En Russie, Vladimir Poutine menace de livrer des armes à des pays tiers pour frapper les intérêts occidentaux

Par latribune.fr  |   |  1047  mots
Vladimir Poutine a tenu une interview avec une quinzaine d'agences de presse, où il est apparu souriant mais aussi parfois agacé. (Crédits : Valentina Pevtsova)
Le président russe a menacé ce mercredi de livrer des armes à des pays tiers susceptibles de frapper les intérêts occidentaux, si l'Occident autorise l'Ukraine à frapper la Russie avec ses missiles de longue portée. Un droit que demande Kiev de longue date à ses alliés et que certains lui ont accordé, sous conditions, comme l'Allemagne et les États-Unis, quand d'autres, à l'instar de l'Italie, y sont opposés.

Une fois n'est pas coutume, le président russe joue la carte des menaces. Alors que les pays occidentaux sont de plus en plus favorables à autoriser l'Ukraine à utiliser leurs armes pour frapper le territoire russe, sous conditions, Vladimir Poutine s'est dit prêt à répliquer. Et cela prendrait la forme de livraisons d'armes à des pays tiers susceptibles de frapper les intérêts occidentaux. Ainsi, si des missiles de longue portée nécessitant l'assistance de militaires occidentaux étaient tirés à l'avenir contre des cibles en Russie, Moscou riposterait avec ces livraisons.

« Si quelqu'un considère possible de fournir de telles armes dans la zone de combats pour frapper notre territoire (...), pourquoi n'aurions-nous pas le droit de fournir nos armes du même type dans des régions du monde où seront frappées les installations sensibles des pays qui agissent ainsi contre la Russie ? », a lancé ce mercredi Vladimir Poutine, lors d'une interview avec une quinzaine d'agences de presse, dont l'AFP, en marge du Forum économique de Saint-Pétersbourg.

L'Ukraine demande depuis des mois à ses alliés d'accorder à son armée une plus grande liberté pour frapper, avec leurs équipements, des cibles militaires à l'intérieur de la Russie russe et non seulement sur des zones ukrainiennes occupées. Une autorisation qui lui a déjà été accordée la semaine dernière par l'Allemagne et les États-Unis, mais seulement dans le cadre des efforts déployés par les soldats ukrainiens pour repousser les attaques contre sa région de Kharkiv. « Nous continuerons à travailler avec nos alliés sur l'élargissement de son champ d'application », a indiqué en début de semaine le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, assurant ne pas attendre « une autorisation à 100% » et reconnaissant qu' « il y a des règles à respecter ».

Ce sujet divise en tout cas les alliés de Kiev, plusieurs étant réticents à permettre à l'Ukraine de bombarder au-delà de la frontière, de peur que cela ne les rapproche d'un conflit direct avec Moscou. Certains pays de l'Otan, comme l'Italie, restent ainsi opposés à l'utilisation de leurs armes en territoire russe, notamment des missiles longue portée de haute précision.

Lire aussiLa Russie menace de frapper les installations militaires britanniques en Ukraine « et au-delà »

Désinformation sur la présence de militaires occidentaux

Lors de cette discussion d'environ trois heures, pour laquelle il est arrivé avec un retard de plusieurs heures sur l'horaire annoncé, Vladimir Poutine s'est aussi exprimé au sujet des supposés instructeurs militaires occidentaux présents en Ukraine. Pour rappel, la France a récemment annoncé réfléchir à en envoyer pour accélérer la formation des soldats ukrainiens. Mais d'autres pays, dont les États-Unis, ont écarté cette éventualité. Aucun État n'a en tout cas fait état de la présence de ses militaires en Ukraine.

Mais pour le président russe, ils sont bel et bien là. Il a ainsi réaffirmé que des instructeurs militaires occidentaux « se trouvent déjà en Ukraine, et y subissent des pertes ». Pertes sur lesquels « les États-Unis et les États européens préfèrent garder le silence », selon lui. La semaine dernière, il avait déjà assuré la même chose, disant que ces instructeurs étaient présents « sous l'apparence de mercenaires ». Ce mardi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a d'ailleurs indiqué qu' « ils représentent une cible tout à fait légitime pour nos forces armées ».

Poutine prêt à s'asseoir à la table des négociations

Vladimir Poutine a par ailleurs réitéré ses arguments selon lesquels la Russie était disposée à s'asseoir à la table des négociations. Et que le meilleur moyen d'arrêter la guerre était que les Occidentaux « cessent de livrer des armes » à l'Ukraine.

« Fournir des armes à une zone de conflit est toujours une mauvaise chose. Surtout quand les fournisseurs ne se contentent pas de fournir des armes, mais qu'ils les contrôlent. C'est une mesure très grave et très dangereuse », a-t-il encore déclaré, refusant de voir son offensive de février de 2022 comme le facteur central du conflit.

Lire aussiUkraine: l'Italie va envoyer un nouveau système antiaérien, affirme Kiev

Le président russe a refusé de chiffrer les pertes subies par l'armée russe après deux ans et demi de conflit, assurant qu'elles étaient « très inférieures » aux pertes ukrainiennes. « Si l'on parle de pertes irréparables (ndlr : de morts), alors le rapport est de un à cinq » avec les pertes subies côté ukrainien, a-t-il affirmé. Il a assuré que ce rapport était semblable à la différence entre le nombre de prisonniers de chaque camp. Selon lui, la Russie détient actuellement 6.465 soldats ukrainiens, contre 1.348 soldats russes prisonniers en Ukraine.

Depuis le début de l'assaut contre l'Ukraine, en février 2022, de nombreux experts occidentaux parlent de plusieurs dizaines de milliers de soldats russes tués. La BBC et le média russe indépendant Mediazona affirment avoir vérifié la mort d'au moins 50.000 militaires russes.

La Russie se défend « d'ambitions impériales »

Apparaissant souvent souriant pour cet entretien organisé à la veille des festivités marquant le 80e anniversaire du débarquement allié en Normandie, auxquelles la Russie n'a pas été invitée, Vladimir Poutine s'est aussi parfois montré agacé. Comme lorsqu'il a martelé que la Russie n'avait « pas d'ambitions impériales » et ne prévoyait pas d'attaquer l'Otan, en réponse à une question de l'AFP sur la présence des drapeaux de la Russie contemporaine, de la Russie impériale et de l'URSS devant le siège de Gazprom, l'entreprise publique russe d'énergie, où la rencontre avec les journalistes avait lieu. « Ne cherchez pas ce qui n'existe pas (...) ne cherchez pas nos ambitions impériales. Elles n'existent pas », a-t-il déclaré.

« On invente comme quoi la Russie veut attaquer l'Otan (...) Qui a inventé cette absurdité ? Des conneries », s'est emporté Vladimir Poutine.

Reste que la Russie a nié durant des mois préparer une offensive militaire contre l'Ukraine, avant de lancer son assaut le 24 février 2022. Et si le Kremlin dément vouloir recréer son empire perdu, Moscou a déjà annexé cinq régions ukrainiennes, nombre de responsables russes, Vladimir Poutine compris, pointant le fait que celles-ci appartenaient aux empires russes et soviétiques.

(Avec AFP)