Pas de répit estival pour Pedro Sánchez. Sur le fil du rasoir depuis le début de sa nouvelle législature en novembre dernier, le Premier ministre espagnol est maintenant sommé de témoigner dans l'affaire qui vise son épouse, Begoña Gómez. Spécialiste en levée de fonds pour les ONG, elle est accusée de corruption et de trafic d'influence par deux collectifs proches de l'extrême droite, Hazte Oir et Manos Limpias.
Le juge d'instruction Juan Carlos Peinado, chargé du dossier, prévoit de se rendre mardi au palais de la Moncloa pour interroger le leader socialiste « sur les potentiels éléments constitutifs du trafic d'influence ». Une entrevue dont se serait bien passé le dirigeant espagnol, déjà politiquement dans la nasse. Depuis des semaines, il est empêtré dans d'interminables négociations avec les indépendantistes catalans qui empêchent, sur le plan national, toute avancée législative.
Vox se délecte du « Begoñagate »
L'ouverture de l'enquête fin avril avait déjà provoqué un séisme politique. Pedro Sánchez, très affecté de voir sa femme mise en cause, s'était retiré durant cinq jours de la vie publique pour méditer sur une éventuelle démission. Ce vrai-faux départ avait provoqué les sarcasmes de la droite, du Parti populaire mais aussi des extrémistes de Vox qui, depuis des mois, se délectent de ce « Begoñagate ». « Cette affaire montre surtout à quel point la justice est instrumentalisée par le monde politique », déplore le politologue Fernando Vallespín. Les amitiés du juge Peinado avec les conservateurs ne sont effectivement un secret pour personne. Alors que le parquet a demandé le classement sans suite du dossier pour faute de preuves, il a choisi de poursuivre l'enquête.
De son côté, le chef de file du Parti populaire, Alberto Feijóo, compte bien profiter de ce nouveau rebondissement que constitue l'audition de Sánchez. Il a ainsi appelé à de nouvelles mobilisations contre « cet exécutif corrompu ». « Quelle image pour le pays que celle d'un Premier ministre qui se rend devant un juge pour parler de la corruption présumée de sa femme ! » a-t-il lancé dans les couloirs de la Chambre des députés.
À gauche, on dénonce une « persécution politique intolérable contre la figure de Pedro Sánchez et sa famille ». Pour lutter contre cette « campagne de harcèlement et de démolition », le patron de l'exécutif a esquissé devant les députés les grandes lignes d'un « plan de régénération démocratique », prônant la transparence et luttant contre la désinformation qui, selon lui, « pourrit la société espagnole ». Aux yeux des conservateurs, ce projet, qui sera débattu dans les prochaines semaines au Parlement, ne serait qu'une nouvelle manœuvre pour les museler. L'opposition dénonce également les tentatives de Sánchez pour échapper à la justice. Le dirigeant socialiste vient de demander au juge Peinado de pouvoir répondre par écrit aux questions comme le prévoit la loi. Il peut également faire valoir son droit au silence. C'est ce qu'avait fait Begoña Gómez, considérant que la plainte n'a pas de raison d'être.
