Sur un terrain de basketball, on appellerait cela le money time. À compter d'aujourd'hui, on entame la période qui peut rapporter gros en vue des élections européennes du 9 juin. Les Français s'intéressent petit à petit à la campagne et les candidats vont pouvoir recueillir un maximum d'écho médiatique. Une kyrielle de débats télévisés est prévue, notamment quatre où les principales têtes de liste seront sur un même plateau: mardi sur LCI, le 27 mai sur BFMTV, le 30 mai sur CNews et le 4 juin sur France 2. S'y ajoute, bien sûr, le face‐à‐face entre Jordan Bardella et Gabriel Attal jeudi sur la chaîne publique, ainsi que celui entre François‐Xavier Bellamy - candidat Les Républicains en quête effrénée de coups politiques - et le député Insoumis Louis Boyard, ce soir sur BFMTV.
Ce programme est scruté de près par les états‐majors, chacun avec ses préoccupations. Pour le chef du Rassemblement national, qui évite les prises de risque depuis le début de la campagne, c'est surtout le duel avec le Premier ministre qui est attendu. « Toute cette séquence servira à renforcer un état de fait: nous sommes l'opposition prédominante », claironne le député RN Jean‐Philippe Tanguy, persuadé que la stature de Gabriel Attal suffira à rehausser celle de Jordan Bardella. « Sortez le pop-corn », salive-t‐on à Matignon, où il a été demandé à tous les ministres de faire remonter des éléments de bilan et des argumentaires afin d'aider le chef du gouvernement à se préparer. Selon nos informations, l'émission doit durer une heure et demie et se subdiviser en trois thèmes : d'abord l'économie et l'écologie, puis l'immigration et, enfin, la guerre en Ukraine et la défense. En clair, des sujets aux ramifications européennes.
Sur LCI, la trame sera comparable, même si l'agencement peut changer d'ici à mardi. Huit têtes de liste se trouveront autour de David Pujadas. Le tirage au sort est taquin : Jordan Bardella et Marion Maréchal, qui visent les mêmes électeurs (l'un avec beaucoup plus de succès que l'autre), seront côte à côte. Idem pour François‐Xavier Bellamy et Valérie Hayer, en duel pour convaincre les Français de centre droit. « Il faut carboniser Hayer sur la décroissance économique, pour dire "revenez à la maison" aux électeurs de Fillon de 2017 », prêche un dirigeant de LR. « Si on fait bien notre boulot, on fait tomber Bellamy sous les 5 % », lui rétorque à distance un cadre Renaissance.
Au RN, on pense qu'Attal rehaussera la stature de Bardella. À Matignon, on salive: « Sortez le pop-corn »
Plus globalement, s'agissant du format à plusieurs, les équipes des candidats se sont interrogées sur la manière de surmonter la cacophonie visible lors du débat organisé le 5 mai par RTL et M6. Faut‐il jouer le surplomb, comme cela a été soufflé à François‐Xavier Bellamy ? Ou plutôt assumer la fosse aux lions, comme le fait l'Insoumise Manon Aubry ? Pour le communiste Léon Deffontaines, l'essentiel sera de répondre présent. Ses mauvais sondages (1,5 % dans notre enquête Elabe) ont failli le priver d'invitation à BFMTV le 27 mai. Pour se justifier, la direction de la chaîne a initialement invoqué l'absence d'eurodéputés encartés au PCF... qui a brandi la présence, sur sa liste, de l'élu sortant Emmanuel Maurel pour obtenir son ticket d'entrée.
À Reconquête, on se réjouit que Raphaël Glucksmann et l'écologiste Marie Toussaint boycottent - contrairement à Manon Aubry - le débat sur CNews le 30 mai. « Marion [Maréchal] aura plus de temps pour se démarquer de Bardella sur une chaîne regardée par notre électorat », espère une huile zemmouriste. Au pire, la nièce de Marine Le Pen aura une autre fenêtre pour défendre sa candidature : le 2 juin, selon nos informations, BFMTV prévoit une émission où les têtes de liste passeront un oral, l'un après l'autre, face à Benjamin Duhamel. N'en jetez plus !