Face à la spirale inflationniste, la Russie relève encore son taux directeur

Empêtrée dans une guerre en Ukraine qui explose les dépenses publiques du pays, la Russie lutte contre une forte inflation. Sa Banque centrale (BCR) a relevé son taux directeur pour la sixième fois en fois en un an.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré à la presse que « certains processus inflationnistes sont présents, cela suscite l'inquiétude du gouvernement ».
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré à la presse que « certains processus inflationnistes sont présents, cela suscite l'inquiétude du gouvernement ». (Crédits : SPUTNIK)

[Article publié le vendredi 26 juillet 2024 à 14h06 et mis à jour à 16h53] L'inflation annuelle en Russie atteint 8,59% en juin sur un an, selon l'agence nationale des statistiques Rosstat. C'est l'une des conséquences de l'économie de guerre mise en place par Vladimir Poutine pour financer ses projets d'expansion et de « défense de la souveraineté de la Russie ». Par conséquent, la Banque centrale russe (BCR) a annoncé, ce vendredi, relever son taux directeur de 16 à 18% pour tenter de contenir l'inflation.

Cette dernière « s'est accélérée et dépasse nettement les prévisions faites en avril par la BCR (...). Pour que l'inflation baisse à nouveau, il faut que la politique monétaire soit encore resserrée », a expliqué la BCR dans un communiqué.

Le taux d'inflation inquiète jusque dans les plus hautes sphères politiques de Moscou. La veille de cette décision, le Kremlin s'était dit préoccupé par le haut niveau des prix en Russie.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov avait ainsi déclaré à la presse que « certains processus inflationnistes sont présents, cela suscite l'inquiétude du gouvernement et de la Banque centrale, donc des mesures sont élaborées. Cibler l'inflation est l'une de nos priorités ».

Des dirigeants d'entreprise inquiets

Déjà, entre l'été et la fin d'année 2023, le taux directeur avait été relevé à plusieurs reprises pour atteindre 16%, dans le but d'enrayer cette baisse du pouvoir d'achat des Russes. À titre de comparaison, le taux directeur de la zone euro est en dessous de 4%.

« Les prévisions de la BCR ont été considérablement révisées, y compris la prévision d'inflation pour 2024 qui a été relevée à 6,5 - 7,0% », poursuit le communiqué, en précisant que la BCR « examinera la nécessité d'une nouvelle augmentation du taux directeur lors de ses prochaines réunions ».

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Plusieurs dirigeants d'entreprise s'étaient toutefois déjà dits opposés à des hausses du taux directeur, qui pourraient, selon eux, ralentir l'activité économique. D'autant que les Russes restent fortement marqués par le souvenir de l'instabilité financière des années 1990, quand des millions de personnes ont vu leur épargne bancaire se volatiliser sous l'effet de la dévaluation du rouble et de l'inflation.

Explosion du budget de la Défense

L'explosion des dépenses publiques, particulièrement liées aux commandes dans le complexe militaro-industriel pour équiper l'armée en Ukraine et aux importantes primes versées aux soldats et à leurs familles, alimente depuis plusieurs mois un cycle de salaires et de dépenses des ménages à la hausse.

D'après un document du ministère des Finances, consulté fin septembre dernier par l'AFP, les dépenses de Défense ont ainsi augmenté de 68% en 2024 par rapport à 2023, et atteignent 10.800 milliards de roubles (environ 106 milliards d'euros). Au global, la somme allouée à la Défense va représenter environ 30% des dépenses fédérales en 2024 et 6% du PIB, une première dans l'histoire moderne de la Russie.

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Parallèlement, des déficits de main d'œuvre dans de nombreux secteurs, causés par les départs d'hommes au front et l'exil à l'étranger de centaines de milliers d'autres, notamment pour fuir la mobilisation, ont également nourri cette spirale. Pour autant, malgré les sanctions occidentales, la croissance de la Russie se maintient. Après une contraction en 2022, le PIB russe a augmenté de 3,6% en 2023, d'après l'Institut statistique Rosstat.

