La taxe sur les milliardaires à l'épreuve d'un G20 fragmenté

La taxation mondiale des milliardaires et des multinationales s'est imposée dans l'agenda du G20 au Brésil. Réunis à Rio, les ministres des Finances des 20 plus grandes puissances de la planète vont tenter d'arracher un communiqué commun pour avancer sur ce dossier brûlant. Mais l'administration Biden freine toujours les négociations.
Grégoire Normand
Le président brésilien Lula à la réunion du G20 finances.
Le président brésilien Lula à la réunion du G20 finances. (Crédits : Reuters)

Les 20 plus grandes puissances de la planète vont-elles réussir à se mettre d'accord sur la taxation des milliardaires ? Réunis à Rio au Brésil à partir de ce vendredi, les ministres des Finances et les banquiers centraux vont tenter de trouver une position commune après plusieurs mois d'âpres négociations. Poussé par le président brésilien Lula et l'Union européenne, le projet de taxe sur les super-riches doit encore passer l'épreuve des divisions entre les Etats. L'objectif est d'aboutir d'ici vendredi soir à trois textes : la « déclaration spécifique » sur « la coopération internationale en matière fiscale», accompagnée d'un communiqué final plus large et enfin un document publié séparément par la présidence brésilienne, qui elle seule évoquerait les crises géopolitiques.

Jeudi, le ministre des Finances brésilien Fernando Haddad a salué « un consensus historique au G20 sur la taxation internationale, incluant la taxation des grandes fortunes», à l'issue d'une troisième réunion avec ses homologues. Plus précisément, le consensus porte sur la nécessite de mettre ce sujet à l'agenda des discussions. Reste désormais à trouver un accord qui convienne à tout le monde. « Ce n'est pas facile pour les ministres des Finances du G20 d'obtenir un accord sur quoi que ce soit. Jusqu'en février dernier, la taxation des supers riches n'avait jamais été discutée au G20. En seulement, cinq mois des progrès considérables ont été réalisés », a salué l'économiste français Gabriel Zucman, mandaté par le G20 pour présenter une solution technique en juin dernier. « Maintenant, il est temps de muscler cet agenda. Notre projet de taxe coordonnée est sur la table. Les ministres des Finances ont commencé à s'engager avec, et il ne doit pas y avoir de retour en arrière ».

Les Etats-Unis farouchement opposés

Le premier obstacle de taille à l'avancée du projet de taxation sur les milliardaires et les multinationales sont les Etats-Unis. Peu avant une réunion des ministres des Finances jeudi, la secrétaire au Trésor Janet Yellen a d'ailleurs confirmé la position de l'administration Biden. « La politique fiscale est très difficile à coordonner à l'échelle internationale, et nous ne voyons pas le besoin, ni ne pensons qu'il soit souhaitable d'essayer de négocier un accord international sur cela », a affirmé la dirigeante américaine au cours d'une conférence de presse à Rio de Janeiro. « Ce ne sont pas des interlocuteurs faciles » reconnaît un proche de Bruno Le Maire, rompu aux négociations internationales et présent au Brésil.

Contacté par La Tribune, l'architecte de la taxe minimum mondiale sur les multinationales à l'OCDE, Pascal Saint Amans rappelle que historiquement, « la Constitution américaine donne au Congrès le droit exclusif de faire des lois fiscales. Or, l'exécutif américain ne prend jamais de décision internationale qui engage le Congrès ». Washington « est favorable pour une telle fiscalité, mais les Etats-Unis sont pour une solution domestique et moins une solution internationale », ajoute le professeur à l'école de commerce HEC. Autrement dit, les Etats-Unis sont favorables à une taxation des très grosses fortunes, mais préfèrent que les recettes fiscales issues de cet impôt viennent enrichir les finances du pays plutôt que d'être réparties à l'échelle mondiale.

Dans le contexte de la présidentielle, « les démocrates ne vont pas prendre une telle décision », juge l'économiste. Néanmoins, le retrait surprise du président américain Joe Biden dans la course à la Maison Blanche rebat les cartes au pays de l'Oncle Sam. A ce stade, Kamala Harris n'a pas encore présenté officiellement son programme économique. Mais elle s'est montrée favorable par le passé à un bond de la fiscalité sur le Top 1% des Américains par exemple.

