Allemagne : après d'âpres négociations, Olaf Scholz scelle un accord sur le budget 2025

D'après les premiers éléments de l'accord, le chancelier allemand aurait cédé aux exigences de son ministre des Finances, partisan de davantage de rigueur budgétaire, notamment sur la limite d'endettement du pays. Dans la foulée, le gouvernement a aussi présenté un nouveau plan. Objectif : relancer la croissance du pays, atone depuis plusieurs mois.
Ces négociations budgétaires avaient démarré il y a plusieurs semaines, avec une dernière session qui avait débuté ce jeudi après-midi.
Ces négociations budgétaires avaient démarré il y a plusieurs semaines, avec une dernière session qui avait débuté ce jeudi après-midi. (Crédits : Benoit Tessier)

[Article publié vendredi 5 juillet 2024 à 8h02, mis à jour à 13h47] Cela n'aura pas été facile. Le chancelier Olaf Scholz et ses alliés au pouvoir en Allemagne ont conclu un accord de principe sur le budget 2025, épilogue d'un long conflit qui a fait vaciller le gouvernement, a indiqué ce vendredi matin une source proche de la coalition.

« Un accord a été trouvé » au bout de la nuit, entre le chancelier, son vice-chancelier et ministre écologiste de l'Économie Robert Habeck et le ministre libéral des Finances Christian Lindner, a indiqué cette source. Ils négociaient depuis plusieurs semaines, avec une dernière session qui avait débuté jeudi après-midi.

Aucun détail n'a immédiatement filtré de ce compromis, qui comprend également un plan de soutien à la croissance. L'ensemble doit être présenté par le chancelier allemand dans la matinée aux groupes parlementaires qui composent la coalition tripartite au pouvoir.

Pour mémoire, cette négociation budgétaire a fait craindre un moment une possible rupture du contrat de coalition, bien avant la fin de la mandature prévue à l'automne 2025. A l'origine, le gouvernement avait prévu d'adopter le projet de budget pour 2025, lors du conseil des ministres du 3 juillet. La date du 17 juillet est désormais avancée, avant un examen par le Parlement à l'automne.

Maintenir l'Allemagne dans son rôle de « pôle de stabilité »

L'Allemagne doit être un « pôle de stabilité » pour l'Europe qui traverse des temps difficiles, a réagi dans la foulée de cet accord le chancelier Olaf Scholz. Réaffirmant son inquiétude sur l'issue du deuxième tour des législatives en France, Olaf Scholz a aussi déclaré : « Nous ne devons pas nous détourner du monde en ce moment et nous ne devons pas nous occuper que de nous-mêmes ».

Même message lancé par le vice-chancelier et ministre de l'Economie, l'écologiste Robert Habeck (qui présentait l'accord avec Olaf Scholz et le ministre libéral des Finances) : les trois partis ont négocié avec un sentiment de responsabilité particulier face à « un monde en proie à de nombreuses crises ».

Lire aussiAllemagne : sanctionné pour son tour de passe-passe budgétaire, Berlin gèle toute nouvelle dépense pour 2023

Évoquant les élections en France et la campagne électorale américaine, Robert Habeck a souligné que le gouvernement allemand avait ressenti « l'obligation de ne pas prendre les choses à la légère en cette période troublée, mais au contraire le devoir de maintenir la stabilité de l'Allemagne et d'être un lieu de fiabilité sur le continent européen et peut-être au-delà ».

Des semaines d'âpres négociations

Cet accord sur le budget intervient après des semaines d'âpres négociations entre les partenaires de la très impopulaire coalition, en place depuis fin 2021. Pour rappel, les trois partis qui la composent ont enregistré de piètres résultats au récent scrutin européen. A l'origine de la crise : la demande du ministre des Finances à ses homologues d'économiser quelque 30 milliards d'euros pour l'an prochain.

Lire aussiLe chancelier allemand Olaf Scholz "préoccupé" par une éventuelle victoire de l'extrême droite en France

Les écologistes et de nombreux responsables du parti social-démocrate du chancelier ont, de leur côté, plaidé pour laisser filer les déficits pour relancer l'économie et financer le réarmement du pays face à la menace russe, via une nouvelle suspension du « frein à l'endettement ».

Ce plafond, inscrit dans la Constitution, impose de limiter le recours à l'emprunt. Il a été levé lors des années de crise liées au Covid-19, puis à la guerre russe en Ukraine. Mais les Libéraux, très stricts sur les questions budgétaires, ne veulent plus en entendre parler désormais et réclament le retour à la rigueur, avec des coupes dans les dépenses sociales.

