![Session plénière au Parlement européen.](https://static.latribune.fr/full_width/2387164/parlement-europeen.jpg)
Depuis jeudi et jusqu'à ce dimanche soir, quelque 360 millions d'électeurs des 27 pays membres de l'Union européenne (UE) sont appelés à voter pour renouveler le Parlement européen. Le contexte dans lequel se déroule ce scrutin n'a que peu à voir avec celui de 2019. La pandémie du Covid-19, la guerre russe en Ukraine, un niveau d'inflation inédit depuis quarante ans, une croissance économique poussive et l'impact des mesures de la transition énergétique ont fait prendre conscience de la nécessité de peser dans un monde incertain face à des puissances comme la Chine et les États-Unis.
« Aujourd'hui, explique Dominique Reynié, président de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol), les Européens soutiennent l'Europe parce qu'ils considèrent que ses actions peuvent aider à maîtriser des enjeux qui dépassent les capacités de leur État et dont le traitement serait défavorable aux peuples européens s'il devait s'effectuer à l'échelle du monde. »
La persistance du conflit en Ukraine est d'ailleurs la première motivation (32%) des électeurs européens, selon une enquête de ce think tank menée auprès de 24 000 personnes dans l'UE. Un choix logiquement très dominant dans les pays frontaliers de la Russie mais aussi pour les électeurs des conservateurs de PPE (42%), des sociaux- démocrates de S&D (37%) et des libéraux de Renew (45%). À une large majorité (67%), ils attendent la constitution d'une défense commune.
« Un réveil, un sursaut »
En revanche, l'immigration illégale domine le choix des électeurs des deux groupes d'extrême droite, à 36% pour les Conservateurs et réformateurs européens (CRE), à 48% pour Identité et démocratie (ID) ; les problèmes liés au dérèglement climatique, celui des Verts/ALE, à 42% ; la pauvreté et les inégalités sociales, celui de la gauche radicale (GUE/NGL), à 38%.
Outre le conflit ukrainien, le vote est motivé par la crise économique (31%) et la hausse des prix de l'énergie (27%). Ce besoin de davantage d'Europe doit toutefois se concrétiser dans un taux de participation, au moins à un niveau supérieur à celui de 2019, qui avait frôlé les 51%, dépassant pour la première fois la barre symbolique des 50%. En France, dans un entretien télévisé jeudi en marge de la commémoration du débarquement du 6 juin 1944, Emmanuel Macron a dramatisé l'enjeu en appelant à « un réveil, un sursaut », soulignant « l'importance de voter pour l'Europe » afin de « ne pas laisser l'extrême droite monter ». De son côté, Jordan Bardella, tête de liste RN, a martelé ces derniers jours que « s'abstenir, c'est voter Macron », craignant une démobilisation de son électorat devant une large victoire annoncée par avance. En Belgique et en Allemagne, d'ailleurs, l'âge minimum pour voter a été abaissé à 16 ans, dans le but d'augmenter le taux de participation.
Le deuxième enjeu est de savoir si la coalition sortante (PPE, S&D et Renew) obtiendra la majorité. En 2019, le duopole PPE/S&D, n'ayant gagné que 315 sièges sur 705, avait dû se tourner vers Renew (102 sièges) pour l'avoir. Ce soir, ces trois partis devront obtenir au moins 361 sièges sur les 720 sièges (soit 15 de plus, en raison de la poussée démographique dans certains pays). Les projections lui en donnent autour de 400, une marge confortable, malgré un fort recul attendu des libéraux. Renew risque en effet d'être rétrogradé à la quatrième voire à la cinquième place, supplanté par les deux partis d'extrême droite, le CRE, dominé par les Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni au détriment du PiS polonais, et ID, où la poussée du RN va supplanter la Ligue de Matteo Salvini, en net recul. CRE est crédité de 74 sièges (contre 69) et ID de 67 (contre 49).
La constitution des groupes politiques
Pour autant, cette progression ne signifie pas une addition. Si l'extrême droite poursuit son implantation dans les États membres (voir carte ci-dessus), l'unité des deux groupes qu'appelle de ses vœux le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, ne va pas de soi tant ils sont divisés, non seulement entre eux mais même à l'intérieur de chaque groupe. « En tout état de cause, note Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert-Schuman, ces élections constitueront un avertissement lancé aux partis politiques traditionnels mais aussi aux institutions européennes dont les politiques et la gouvernance ne sauraient ignorer la poussée d'interrogations et de contestations constatées dans la plupart des États membres. »
Alors que les négociations s'ouvriront dès lundi pour la constitution des groupes politiques au Parlement et dureront jusqu'au 15 juillet, veille de la séance plénière du Parlement, le Conseil européen où siègent les 27 chefs d'État et de gouvernement tiendra une réunion informelle le 17 juin pour discuter des nominations à la Commission européenne. En cas d'accord, des propositions officielles seront faites lors du conseil du 27 juin. Candidate du PPE, Ursula von der Leyen brigue un nouveau mandat. Pour être entérinée, la candidature doit recueillir la majorité absolue, dont les voix de Giorgia Meloni et de Viktor Orbán. Sa réélection, ou non, sera une bonne indication de la direction que prendra l'UE pour les cinq prochaines années.