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Le multilatéralisme embourbé

L'autre point d'achoppement est que « l'impôt sur le revenu n'a rien d'harmonisé au niveau mondial », explique l'ancien directeur de la fiscalité à l'OCDE. Pascal Saint Amans rappelle « qu'avant de mettre en place un impôt mondial, il faut mettre en place un impôt domestique ». Or, de nombreux pays sur la planète n'ont pas forcément instauré d'impôt sur le revenu des particuliers, et encore moins d'impôt sur la fortune.

Comme « le multilatéralisme n'est pas en très grande forme», le but est de ne pas seulement se contenter des instances internationales pour avancer sur ce dossier. Chargée par le G20 de présenter une solution fiscale, l'économiste française et prix Nobel, Esther Duflo, a défendu il y a quelques semaines dans les colonnes de La Tribune la mise en place d'un fonds spécial de dédommagement pour les pays pauvres. Ce fonds financé par une plus forte taxation des milliardaires et des multinationales passerait par un transfert direct aux individus pour éviter le blocage des institutions internationales.

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Une solution européenne ?

Face aux blocages, certains économistes défendent une solution d'abord à l'échelle européenne. C'est par exemple le cas du président de l'OFCE, Xavier Ragot. « Pour avancer, la piste à privilégier se situe en Europe » a confié l'économiste à La Tribune, il y a quelques jours. «Il peut être judicieux de passer par une harmonisation de la taxation des patrimoines en Europe. En France, les 0,1% les plus riches ont connu des gains très importants dans les années passées. Il peut être légitime de leur demander une plus grande contribution ». De son côté, Pascal Saint-Amans estime que l'Union européenne « doit se poser la question ». « Il est possible d'avancer politiquement,. Tous les partis en ont parlé ». L'économiste défend notamment l'idée d'une « exit tax » renforcée à l'échelle de l'Union européenne.

Sur le Vieux continent, la France est un des pays qui pousse ce sujet depuis le début des négociations, notamment à l'échelle mondiale. Le ministre démissionnaire de l'Economie, Bruno Le Maire, opposé à une taxe domestique, s'est montré partisan d'une telle solution. Mais sa voix ne portera pas au G20 auquel il ne participera pas. La France a toutefois envoyé une délégation avec des membres du Trésor au Brésil. « La France apporte un soutien constant à la présidence brésilienne », souligne un ponte de Bercy, membre de la délégation. Mais le grand flou politique actuel de l'Hexagone et l'absence du ministre français de l'Economie au Brésil affaiblissent la position de Paris. En outre, l'Allemagne a montré des signes de réticence en amont de ces nouvelles réunions. Un mauvais signal avant le prochain sommet des chefs d'Etat prévu en novembre prochain.

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Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 27/07/2024 à 8:59
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puisque taxer les milliadaires ne fonctionne pas il faut taxer ceux qui invente les taxes c(est a dire les elus et les haut fonctionnaires en divisant pleurs remuneration retraite comprise pour un monde qui change montrez nous l'exemple l'exemple

à écrit le 27/07/2024 à 6:42
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LOL ! Ils sont tellement faibles tout ces dirigeants politiques, tellement faibles... Nietzsche nous avait prévenu, seuls ceux qui avaien tde l'esprit auraient du posséder maintenant c'est entre le nihilisme et l'idiocratie.

à écrit le 27/07/2024 à 0:49
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Et s'ils se mettaient d'accord de mieux gérer l'argent public et s'ils se mettaient d'accord sur l'arrêt de projets insensés comme dans le Golfe aux coûts défiants l'intelligence s'ils se mettaient d'accord de cesser ce besoin de dominerl'autre ou d...

à écrit le 27/07/2024 à 0:07
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Les ricains commencent à nous agacer .. s ils sont pas d accord on les virent d Europe : adieu les gafam les amazon et consorts on les surtaxent au point de consommation pour qu’ ils dégagent . on coupe le cordon ombilical et les tuyaux internet e...

à écrit le 26/07/2024 à 18:12
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Les milliardaires russes qarari, saiudiens, indiens et autres en rremblent davance... et sinon pour les autres, un cours de compta et gestion financiere 1ere annee , ca keur eviterair de se ridiculiser avec des aneries, et de melanger choux et patat...

à écrit le 26/07/2024 à 17:03
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"La taxe sur les milliardaires à l'épreuve d'un G20 fragmenté" Tu m'étonnes le régime des millionnaires démocrates (cf. patrimoine de Biden et Harris) n'a jamais voulu taxer leurs amis milliardaires de la silicon valley qui financent leurs campa...

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