Nouvelle-Calédonie : le retour au calme se fait attendre

Six personnes ont été tuées depuis lundi, dont deux gendarmes. L’exécutif veut mettre fin aux exactions avant d’évoquer toute solution politique.
Dans le quartier de la Vallée du Tir, à l’entrée de Nouméa, jeudi dernier.
Dans le quartier de la Vallée du Tir, à l’entrée de Nouméa, jeudi dernier. (Crédits : LTD / Nicolas Job/SIPA)

Il est 23 heures ce vendredi à Nouméa. Andy n'est pas près d'aller se coucher. « Je monte la garde avec des voisins », explique ce jeune fonctionnaire calédonien depuis un barrage. Face au chaos qui s'est emparé de l'archipel depuis lundi, des groupes d'habitants s'organisent pour sécuriser leurs quartiers menacés par des pillards, en attendant les renforts des forces de l'ordre. La situation reste « insurrectionnelle », souligne le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc. On compte six morts, selon le bilan dressé hier, dont deux gendarmes et quatre civils (trois Kanaks et un Caldoche), et des centaines de blessés.

Lire aussiÉmeutes en Nouvelle-Calédonie : nuit de chaos à Nouméa

Le réveil de vieux traumatismes

Le retour au calme est la priorité du gouvernement. Hier matin, Gabriel Attal a dirigé une nouvelle cellule de crise au ministère de l'Intérieur pour un suivi des opérations. À la veille du week-end, les avions militaires ont avalé les 17 000 kilomètres qui les séparaient de l'archipel et déposé 1 000 hommes, venus s'ajouter aux 1 700 déjà déployés. L'objectif est d'en finir avec les exactions commises par des bandes, qui continuent malgré l'état d'urgence. Trois quartiers défavorisés de la plus grande agglomération du territoire, Nouméa, en majorité peuplés de Kanaks, restent aux mains de « centaines d'émeutiers », selon le haut-commissaire.

Pas question pour l'exécutif d'avancer vers une solution politique avant que l'ordre ne règne à nouveau. À ce stade, le vote par le Congrès du texte constitutionnel qui a mis le feu aux poudres est toujours prévu avant la fin juin - même si cette date fait débat. Les appels au dialogue viendront en temps voulu. Pour préparer l'avenir, Emmanuel Macron entretient depuis l'Élysée ses liens avec les élus indépendantistes et loyalistes, échangeant avec tous. Mais le président n'entend pas s'avancer avant que les cendres qui jonchent les rues ne soient balayées.

Au sein du gouvernement, on espère en coulisse voir les différentes composantes du FLNKS se parler entre elles avant de s'asseoir à une table avec les loyalistes. Hier, l'exécutif a observé un mouvement de la part de l'Union calédonienne, une frange radicale des autonomistes qui, dans un communiqué, s'est dite ouverte au dialogue sur la définition du corps électoral pour le scrutin provincial - l'un des principaux motifs de conflit. Un signe perçu comme encourageant.

Depuis décembre 2021 et la troisième défaite du oui lors des référendums sur l'indépendance, aucun accord politique et économique n'a pu être trouvé entre les deux camps. Les Kanaks (qui avaient appelé au boycott du dernier scrutin) reprochent à l'État d'avoir négligé leur sort, et les loyalistes considèrent que ces derniers n'acceptent pas leur mise en minorité dans les urnes.

J'ai l'impression qu'on repart quarante ans en arrière

Andy, jeune fonctionnaire

La situation extrêmement tendue a réveillé les traumatismes enfouis des années 1980. La mère d'Andy a connu la quasi-guerre civile et le massacre d'Ouvéa il y a trente-six ans : « C'est un sentiment de gâchis qui domine, dit-il. J'ai l'impression qu'on repart quarante ans en arrière et qu'on retombe dans la spirale de violence. »

L'angoisse s'est ainsi emparée des 270 000 habitants de l'archipel. « Je ressens beaucoup de peur et d'incompréhension, raconte un éducateur sportif, les yeux cernés et embués par l'émotion, qui préfère rester anonyme de peur de représailles. Les nuits sont horribles. Nouméa brûle. » Depuis six jours, les groupes de conversation crépitent de messages. « Je dors très peu, je reste suspendu à mon téléphone en attente de nouvelles », confie François, chirurgien orthopédiste à l'hôpital de Nouméa. De garde pendant deux jours, il dénonce les barricades montées par les émeutiers dans toute la ville. Celles-ci ont rendu impossibles la circulation et l'accès à l'hôpital.

« Des gens meurent déjà, non à cause des conflits armés mais parce qu'ils n'ont pas accès aux soins, pas accès à l'alimentation, s'est ému lors d'une conférence de presse le ministre local de la Fonction publique, Vaimu'a Muliava. Des gens qui devaient être dialysés ont trouvé la mort. »

De longues files d'attente

La question du ravitaillement se pose également. François craint qu'il ne « manque bientôt des médicaments ». Selon lui, l'activité du seul centre médical de la capitale encore ouvert a doublé cette semaine. Les chirurgiens doivent assurer la continuité des soins classiques comme les grossesses et traiter des pathologies habituelles comme les péritonites. Mais les blessés des affrontements sont nombreux : « On est obligés de faire le tri, explique le chirurgien. On s'occupe d'abord des plaies par balle, par verre ou couteau, qui saignent abondamment. » Mais il l'assure : « Ce qui est touchant, c'est ce personnel infirmier qui essaie de garder le sourire et qui s'occupe des patients quelle que soit la raison de leur présence et quel que soit leur camp. »

Toute la semaine, les images de commerces pillés et incendiés ont circulé sur les réseaux sociaux. La crainte de manquer de denrées alimentaires a préoccupé les habitants. Alors, la solidarité s'est organisée. « Ma fille s'est aperçue qu'elle n'avait plus de serviettes hygiéniques, rapporte François. Heureusement, une voisine nous en a donné. » Hier, de rares commerces épargnés étaient ouverts. Mélissa, 24 ans, le frigo presque vide, s'est précipitée dans les longues files d'attente. « Ça fonctionne un peu au bouche-à-oreille pour savoir quel supermarché est ouvert, indiquet-elle. Celui dans lequel je me suis rendue n'avait plus ni farine, ni œufs, ni viande surgelée. Les stocks sont bloqués dans les conteneurs au port. » Des cargaisons que les forces de l'ordre sont supposées libérer au plus vite.

Commentaires 2
à écrit le 20/05/2024 à 0:41
Signaler
"Nouvelle-Calédonie : le retour au calme se fait attendre" Le calme après un viol législatif... mais bien sûr!

à écrit le 19/05/2024 à 9:53
Signaler
Ben oui ce n'est pas en apprenant à parler pour rien dire que l'on sait ce que l'on doit faire quand les véritables crises osnt là. Les néolibéraux ne savent plus s'exprimer que pour nous tromper, forcément ça en fait pas des diplomates hein, seuleme...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.