Boris Vallaud : « La clé n'est pas à l'Élysée »

ENTRETIEN - Le député et président du groupe PS à l'Assemblée nationale, qui sera l’un de ceux qui comptent dans l’hémicycle, n’exclut pas d’être candidat au perchoir.
Hier au restaurant Mon Coco, à Paris.
Hier au restaurant Mon Coco, à Paris. (Crédits : © LTD / RAPHAËL LAFARGUE/ABACA)

LA TRIBUNE DIMANCHE- Vos alliés du Nouveau Front populaire avancent le nom de l'ancienne députée réunionnaise Huguette Bello pour Matignon. Qu'en pensez-vous ?

BORIS VALLAUD - Nous voulons, depuis le départ, un consensus et nous cherchons la meilleure candidature, soucieux du rassemblement de la gauche d'une part et de l'intérêt du pays d'autre part. Nous voulons nous donner les meilleurs chances qu'un gouvernement de front populaire soit nommé par le président d'abord, et ne soit pas censuré ensuite. Je pense qu'une candidature socialiste est susceptible de rassurer les uns et de rassembler les autres, et donc de permettre de constituer un gouvernement. Et je dis cela indépendamment des qualités personnelles d'Huguette Bello.

Lire aussiNouveau gouvernement : Gabriel Attal ne veut pas de ministres RN ou LFI

Les socialistes mettront donc un veto à cette proposition ?

La seule possibilité de s'entendre c'est le consensus. Efforçons-nous d'y parvenir. Nous allons consulter nos instances, elles ne l'ont pas été au moment où je vous réponds.

Le temps qui passe ne joue-t-il pas en faveur d'Emmanuel Macron ?

Après son immense défaite aux élections, il doit avoir la lucidité politique de tirer les leçons de ce qui s'est passé. Et de mesurer l'immense disqualification qui est la sienne. Il ne le fait pas et tente de reprendre la main alors que les Français la lui ont retirée. La clé n'est pas à l'Élysée. Est-ce que le fait de ne pas apporter de solution immédiate lui donne cet espace ? Sans doute, mais ça serait au prix de la trahison des électeurs.

Pourquoi les discussions prennent-elles autant de temps ?

Il faut bien mesurer à quel point nous avons été précipités dans l'urgence et dans une situation totalement inédite, pour laquelle il faut trouver le mode d'emploi. Il y a des pays qui sont coutumiers des majorités relatives, des coalitions gouvernementales qui parfois mettent six mois pour se constituer. Nous, on nous demanderait de le faire en six jours. Nous prenons moins de temps qu'il en a fallu pour constituer le dernier gouvernement Attal ! Je sens bien l'impatience, mais ce n'est pas une petite affaire. Il y a la question de l'équipe gouvernementale, du Premier ministre, de son architecture, du mode de gouvernement. Nous cherchons le meilleur chemin pour répondre à ce que les électeurs nous ont dit dans cette élection.

Diriez-vous qu'il y a un choc des cultures politiques entre socialistes et Insoumis ?

Nos cultures politiques ne sont pas les mêmes. Je plaide pour l'apaisement plus que pour la radicalité dans le moment. C'est précisément la culture des socialistes, il faut recoudre une société déchirée. Nous avons besoin de machines à coudre. Ce qui n'empêche pas les changements profonds que les Français attendent pour que leur vie s'améliore rapidement et concrètement.

Je plaide pour l'apaisement plus que pour la radicalité. C'est précisément la culture des socialistes

Quel chemin voyez-vous pour sortir de l'impasse ?

