![La situation financière de la France rend la trajectoire haussière de la LPM de plus en plus incertaine.](https://static.latribune.fr/full_width/2408217/la-situation-financiere-de-la-france-rend-la-trajectoire-haussiere-de-la-lpm-de-plus-en-plus-incertaine.jpg)
Quand les rangers des militaires résonneront sur l'avenue Foch, il est peu probable que les soldats aient identifié cette menace, qui pèse pourtant gravement sur l'avenir des armées. Samedi soir, un premier signal était pourtant perceptible. Lors de sa traditionnelle allocution aux armées à la veille du 14 juillet, Emmanuel Macron a évoqué un « ajustement » du budget de défense en 2025. « Cet ajustement est nécessaire », a insisté le chef de l'État. « Je parle bien d'ajustement et non de remise à plat. Les ambitions et les fondements sont invariables pour la défense de notre pays. ». Des propos qui ont jeté un froid dans les rangs des militaires et des industriels présents samedi soir à l'Hôtel de Brienne lors du discours du président de la République. D'autant que les armées sont actuellement confrontées à des gels mais aussi à des ralentissements de programmes.
La loi de programmation militaire (LPM), seulement promulguée en août 2023, est déjà en grand danger au regard de la situation financière délicate de la France (400 milliards d'euros de crédits budgétaires + 13 milliards de recettes extra-budgétaires sur la période 2024-2030). La LPM hisse d'année en année le budget des armées à des sommets budgétaires jamais atteints. Ainsi, durant la période, les budgets passent de 47,2 à 67,4 milliards d'euros de crédits budgétaires. Soit 23,5 milliards de crédits supplémentaires en 2030 par rapport à 2023 (43,9 milliards).
Une remontée en puissance limitée
Voulue par Emmanuel Macron depuis 2017, la remontée en puissance de l'outil de défense français est lente après des décennies de coupes budgétaires dans les budgets des armées. Alors que les besoins explosent et que la course aux nouvelles technologies (IA, quantique, laser...) est très consommatrice sur le plan financier, l'armée française reste échantillonnaire et ne semble pas prête à s'engager dans un combat de haute intensité. Car les programmes d'armement restent toujours taillés au plus juste. Ce qui serait rédhibitoire si les armées françaises étaient confrontées à une guerre d'attrition comme celle en Ukraine (en coalition ou pas).
Deux exemples sont parlants : le parc des avions de combat prévu par le livre blanc sur la Défense de 2013, toujours en vigueur, et la LPM 2024-2030 reste à 225 Rafale à terme (185 pour l'armée de l'air, 40 pour la marine, contre 588 en 1990). Soit le monde d'avant. C'est également le cas des frégates de premier rang (15 unités contre 20 en 1982) alors que les missions de la Marine nationale explosent et que les contacts se font de plus en plus rudes sur les mers et les océans.
Dépenses sociales ou dépenses régaliennes ?
Pour autant, la situation financière de la France rend la trajectoire haussière de la LPM de plus en plus incertaine. D'autant que le coût de la dette va s'élever à 57 milliards d'euros en 2024, soit les crédits de paiement de la LPM prévus pour 2027 (56,9 milliards d'euros). Et, sauf volonté politique de préserver ce budget régalien très stratégique dans un contexte international extrêmement tendu, il pourrait y avoir très rapidement des décisions, au mieux de ralentir cette trajectoire, au pire de la stabiliser, voire de l'inverser. Ce qui entraînerait un véritable choc des arbitrages au sein du ministère des Armées, qui cultive depuis toujours un modèle complet d'armée, dotée de l'arme nucléaire, et logiquement un déclassement de la France parmi les Alliés.
Au prochain gouvernement de s'attaquer à ce dilemme cornélien : hausse des dépenses sociales ou des dépenses régaliennes ? Depuis la fin des années 1950, les dépenses de protection sociale ont fortement progressé, passant de 14,3% du PIB en 1959 à 24,5% en 1981, puis à 29,6% en 2006 et à plus de 30% depuis 2010 (32,2 % en 2022). Inversement sur la même période, les dépenses de défense ont baissé au fil des décennies. De 5,4% du PIB en 1960 et 3,2% en 1980, elles sont tombées à 1,78% en 2015. Selon l'Otan, les dépenses de défense de la France atteindraient 2,04% du PIB en 2024. Soit la fameuse règle des 2% du PIB consacrés à la défense sur laquelle les chefs d'État et de gouvernement des pays de l'Otan s'étaient mis d'accord en 2014. La France restera-t-elle une force d'appoint majeure dans les coalitions internationales, ou tombera-t-elle parmi les partenaires de troisième ou quatrième rang ?