Comment Attal va gérer les affaires courantes

En attendant leurs successeurs, les ministres seront privés de toute initiative politique. Que se passera-t-il en cas de crise ?
Gabriel Attal à l’Assemblée nationale le 5 juin 2024.
Gabriel Attal à l’Assemblée nationale le 5 juin 2024. (Crédits : © LTD / XOSE BOUZAS/HANS LUCAS)

Dans les cabinets ministériels, on commence à s'ennuyer ferme. Un conseiller observe son patron qui tourne en rond dans son bureau en râlant. « C'est moche, un ministre qui s'emm... » Les choses vont se clarifier cette semaine. Emmanuel Macron validera mardi la démission de Gabriel Attal. Le plus jeune locataire de Matignon de l'histoire a remis sa lettre de départ lundi dernier au président de la République, qui l'avait refusée. Il l'acceptera, par nécessité. En étant démis de leurs fonctions de manière officielle, les 17 ministres élus aux législatives pourront siéger et voter à l'Assemblée dès jeudi, quand l'hémicycle désignera ses postes clés. Chaque voix va compter dans un rapport de force qui s'annonce tendu. Jusqu'ici, ces ministres maintenus ne pouvaient pas exercer de mandat parlementaire, en vertu de la séparation des pouvoirs.

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Pour autant, il est probable que Gabriel Attal et son équipe restent encore en place pendant... un certain temps. Tant qu'ils ne sont pas remplacés, les membres d'un gouvernement démissionné sont tenus de gérer « les affaires courantes ». Leur tâche consiste à s'assurer que l'État fonctionne correctement, et rien de plus. Ils conservent leur bureau et leurs collaborateurs.

Aucune initiative politique

Anticipant ce cas de figure, le Secrétariat général du gouvernement (SGG) a rédigé dans l'entre-deux-tours des législatives une note de 10 pages, adressée aux ministres et à leurs cabinets, que s'est procurée La Tribune Dimanche. Sobrement titrée « L'expédition des affaires courantes » et datée du 2 juillet, elle donne les règles du jeu de cette période particulière, qui n'est définie par aucun texte, mais qui répond à un « principe traditionnel du droit public », selon le Conseil d'État, et qui a donné lieu à une jurisprudence.

En résumé, l'exécutif sur le départ ne peut prendre aucune initiative politique. Il doit se borner à faire tourner l'administration et, le cas échéant, intervenir en urgence en réponse à une crise. Son pouvoir se limite au strict nécessaire. « Il s'agit, en somme, de l'ensemble des décisions dont on peut raisonnablement estimer que n'importe quel gouvernement les aurait prises, parce qu'elles sont entièrement dictées par une forme d'évidence ou par les circonstances », écrit le SGG. Le Premier ministre peut toujours publier des décrets, à condition qu'ils n'orientent pas l'application d'une loi dans un sens ou un autre. Par ailleurs, rien n'interdit la tenue de réunions interministérielles « même si le souci de ne pas multiplier le travail inutile [...] conduit en principe à l'éviter ». De l'extérieur, la vie du gouvernement va se faire très discrète. Aucun texte de loi ne sera proposé, aucune proposition ne sera lancée dans le débat public, aucune nomination à un poste stratégique ne sera prononcée. Certains vont continuer de trouver le temps long. « Pas d'annonces, pas de Conseil des ministres, pas de déplacement sauf urgence, seule compte la marche normale de l'État », expose un directeur de cabinet expérimenté.

Une période particulière, qui n'est définie par aucun texte

Les Conseils des ministres ne seront plus nécessaires. Traditionnellement, il n'y en a pas durant ces périodes d'entre-deux. Mais Emmanuel Macron dispose du droit d'en organiser. Le 20 mai 1981, la veille de sa passation de pouvoir avec François Mitterrand, Valéry Giscard d'Estaing a réuni une dernière fois le gouvernement de Raymond Barre. Ce dernier avait fait une communication sur la situation économique et sociale.