J'essaie de tirer toutes les leçons de cette élection : les Français ont refusé de donner le pouvoir à l'extrême droite, ils ont sanctionné Emmanuel Macron et ils ont placé la gauche en tête. Je souhaite sur cette base construire une méthode pour avancer. Premièrement, le Nouveau Front populaire au gouvernement pour mettre en œuvre les mesures urgentes de notre programme sur le pouvoir d'achat, les retraites, les services publics... Deuxièmement, le front républicain à l'Assemblée nationale. Cela se traduit par le prolongement du barrage contre le RN dans la désignation des postes de l'Assemblée nationale (comme au Parlement européen ou au Bundestag) par celles et ceux qui en ont bénéficié dans les élections et par le respect de la démocratie parlementaire. C'est là que doivent se construire, dans le respect du pluralisme et du débat démocratique, notamment sur la base des propositions du NFP, les grands compromis républicains dont nous avons été capables dans l'Histoire. Ce gouvernement ne sera pas écrasant pour la démocratie, il n'y aura pas de brutalisation par le 49.3 notamment. Il ne ressemblera à aucun autre dans la Ve République parce qu'il n'y a pas de majorité à l'Assemblée, parce qu'il est parlementariste par nécessité mais aussi par conviction. Troisièmement, j'appelle au front social dans le pays, pour rendre aux partenaires sociaux le pouvoir qui leur a été confisqué. Dans ce moment très difficile, je fais le pari que l'on est capables de devenir des responsables politiques adultes.

Le personnel politique français est en crise d'adolescence, selon vous ?

La démocratie parlementaire en est à un stade adolescent. Ces deux dernières années, beaucoup d'entre nous étaient des parlementaires sans culture parlementariste. Nous avons désormais basculé dans un régime parlementaire. Le cœur du pouvoir est à l'Assemblée. Moi, je plaide pour la VIe République. Soyons sixièmistes dès à présent ! Comme disait Mendès France, la démocratie, c'est aussi un état d'esprit. Il peut y avoir non pas une coalition mais des majorités dans le débat parlementaire sur plein de textes.

L'Assemblée nationale élira son président jeudi. Serez-vous candidat au perchoir ?

Nous verrons. Si on est cohérent, il faut que ce soit une personnalité de gauche, avec les qualités pour faire vivre le Parlement, avec cette culture parlementaire, cette connaissance de nos institutions, cette faculté d'animation, de rassemblement tout en faisant respecter l'institution. Avec d'autres, j'ai quelques-uns au moins de ces traits.

Quel rôle voyez-vous pour François Hollande dans cette nouvelle Assemblée ?

Il ne m'a pas formulé de demandes particulières, si ce n'est celle de rejoindre la commission des affaires étrangères. Il a une expérience précieuse. Je ne doute pas qu'il la mettra non seulement au service du groupe socialiste et apparentés mais aussi de l'Assemblée, notamment sur les questions internationales.

Les anciens Insoumis Clémentine Autain, Alexis Corbière, Danielle Simonnet ont lancé leur propre mouvement. Comment voyez-vous leur démarche ?

Ce qu'ils font est intéressant et nécessaire. Ils incarnent quelque chose. Ils sont comme tout le monde, ils cherchent. Ils ont pris une initiative que je regarde avec intérêt. Ils doivent continuer d'être entendus. Leurs voix comptent.

La Nupes avait éclaté au bout de quelques mois. Pourquoi la nouvelle alliance de la gauche serait-elle plus durable ?

D'abord, nous n'avons pas reconstitué la Nupes, il n'y a pas d'intergroupe, chacun est autonome, mais nous nous parlons à chaque fois que nécessaire. Le groupe socialiste est libre et s'affirme. Nous avons plus que doublé notre nombre de députés, soit la plus forte progression de l'hémicycle. Nous comptons 130 parlementaires, entre le Sénat et l'Assemblée. Je pense que ce nouvel équilibre est aussi une garantie de bon fonctionnement. Maintenant, soyons capables collectivement de changer vite la vie des Français, sinon nous serons tous emportés dans d'autres échéances.

Commentaires 2
à écrit le 15/07/2024 à 17:39
Signaler
Comment disait un marxiste convaincu on peut vendre son âme pour un plat de lentilles.

à écrit le 14/07/2024 à 9:05
Signaler
Ce qui est certain c'est que la clé c'est encore moins Boris Vallaud

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.