![Emmanuel Macron et Valérie Hayer, à Bruxelles, le 17 avril.](https://static.latribune.fr/full_width/2387159/emmanuel-macron-et-valerie-hayer-a-bruxelles-le-17-avril.jpg)
Ces derniers jours, l'Élysée et Matignon ont dû brusquer les poids lourds du gouvernement pour qu'ils acceptent de participer aux plateaux télé ce soir et aux matinales radio demain afin de défendre l'exécutif. À la veille du verdict des urnes, cette frilosité aura été le signe supplémentaire que chacun pressent le pire dans la majorité. Qui peut croire que le miracle survenu lors des européennes de 2019 se reproduira cette fois encore ?
Même si la liste macroniste était alors arrivée en deuxième position, c'était à moins d'un point de celle du Rassemblement national. Avec 22,4% des suffrages, le camp présidentiel retrouvait presque le niveau de son champion au premier tour de la compétition élyséenne deux ans plus tôt (24%). Le chef de l'État échappait à la règle faisant des élections intermédiaires un coupe-gorge pour le pouvoir en place. Cela lui avait donné l'oxygène suffisant pour poursuivre dans de bonnes conditions son mandat.
Qu'en sera-t-il cette fois-ci, alors qu'en avril 2022 Emmanuel Macron a obtenu 27,8% des voix ? Tout au long d'une campagne, où rien n'aura fonctionné, la liste Renaissance-MoDem-Horizons, emmenée par Valérie Hayer, n'aura cessé de s'effriter dans les sondages. Ce soir, un score sous les 20 % serait une lourde désillusion, un résultat qui ne correspondrait qu'à la moitié de celui de Jordan Bardella une humiliation, une troisième place derrière Raphaël Glucksmann une déflagration. Jusqu'au bout, fort de son ADN européen, Emmanuel Macron a tenté de mobiliser son camp afin d'éviter la catastrophe. « Si demain la France envoie une très grande délégation d'extrême droite, si d'autres grands pays le font, l'Europe peut se retrouver bloquée », a-t-il assené encore sur TF1 et France 2 jeudi.
Il ne se passera rien à court terme
Au final, cette implication aura-t-elle porté ses fruits ou au contraire fait grossir un peu plus la colère contre lui ? Ces derniers jours, le locataire de l'Élysée répétait toujours à ses interlocuteurs que la liste de la majorité terminerait plus haut que ce que les sondages prédisaient. Mardi, il a envoyé un message de félicitations à Valérie Hayer après son interview le matin sur France Inter puis un autre, le soir, à la suite de son débat sur France 2.
Demain, le président sera à Tulle et à Oradour-sur-Glane à l'occasion des cérémonies d'hommage organisées quatre-vingts ans après les massacres perpétrés par les nazis dans ces villes. Jeudi, il ira dans les Pouilles participer au G7 durant trois jours... Mais la vie pourra-t-elle vraiment reprendre normalement son cours ? Le 5 mai dans La Tribune Dimanche, le chef de l'État prenait les devants en cas de verdict cruel des urnes. « C'est l'élection des députés européens, et la conclusion sera donc, d'abord, européenne », assurait-il. « Le 10 juin, il n'y aura pas de jour d'après, il y aura un lendemain, complétait un de ses proches. Que signifie un scrutin déserté par plus de la moitié des Français ? » Et puis, vendredi, l'euro de foot débutera en Allemagne. Très vite, les JO occuperont tout... Une actualité chassera l'autre. Dans la majorité, beaucoup l'ont déjà anticipé : même en cas de grave accident, il ne se passera rien à court terme. Ils savent qu'Emmanuel Macron est un président séquentiel, qui n'aime pas réagir à chaud.
Lors des européennes de 2014, la liste socialiste n'avait obtenu que 13,98 %. Alors au pouvoir, François Hollande n'avait rien changé à son dispositif. En 2004, après les 16,6% de la liste UMP, Jacques Chirac avait fait de même. Dans son équation, l'actuel locataire de l'Élysée doit néanmoins compter avec une donnée différente par rapport à ses deux prédécesseurs : à l'Assemblée nationale, sa majorité n'est que relative. Depuis 2022, cette fragilité originelle ne facilite pas le quotidien de l'exécutif. Au lendemain des européennes, les oppositions ne peuvent-elles pas être un peu plus excitées par l'odeur du sang si le camp présidentiel ressemble à un animal blessé ? Déjà mardi, celui-ci connaîtra un nouveau désaveu. L'examen du projet de loi de règlement financier sera rejeté au Palais-Bourbon, comme les deux années précédentes.
« LR fera-t-il plus ou moins de 5%? » Durant la campagne, au sein de la Macronie, cette question est revenue en boucle. « Le 9 juin, c'est leur score qui est le plus important ; c'est ce qui peut changer les choses », décryptait un ponte de Renaissance, calculant que, en cas d'effondrement du parti d'Éric Ciotti, des espaces pourraient enfin s'ouvrir. Sans attendre les résultats, ces dernières semaines, les spéculations sont reparties de plus belle. Et si le chef de l'État nommait Gérard Larcher à Matignon ? Et si, cette fois, il s'attelait réellement à un contrat de gouvernement avec Les Républicains ? Mais qui y croyait vraiment ? « Les chefs d'une coalition doivent assurer au sein de celle-ci le suivi par leurs troupes de son programme, rappelait un ministre proche de lui. Chez les LR, il n'y a plus de discipline, plus de ligne. On ne peut pas faire une coalition à partir de là. »
De l'autre côté, personne ne sous-estimait les défections qu'une telle alliance provoquerait au sein de la Macronie. « C'est à l'automne, lors du budget, qu'on verra comment les choses se passent, avance Hervé Marseille, le patron du groupe Union centriste au Sénat. Ça passe ou ça casse. » Une motion de censure peut-elle être adoptée ? Le chef de l'État peut-il prendre une initiative pour tenter de l'éviter, alors qu'à l'Élysée on ne croit pas que, de Marine Le Pen à La France insoumise, quiconque ait intérêt à une dissolution et des législatives anticipées ?
Pour Emmanuel Macron, cet automne aura aussi un goût particulier. Au cours de cette saison-là que son second quinquennat basculera dans son mitan. Le quadragénaire jugera sans doute qu'il est un peu tôt pour laisser prospérer un sentiment de fin de règne.
Score aux élections européennes de 2019 : 22,4% La majorité pourra revendiquer un succès que personne n'aura vu venir. Ce sera un échec pour la liste de Valérie Hayer, qui a aiblira le camp présidentiel. Les européennes auront tourné à la catastrophe pour Emmanuel Macron, qui en sortira humilié.Résultats, mode d'emploi