Fin de course pour Joe Biden : récit des derniers jours du président

Acculé depuis trois semaines au sein de son propre parti, le candidat des démocrates a finalement quitté la course présidentielle ce soir. Récit d'une longue agonie politique.
(Crédits : Tom Brenner)

La question n'était plus vraiment de savoir « si », mais plutôt « quand ». Joe Biden a finalement craqué ce soir et renoncé à briguer un second mandat. « Je pense qu'il est dans l'intérêt de mon parti et du pays que je me retire et que je me concentre uniquement sur l'exercice de mes fonctions de président jusqu'à la fin de mon mandat », dit le communiqué de quelques lignes publié à 20 heures, heure française.

L'octogénaire devrait s'adresser à la nation dans les jours qui viennent pour expliquer les raisons de ce choix. Mais il précise déjà qu'il soutient Kamala Harris « pour battre Trump » en novembre. Cette décision, même si elle était attendue, constitue un coup de théâtre majeur dans une campagne que la tentative d'assassinat de Donald Trump il y a huit jours avant déjà rendue historique.

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En se retirant de la course à la présidentielle de novembre, le président-candidat met un
terme à la crise de confiance qui déchirait sa famille politique depuis des semaines.
C'est véritablement au soir du 27 juin, lors du premier débat contre Donald Trump, que son trône avait commencé à se fissurer. Dès les premières minutes, le démocrate fut incapable de dissimuler sa vulnérabilité. Les impairs et absences qui avaient émaillé sa prestation et que son adversaire s'était empressé de moquer avaient immédiatement plongé son clan dans un profond désarroi. « Il y avait chez les démocrates beaucoup de peur, de frustration et de colère », retrace Lauren Harper Pope, qui dirige le Welcome PAC, un comité d'action destiné à faire élire des progressistes. Les appels à quitter la course ont commencé à pleuvoir dès le lendemain de ce face-à-face.

En trois semaines, plus d'une trentaine d'élus du Congrès sont sortis du bois. Inquiets de perdre leurs sièges dans des circonscriptions critiques, les séditieux ont été rejoints par plusieurs poids lourds du parti démocrate. Cette semaine, Nancy Pelosi, l'ancienne cheffe de la Chambre, son successeur Hakeem Jeffries, et Chuck Schumer, leur alter-ego au Sénat, ont à leur tour confié leur inquiétude à Joe Biden.

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L'argent ne rentrait plus

Les arguments qu'ils lui ont présentés étaient assez imparables. Ils ont fait valoir les très
mauvais scores prédits à Joe Biden par la plupart des derniers sondages. Si son nom restait sur le ticket démocrate, plusieurs Etats usuellement remportés par les Bleus, tels que le Minnesota ou la Virginie, auraient pu basculer côté républicain. Les dons financiers, le cœur du réacteur de toute campagne américaine, avaient par ailleurs nettement diminué dans les dernières semaines.

Sur les 50 millions de dollars escomptés par son équipe en juillet, seuls
25 devraient effectivement entrés dans les caisses. Devant le désastre annoncé, les
putschistes ont donc poussé, de toutes leurs forces. Officiellement, pourtant, l'Irlandais n'avait cure de toutes ces mises en garde. Vendredi, il se fendait même d'un communiqué indiquant qu'il allait reprendre meetings et bains de foule.

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Atmosphère de fin de règne

Sa directrice de campagne, elle, assurait qu'il était restait « déterminé à battre Donald Trump ». Mais en réalité, dans sa résidence du Delaware où Biden était encore cloîtré hier soir pour cause de Covid, l'ambiance était déjà crépusculaire. Dans cette atmosphère de fin de règne, la colère se mêlait à l'amertume. Selon le New York Times, le Président, toussant en continu, n'avaient pas de mots assez durs pour les félons qui le trahissaient. Dans son viseur  notamment, il y avait son ami Barack Obama, accusé d'être, en coulisses, le grand ordonnateur de son exécution politique.

Mais, selon plusieurs témoins cités par le quotidien, c'est aussi dans cette demeure de
Rehoboth que le locataire de la Maison-Blanche a commencé à accepter l'idée d'un
renoncement. Restait à définir le lieu et le moment. « Il savait qu'un candidat présidentiel faible met en péril les campagnes de ses partenaires du Congrès et il n'a probablement pas voulu qu'on se rappelle de lui comme le responsable de la destruction de son parti, qui aurait inévitablement renforcé Trump », souligne Ross Baker, un politologue émérite de l'Université Rutgers.

Le coronavirus aura finalement servi d'agent révélateur. La maladie a remis en évidence la fragilité manifeste de l'octogénaire, lui que l'on voyait peiner à emprunter l'escalier principal de son avion, lors de ses déplacements de campagne. « Pour se relever, il aurait fallu qu'il soit sur le front tous les jours, qu'il réponde à la presse, rencontre les électeurs », analyse Kate deGruyter, la directrice des communications de Third Way, un think-tank de centre-gauche.

L'équipe rapprochée du président-candidat et son épouse Jill, son ultime soutien,
ont voulu croire en cette stratégie : multiplier les déplacements, les discours tout en se
couchant plus tôt. Tous ont tenté de repousser l'inéluctable, en vain. Comment effacer de la tête des électeurs ces vidéos virales ? Ces extraits où Joe Biden confondait Zelensky et Poutine, offrait un regard vide aux caméras pendant de longues secondes.

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Il voulait « finir le boulot »

Légitimement convaincu de la qualité de son premier mandat, Joe Biden aurait voulu « finir le boulot ». « Il avait un bon programme sur lequel s'appuyer », regrette Cornell Belcher, ancien conseiller de campagne de Barack Obama. « Sous sa présidence, l'économie américaine s'est relevée et l'inflation a baissé ». Ses alliés démocrates ne reniaient pas tant son bilan que ses capacités à gouverner. Ils ne le voyaient pas tenir tête quatre mois de plus à un Donald Trump, miraculé et survitaminé.

De son côté, Joe Biden, y croyait, lui qui aura passé sa vie à être sous-estimé. Il y a dix ans, Barack Obama, dont il avait été le loyal vice-président, lui avait ainsi préféré Hillary Clinton pour la présidentielle de 2016. La revanche tardive de l'ex-sénateur du Delaware, propulsé dans le Bureau Ovale en 2020 grâce à une coalition d'électeurs issus des minorités raciales, ne devait durer qu'un mandat. Désormais, il lui reste quatre mois à tenir. La retraite dans le Delaware ne sera que méritée.

Commentaires 6
à écrit le 22/07/2024 à 9:40
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Un très bon président , bien élevé , ce qui change par rapport à a beaucoup d'autres dirigeants.

à écrit le 22/07/2024 à 7:27
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L'agonie ça va encore pour les papes mais pour les présidents quand même on a bien vu Bouteflika trainé jusqu'au bout et c'était grotesque, non pire c'était vulgaire.

à écrit le 22/07/2024 à 5:55
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Dallas version 2024

à écrit le 22/07/2024 à 1:29
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Quel suspense !

à écrit le 21/07/2024 à 22:52
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Après ce désastre annoncé depuis de nombreux mois, une chose me parait certaine. Il va devenir très difficile pour tout homme ou femme de 80 ans et plus de vouloir se présenter à une Présidence partout dans le monde..

le 22/07/2024 à 16:22
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Et c'est tant mieux !

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