Tournant de rigueur

Et, selon les médias allemands, le ministre des Finances a obtenu gain de cause sur ce point. Ce frein ne permet, pour l'an prochain, qu'un déficit budgétaire fédéral de l'ordre de 24 milliards d'euros.

A l'inverse, les Verts et plusieurs dirigeants sociaux-démocrates ont jugé en l'état qu'une politique de rigueur s'accordait mal avec une conjoncture morose, marquée par une croissance à la traîne des grandes nations industrielles, et les besoins de l'armée. D'ailleurs, selon la presse allemande, le ministère de la Défense n'obtient au final qu'une faible hausse de son budget, très inférieure à ce qu'il réclamait.

Économie toujours atone

L'objectif de ces négociations était également de convenir d'un paquet de mesures pour dynamiser l'économie allemande, atone, voire morose depuis plusieurs mois. De sorte que cette année, Berlin ne table que sur 0,3% de croissance. C'est bien moins que les prévisions de Bruxelles pour la zone euro, de 0,8% cette année, puis 1,4% en 2025. Aussi, le taux de chômage allemand a augmenté à 6% en Allemagne, en juin.

Les raisons du calage de l'économie d'outre-Rhin sont multiples. Principal moteur du pays, l'industrie souffre d'une crise multiforme, entre coûts élevés de l'énergie, faible demande domestique, et difficultés du commerce international.

Lire aussiAllemagne : le chômage remonte, plombé par une économie morose

Le renchérissement du crédit et l'incertitude politique freinent également les investissements. Le taux de chômage a également légèrement augmenté en Allemagne en juin, pour la première fois depuis décembre Une lente reprise est, certes, annoncée depuis le début du deuxième trimestre 2024, grâce à une hausse de la consommation, des exportations et à l'assouplissement de la politique monétaire de la BCE.

Seule bonne nouvelle de ces derniers jours pour Berlin : l'inflation poursuit sa décrue, l'indice des prix à la consommation en Allemagne atteignant 2,2% sur un an, soit 0,2 point de moins que le mois dernier.

Un nouveau grand plan pour relancer la croissance

Pour faire basculer la situation, le gouvernement allemand d'Olaf Scholz a travaillé ces derniers mois à une nouvelle stratégie de relance de son économie. Un travail qui a abouti au lancement d'un plan de soutien à la croissance, présenté ce vendredi.

Ce plan de près de 50 mesures pour les ménages et les entreprises permettra d'obtenir « un demi-point de pourcentage de croissance du PIB » de plus, soit une augmentation de la production économique de « près de 26 milliards d'euros », a déclaré le ministre écologiste de l'Economie Robert Habeck, lors d'une conférence de presse.

Sont notamment prévues par Berlin des réductions de la bureaucratie réclamées par les entreprises et les citoyens, des allégements fiscaux pour les retraités qui cumulent leur pension avec une activité et pour les heures supplémentaires, et une amélioration des options d'amortissement pour les entreprises.

Lire aussiEn Allemagne, Macron appelle l'Europe à « bâtir un nouveau paradigme de croissance »

Autre mesure figurant dans cette feuille de route : les chômeurs de longue durée, bénéficiaires du revenu minimal (« Bürgergeld »), seront incités à reprendre un travail. L'accueil de main d'œuvre étrangère qualifiée va être facilité, et assorti d'allègements d'impôt sur le revenu pour les trois premières années dans le pays.

Berlin veut en outre permettre aux entreprises d'amortir de façon accélérée leur flotte de véhicules électriques, dont les ventes ont plongé depuis l'arrêt brutal de la prime à l'achat en fin d'année dernière. Quant aux prix à l'énergie, ils doivent revenir à leur niveau d'avant guerre en Ukraine, via des prélèvements moindres sur les réseaux de distribution et le virage forcé vers les renouvelables.

Peu après la présentation officielle de ce plan, BDA, le lobby patronal allemand, a réagi en ces termes : « La présentation de ce paquet de mesures au début de la pause estivale ne laisse pas présager une mise en œuvre rapide. »

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 05/07/2024 à 20:41
Signaler
Bonjour, dans une coalition ils faut trouver un accord pour faire voté le budget... Chose possible en Allemagne, mais pas en France.. avec l'extrême gauche impossible de construire quoi que se soit... Ils ne faut pas le dire.... N'importe comment l...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.