Que se passe-t-il en cas de crise ? Le cadre exposé par le Secrétariat général du gouvernement autorise heureusement l'exécutif à réagir. Il existe ainsi une catégorie d'« affaires courantes urgentes ». Attentat, risque terroriste, catastrophes... Place Beauvau, Gérald Darmanin peut prendre toutes les décisions relatives à la sécurité publique, y compris lancer des opérations de surveillance d'individus dangereux. Le maintien de l'ordre public fait également partie des décisions jugées ordinaires du ministère.

La stabilité est le maître-mot

Les cas les plus extrêmes sont couverts. « Il y a lieu d'estimer qu'un décret instaurant l'état d'urgence peut, pourvu que les circonstances le justifient, être compétemment pris au titre des affaires courantes urgentes », souligne le SGG. Cela nécessite le contreseing du chef de l'État. Autrement dit, si la situation dégénérait de nouveau en Nouvelle-Calédonie (ou ailleurs), le pouvoir ne serait pas privé de solutions. Toutefois, au-delà de douze jours, le Parlement doit autoriser la prolongation de l'état d'urgence. Il faudrait alors que le gouvernement le saisisse.

En matière de Défense, Sébastien Lecornu avait anticipé la situation en évoquant devant ses équipes, dès le lendemain de la dissolution, la gestion des affaires courantes au ministère des Armées. La stabilité est le maître-mot. Rien ne change pour les 40 000 soldats français actuellement en mission sur la surface du globe, dont les 18 000 mobilisés pour les Jeux olympiques. La chaîne de commandement est inchangée, sous l'autorité du chef d'état-major Thierry Burkhard. De fait, la Constitution met les troupes à l'abri des remous politiques, puisque le président de la République est le chef des Armées.

Le décret de programmation énergétique est reporté sine die

Mais tout n'est pas possible. Certes, l'aide à l'Ukraine ne peut pas être remise en question, ni la capacité de décision de la France dans le cadre de la coalition internationale. En revanche, le gouvernement ne pourrait pas faire voter au Parlement une hausse des crédits militaires qui serait destinée à mieux équiper les troupes de Kiev, comme ce fut le cas en mars.

Au ministère des Transports, les points réguliers avec les services seront maintenus. Un impératif en cette période de départs en vacances et à l'approche des JO. Au ministère de l'Économie, le suivi des entreprises est assuré. Celles qui sont en difficulté et qui nécessitent un accompagnement de l'État peuvent compter sur l'administration. « Mais s'il faut débloquer un gros dossier en urgence, avec un prêt important, ce sera peut-être plus compliqué », explique un conseiller. A contrario, le décret de programmation énergétique est reporté sine die, « alors qu'il représente deux ans de travail », soupire-t-on.

Combien de temps ce moment suspendu va-t-il durer ? La période d'expédition des affaires courantes commence le jour où le président de la République signe le décret mettant fin aux fonctions du gouvernement. Elle s'arrête à la date de publication au Journal officiel des nominations au gouvernement suivant.

Le SGG a rédigé sa note faisant l'hypothèse, « rare sous la Vᵉ République », que cette séquence pourrait « se prolonger ». En général, il faut compter un jour ou deux entre la démission d'un exécutif et son remplacement. Le délai le plus long - neuf jours - a été enregistré en 1962 quand Georges Pompidou a dû former son deuxième gouvernement, après la dissolution prononcée par le général de Gaulle. Sous la IVe République, c'était quinze jours en moyenne. Cette fois-ci, le record pourrait bien être battu.

Commentaires 2
à écrit le 14/07/2024 à 21:58
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Comment il va expédier les affaires courantes ? Ben, en faisant moins de dettes que d'habitude, on espère...

à écrit le 14/07/2024 à 6:54
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"Aucune initiative politique" Ben après 7 ans de torpillage des jeunes et des actifs français, c'est déjà énorme ! Ils risquent d'apprécier cette situation même c'est poru cela que vos affirmations comme quoi les français seraient mécontents du chaos...

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