Donald Trump les peurs du mâle

Avec Kamala Harris comme nouvelle adversaire, la question des relations du républicain avec le sexe opposé va encore plus se poser. Sa misogynie pourrait le couper de l’électorat féminin.
Donald Trump aux côtés de Melania et Ivanka, lors de la Convention républicaine le 18 juillet. Jusq’alors, l’épouse et la fille du milliardaire étaient les grandes absentes de la campagne.
Donald Trump aux côtés de Melania et Ivanka, lors de la Convention républicaine le 18 juillet. Jusq’alors, l’épouse et la fille du milliardaire étaient les grandes absentes de la campagne. (Crédits : © LTD / Elizabeth Frantz/REUTERS)

La testostérone serait-elle devenue la meilleure ennemie de Donald Trump ? Depuis le retrait de Joe Biden, cette question doit tourner dans les cerveaux des stratèges républicains. Jusqu'à la semaine passée, le choix délibéré d'un Trump (sur) jouant les mâles alpha faisait encore sens : il soulignait l'état de faiblesse du président américain et, en contraste, mettait en lumière la vitalité de son prédécesseur.

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L'irruption de Kamala Harris sur la scène présidentielle a bouleversé cette donne. Désormais, c'est Trump qui, à 78 ans, occupe le rôle du « vieillard » de la campagne. Mais surtout, face à une adversaire féminine, il pourrait payer cher sa misogynie atavique. « Son choix de recourir aux commentaires sexistes et humiliants pourrait effectivement pousser certaines électrices à rallier Kamala Harris », estime Linda Robinson, chercheuse associée au Council on Foreign Relations, à Washington. « En toute logique, le parti devrait réorienter le discours pour éviter de se couper de l'électorat féminin, enchaîne Nadia E. Brown, professeure à l'université de Georgetown, à Washington. Cependant, il paraît peu probable que Donald Trump puisse faire autrement. »

Un super-macho pour qui toute femme osant l'affronter est forcément hystérique

La question cruciale de l'IVG

Ces derniers jours, il n'a montré aucune inclinaison à un quelconque changement. Pis, lors d'un meeting en Caroline du Nord le 24 juillet, il s'est montré d'une rare brutalité à l'endroit de la vice-présidente. Lui qui la moquait déjà pour son rire a passé une heure à la qualifier de « cinglée » et de « folle ». Ce faisant, il s'est enfermé un peu plus dans son image de super-macho pour qui toute femme osant l'affronter est forcément hystérique. « Ce que l'on va sans doute observer dans les prochains mois, c'est un Trump qui va poursuivre ses attaques misogynes et personnelles, mais des cadres du parti vont passer derrière pour modérer ses propos », avance Nadia E. Brown. Pour Linda Robinson, le républicain serait piégé dans ce rôle qu'il s'est assigné : « S'il orientait sa campagne sur des propositions de fond, cela ne correspondrait ni à son image ni au type de spectacle qui permet de galvaniser sa base. »

Sauf que miser sur la fibre masculiniste et extrémiste de l'électorat américain peut être un mauvais calcul quand on sait que les femmes votent davantage que les hommes. En 2020, par exemple, elles avaient été 82,2 millions à se rendre aux urnes, contre 72,5 millions pour les hommes.

Certes, Trump a toujours entretenu une relation compliquée avec le sexe opposé, mais cela ne l'a empêché en 2016 ni d'être élu ni de battre une candidate, en l'occurrence Hillary Clinton. Celui qui se vantait d'« attraper les femmes par la chatte » avait alors convaincu 39 % des électrices américaines de voter pour lui. En 2020, elles furent même 44 % à le soutenir. « L'électrice type de Trump est une femme blanche, plutôt âgée, n'ayant pas fait d'études supérieures et vivant dans des États très conservateurs, le plus souvent en zone périurbaine », décrit Nadia E. Brown.