Le Kremlin reconnaît une crise démographique « catastrophique pour l'avenir » de la Russie

Le Kremlin a relevé vendredi que la situation démographique était « catastrophique pour l'avenir de la nation », alors que les diverses politiques menées en Russie depuis un quart de siècle n'ont pas permis de relancer la natalité.

« Nous vivons dans le plus grand pays du monde, et nous sommes de moins en moins chaque année. La seule façon d'y remédier est d'accroître le taux de natalité », a déclaré le porte-parole de la présidence russe, selon l'agence Tass. « Il est aujourd'hui terriblement bas : 1,4 (enfant par femme, ndlr). Ce chiffre est comparable à celui des pays européens, du Japon, etc. Mais c'est catastrophique pour l'avenir de la nation »", a-t-il ajouté.

Depuis son arrivée au Kremlin en 2000, Vladimir Poutine a fait de la crise démographique russe, héritée de la période soviétique, une priorité. Si l'espérance de vie a augmenté, la natalité est restée très basse et loin du seuil de renouvellement générationnel de 2,1 enfants par femme. Cette situation démographique a été exacerbée dans les années 1990, du fait du très faible niveau des naissances dans cette période de crise sociale et économique qui a suivi la chute de l'URSS. Or, c'est cette génération très restreinte qui est en âge de faire des enfants, mais qui aujourd'hui n'en fait que très peu, ce qui risque d'accélérer le déclin russe.

Pour autant le Kremlin a indiqué vendredi ne pas considérer que la politique des autorités d'incitation aux naissances était un échec. Dmitri Peskov, interrogé sur ses propos lors d'un briefing téléphonique, a jugé que la faible natalité en Russie n'est pas le résultat d'un manque de confiance des Russes dans l'avenir, pointant la natalité en berne en Europe occidentale et au Japon. Il a également cité le « fossé démographique » dû aux pertes abyssales durant la Seconde guerre mondiale et à la chute de l'Union soviétique.

« La démographie est un domaine à part: les mesures mises en œuvre n'ont pas un effet immédiat, l'effet est différé. Par conséquent, la situation restera difficile pendant un certain temps, mais le gouvernement travaille vraiment dur pour cela et ce sujet est l'une des principales priorités du président de la Russie », a insisté Dmitri Peskov.

Selon l'agence des statistiques Rosstat, la Russie comptait début 2024 146 millions d'habitants. Entre 2000 et 2022, les années Covid, le population « permanente » a baissé d'environ 500.000 personnes chaque année, et en 2023 la baisse était d'un peu moins de 300.000. La Russie ne communique pas sur ces pertes militaires en Ukraine, qui peuvent elles aussi affecter la natalité pour les années à venir. Selon le site russe RBC.ru, un média spécialisé dans l'économie, Rosstat prévoit que la population russe plonge de trois millions d'ici 2030, soit environ 143 millions d'habitants.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 10/08/2024 à 19:58
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En connaissant un peu ce qui se passe en écoutant les anciens , je dirais qu'il faut à peine écouter la moitié de ce que nous raconte le gouvernement russe. Je suis sûr que la baisse et deux fois plus importante de ce qu'ils me disent là. Ne jamais c...

à écrit le 27/07/2024 à 21:00
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Taux d'intérêts à 16% pour une inflation officiellement à 8,5%. Sérieux et crédible ? Il faut donc que l'investissement rapporte 7,5 points en plus du remboursement du capital ? Et il faut que la croissance économique du pays rapporte davantage que 1...

à écrit le 27/07/2024 à 15:40
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Les démographes s'accordent à dire que la population mondiale atteindra un pique dans la deuxième moitié du siècle et commencera à décliner .Seuls nos petits enfants nés ces dernières années pourront le constater !!!

à écrit le 26/07/2024 à 18:17
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Ca va servir a rien vu quils font de la stimulation budgetaire permanente, et que le prix de leurs imports a explose... faut relire ses cours de macroeconomie

à écrit le 26/07/2024 à 17:47
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"Face à la spirale inflationniste, la Russie relève encore son taux directeur" A l'évidence il faut être fortement alcoolisé pour prêter 1+ kopek à un russe en espérant retrouver un jour son argent...

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