Etats-Unis : ces éminences grises qui cadrent Donald Trump

La convention du Parti républicain s’ouvre ce lundi et officialisera la candidature du milliardaire. En coulisses, ses directeurs de campagne œuvrent pour le mener à la victoire.
Chris LaCivita et Susie Wiles, à la gauche du candidat populiste, le 15 janvier, à Des Moines, Iowa.
Chris LaCivita et Susie Wiles, à la gauche du candidat populiste, le 15 janvier, à Des Moines, Iowa. (Crédits : © LTD / BRIAN SNYDER/REUTERS)

Son sourire prévenant pourrait la faire passer pour une inoffensive grand-mère. Qu'on ne s'y trompe pas. Susie Wiles, 67 ans, est une redoutable stratège. Elle et son compère Chris LaCivita, dix ans de moins, dirigent la campagne de Donald Trump. Sans eux, le come-back du populiste à la mèche blonde ne serait pas aussi efficace. La convention des républicains, la grand-messe du parti qui se tiendra à partir de demain et pendant quatre jours à Milwaukee (Wisconsin), entérinera sa candidature.

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Cela fait plusieurs mois que les deux conseillers poivre et sel s'activent en coulisses, où leur influence n'a d'égale que leur discrétion. Chris LaCivita est un ancien marine, doté d'un solide sens du devoir et d'une loyauté martiale. Son mode opératoire est simple. Cité dans un article du magazine Mother Jones en mai, le fidèle trumpiste a affirmé : « Je ne gagne pas de campagne, je fais simplement en sorte que les candidats ne les perdent pas. Mon travail consiste à les empêcher de faire des erreurs. » Susie Wiles n'est pas moins un vétéran. Elle a servi le parti à tous les niveaux et orchestré l'élection de maires comme de présidents. Ensemble, ces deux faiseurs de roi s'efforcent d'étouffer les ruades de leur champion indomptable. « C'est le tandem de campagne le plus discipliné et le plus compétent que Donald Trump ait jamais eu », assure Liam Donovan, républicain, consultant au sein du cabinet de conseil politique Bracewell.

Le teint frais, le phrasé serein et le tailleur impeccable, Susie Wiles est une tacticienne reconnue par ses pairs. « Elle est la meilleure du pays, démocrates et républicains confondus, s'enthousiasme Ronald Book, un lobbyiste conservateur chevronné qui l'a longtemps côtoyée en Floride. Grâce à elle, la cam- pagne de Trump a atteint un niveau d'organisation que personne d'autre n'aurait pu instaurer. »

Susie Wiles est la meilleure du pays, démocrates et républicains confondus

Ronald Book, lobbyiste conservateur

Énigmatique grand-mère

Polyvalente, sur tous les fronts, Susie Wiles a réussi à museler son prolixe candidat, un exploit que même Ivanka, fille chérie et ancienne conseillère du magnat, n'avait pu accomplir. « Il semble qu'elle a trouvé un moyen de le cadrer, ce qui est la seule chose qui lui manque pour gagner », note Liz Mair, ancienne directrice des communications du Comité national républicain. Le « succès » du premier débat télévisé, où Trump a opposé une stature posée et présidentiable à un Biden fatigué et amorphe, malgré sa litanie de calembredaines ? C'est l'œuvre de « Susie ». Le presque silence dans lequel s'est drapé le milliardaire gouailleur, laissant la nuée médiatique vibrionner autour du démocrate, dans l'attente d'un éventuel désistement ? L'œuvre de Wiles, encore. « Sans son influence, Trump ne supporterait pas de ne pas avoir les projecteurs sur lui autant de jours », abonde Liam Donovan.

Ces dernières années, l'énigmatique grand-mère a donné peu d'interviews mais elle a prouvé sa valeur en Floride, où elle a coordonné des campagnes phares. Celle de l'outsider Rick Scott, un homme d'affaires avec peu d'expérience politique, qu'elle a propulsé gouverneur de l'État en 2010 en seulement sept mois. Celle de Ron DeSantis, qui lui succéda en 2018. Lui décida pourtant de la remercier quelques mois plus tard : la grande complicité de Susie Wiles avec les journalistes, pour mieux surveiller leurs ouvrages, le mettait mal à l'aise. Elle aurait pu en rester là, abandonnée par le prince qu'elle venait de couronner. Mais Donald Trump, pour qui elle avait labouré le « Sunshine State » en 2016, choisit d'en faire sa cheffe de cabinet informelle.

Voilà l'ex-reaganiste nommée dès 2021 à la tête du comité d'action politique Save America, véritable machine de guerre financière qui engrange des fonds pour le candidat depuis sa dernière défaite présidentielle. « La manière dont Susie dirige cette campagne pourrait permettre à Trump de remporter l'immense majorité des États charnières, mais également le vote populaire, en plus d'une majorité de grands électeurs », croit Liz Mair.

Chris LaCivita est la seconde pièce maîtresse d'un moteur bien huilé. Avec son crâne rasé et sa carrure de lutteur, ce catcheur politique a longtemps joué l'homme de main de différents prétendants républicains. « Il approche la politique comme un champ de bataille », raisonne Liam Donovan, qui travailla avec lui pour faire élire des conservateurs. « Chris » ne change pas ses poulains en super-guerriers, il vise plutôt le talon d'Achille de leurs adversaires. « Il fait en sorte qu'ils se sabotent », confirme le républicain. L'un de ses faits d'armes les plus fameux remonte à 2004, quand l'ex-militaire pilota le Swift Boat Veterans for Truth. Ce groupe d'anciens prisonniers de la guerre du Vietnam, s'affichant apolitique mais financé par des donateurs américains républicains, avait accusé John Kerry, le démocrate en lice contre George W. Bush, d'avoir exagéré son bilan martial et dénigré les troupes américaines à leur retour d'Asie. Ces diffamations jetèrent le doute sur l'honnêteté du candidat et endommagèrent durablement sa campagne.

« Winner-take-all »

L'été dernier, LaCivita a travaillé au corps les factions régionales du Parti républicain, pour qu'elles modifient leurs règles à l'avantage de Donald Trump. Les dirigeants de la branche du Michigan ont ainsi décidé qu'une majorité des délégués censés désigner le candidat conservateur à la convention ne seraient plus élus lors d'une primaire ouverte mais appointés à huis clos pendant une réunion de militants. La Californie a aussi changé ses consignes, adoptant le « winner-take-all », ce mode de scrutin selon lequel le candidat qui obtient plus de 50 % des voix lors de la primaire rafle l'ensemble des délégués de l'État. Les 169 délégués du Golden State devront donc tous voter pour l'investiture de Trump à la convention.

Allié au calme de Susie Wiles, Chris LaCivita dégage méthodiquement la route pour Trump, lui permettant de renforcer son assise sur le parti qu'il phagocyte depuis près de dix ans. Mais si le candidat leur obéit à tous les deux, c'est aussi parce que cette élection comporte un double enjeu : récupérer les clés de la Maison-Blanche certes, mais surtout éviter de se retrouver derrière les barreaux. Une fois élu, le prévenu pourrait jouer de son immunité présidentielle et balayer d'un revers de la main le chapelet de procès qui l'attendent. Ses deux indispensables directeurs de campagne auront bien appris une chose à Donald Trump : on n'étouffe jamais mieux le chaos que par soi-même.

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