Si le socle de trumpistes convaincues est toujours là, les derniers sondages indiquent un vrai tassement des intentions de vote des femmes pour Trump, tandis que Kamala Harris aurait encore une marge de progression dans cette frange de la population. Or, l'élection de novembre promet maintenant d'être bien plus serrée que prévu. Pour l'emporter, Trump pourrait être contraint de chasser hors de ses terres ultra-conservatrices. « Les électrices blanches conservatrices modérées et les électrices indépendantes seront l'une des clés de cette élection », prédit Linda Robinson.

Seront-elles seulement prêtes à glisser un bulletin Trump dans les urnes ? Deux raisons au moins pourraient les rebuter. Il y a d'abord la multiplication d'affaires à caractère sexuel qui visent l'ancien tycoon. Le dossier le plus emblématique est celui de Stormy Daniels, cette star du porno que Trump avait payé pour taire leur relation, pour lequel il a été condamné en juin. Le prononcé de la sentence, prévu le 18 septembre, pourrait être une piqûre de rappel pour les électrices.

J.D. Vance tient lui aussi des propos sexistes et dégradants à l'égard des femmes

Linda Robinson, chercheuse

Plus cruciale encore est la question de l'IVG. L'annulation en 2022 par la Cour suprême de l'amendement Roe vs Wade, qui accordait depuis 1973 le droit aux femmes d'avorter dans tout le pays, a eu l'effet d'une bombe pour beaucoup d'Américaines. Depuis, quatorze États ont proscrit l'IVG et six l'ont restreint. Donald Trump s'est bien gardé de dire s'il souhaitait étendre l'interdiction à l'échelle fédérale, mais il est celui qui a nommé certains des juges ayant pris cette décision. A contrario, Kamala Harris, qui s'est beaucoup investie sur la question pendant sa vice-présidence, apparaît comme la garante du droit des femmes à disposer de leur corps. « Beaucoup d'Américaines ne veulent pas voir leurs enfants et petites-filles disposer de moins de droits qu'elles et cela pourrait déterminer leur choix en novembre », affirme Nadia E. Brown.

« Femme à chat »

S'il avait voulu rééquilibrer le positionnement du parti sur le sujet, Trump aurait dû se choisir un autre colistier, car J.D. Vance est parfaitement aligné sur les idées du patron. « Il tient lui aussi des propos sexistes et dégradants à l'égard des femmes, sur leur rôle dans le marché du travail et le droit à l'avortement », souligne Linda Robinson. Cette semaine a été exhumée une interview de 2021 où il dépeignait Kamala Harris, qui n'a pas eu d'enfants, « à une femme à chat malheureuse sans enfants » qui n'aurait pour but que de « rendre le pays aussi malheureux » qu'elle. Des propos qui ont scandalisé une partie du pays.

Trump ne pourra pas davantage compter sur les femmes de sa vie pour redorer son image. Si sa fille Lara est impliquée dans la campagne, Ivanka, elle, s'est retirée de la vie politique. Quant à Melania, elle est aux abonnées absentes. Invisible depuis des mois, l'ex-première dame est quand même venue à la Convention républicaine la semaine passée. Mais contrairement à la coutume qui veut que l'épouse du candidat s'adresse à la foule, l'ancienne top-modèle est passée telle une ombre devant le micro. Certains tabloïds américains expliquent que sa relation avec son mari ne serait plus que contractuelle. « La place qu'elle occupe renvoie en tout cas au rôle que Trump assigne aux femmes autour de lui : elles ne sont que de simples personnages », attaque Nadia E. Brown. Pas sûr que les électrices américaines se contentent, elles, de jouer ainsi les figurantes.

Commentaires 2
à écrit le 28/07/2024 à 10:04
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"Sa misogynie pourrait le couper de l’électorat féminin" il n'y a pas des femmes qui l'apprécient (occupez vous de votre foyer, du confort de votre mari républicain) ? Il parait que la mortalité infantile a beaucoup augmenté aux USA, un bébé né et mo...

à écrit le 28/07/2024 à 8:55
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Il était sûr de gagner contre Bident, Harris rebat totalement les cartes et comme d'habitude aucune possibilité de deviner la future politique américaine ce qui est quand même le plus important puisque empire et guide du monde.

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