emirienne d'investissement pour le climat, qui vise à mobiliser et à faciliter les investissements réciproques dans ce domaine.

Le fonds souverain du Qatar considère comme prioritaire d'investir dans les secteurs stratégiques du futur, de la transition énergétique et numérique, de la santé ou des semi-conducteurs, comme cela a été démontré par ses annonces d'investissements lors du Sommet de Choose France le 13 mai.

Il est important que les institutions financières françaises et européennes prennent conscience de cette réciprocité qui doit désormais se traduire dans l'évolution des stratégies d'investissement. L'avenir réside dans ce partenariat économique et stratégique entre l'Europe et le Golfe, façonnant une nouvelle ère de prospérité partagée.

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Commentaire 1
à écrit le 16/05/2024 à 18:08
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L'après petrole c'est la sobriété, vouloir compter sur une croissance pour se maintenir dans une existence virtuelle, n'a aucun interêt !

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