Conseil de l'UE : pourquoi la présidence du populiste Viktor Orban inquiète

Lundi prochain, le Premier ministre populiste et conservateur Viktor Orban prend la présidence du Conseil de l'Union européenne pour six mois. Si cette perspective inquiète certains diplomates à Bruxelles, la capacité d’influence de l’homme politique restera limitée. Explications.
Mathieu Viviani
« Environ 40% des décisions voulues par l'UE sur l'Ukraine sont bloquées », s'est agacé fin mai, le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis.
« Environ 40% des décisions voulues par l'UE sur l'Ukraine sont bloquées », s'est agacé fin mai, le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis. (Crédits : JOHANNA GERON)

« Make Europe Great Again ». Dans les milieux feutrés de la diplomatie européenne, le slogan officiel de la prochaine présidence tournante du Conseil de l'UE, a fait rire jaune... Son auteur n'est autre que Viktor Orban, le très populiste Premier ministre hongrois. Ce proche de Donald Trump, à qui il a repris la formule (« Make America Great Again », ndlr) devient donc ce lundi 1er juillet, et pour six mois, le président du Conseil de l'Union européenne.

Parmi les trois principales institutions de l'UE, le Conseil de l'UE partage avec le Parlement européen le pouvoir législatif et budgétaire. L'instance réunit les ministres nationaux des 27 Etats membres, et ce, en fonction des sujets (affaires économiques et financières, justice, affaires intérieures, agriculture, pêche, etc). Les chefs d'Etat y participent en fonction des sujets à l'ordre du jour.

Inquiétudes

Si la présidence du conseil de l'UE tourne tous les six mois, les cercles bruxellois ont tout de même exprimé des inquiétudes ces dernières semaines. Le profil populiste et très conservateur de Viktor Orban est une raison évidente. Mais ce sont surtout les positions prises ces derniers mois par les ministres hongrois au sein du conseil, qui crispent les chancelleries des pays à l'Ouest de l'UE. Ukraine, Etat de droit, immigration, tels sont les sujets sur lesquels les membres du gouvernement hongrois ont à plusieurs reprises mis leur veto.

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« Environ 40% des décisions voulues par l'UE sur l'Ukraine sont bloquées », s'agaçait d'ailleurs auprès de l'AFP, fin mai, le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis. Depuis, Budapest a finalement accepté l'ouverture formelle des négociations d'adhésion à l'UE de l'Ukraine, dont le coup d'envoi a été donné cette semaine. Mais sur l'aide militaire de l'UE à l'Ukraine, à hauteur de 6,6 milliards d'euros, la situation est, à ce jour, toujours bloquée par la Hongrie. Et la future présidence hongroise n'a, semble-t-il, aucune intention de lever son veto.

Deux priorités qui font des consensus

Quelles seront les grandes priorités de la présidence hongroise du Conseil de l'UE ? « Celles-ci seront globalement assez classiques », tient à rassurer une source haut placée du ministère des Affaires étrangères. Avant d'ajouter : « Les sujets centraux sont finalement assez proches de la présidence belge, et avant espagnol. Notamment la priorité donnée au renforcement de la compétitivité de l'UE ou encore l'Europe de la Défense ».

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Mais la même source tient quand même à mettre en garde : « Nous restons tout de même vigilants avec la Hongrie et nous l'avons d'ailleurs signifié récemment à des membres de sa diplomatie. En effet, il demeure aujourd'hui de vraies divergences sur certains sujets, comme l'Etat de droit, dont on sait que la Hongrie n'est pas un exemple. »

Élargir l'UE vers les Balkans et agir sur l'immigration

Autre priorité affichée par la Hongrie dans la présentation officielle de son programme : faire avancer les négociations d'adhésion des pays des Balkans occidentaux. Dans les États candidats que souhaite pousser Orban, on trouve d'ailleurs la Serbie, note Elise Bernard, directrice des études de la fondation européenne Robert Schuman.« La Hongrie entretient des liens économiques forts avec ce pays, avec de nombreuses connexions routières et des entreprises frontalières. Une position qui contraste avec le rapport difficile que la Hongrie entretient avec l'Ukraine », précise la chercheuse.

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Dans son programme, la Hongrie souhaite aussi mettre en avant le sujet de l'immigration illégale. « Là-dessus, la position de Viktor Orban ne sera pas aisée non plus », avance Elise Bernard. Mi-mai, les 27 ont voté le pacte européen sur la migration et l'asile, qui prévoit une solidarité obligatoire envers les Etats membres confrontés à une forte pression migratoire. Giorgia Meloni, la cheffe du gouvernement italien, a d'ailleurs fortement poussé ce texte. « Mais la Hongrie, qui partage pourtant une vision du contrôle de l'immigration proche, était vent debout contre ce dispositif », explique l'experte.

Sujet qui fera sûrement plus consensus au sein du Conseil de l'UE : la politique agricole commune (PAC) que Budapest soit davantage centrée sur les agriculteurs, en les plaçant notamment au centre des réflexions sur la future PAC. Avec dans le viseur, cet objectif : la réduction des normes, notamment écologiques.

Capacité d'influence limitée

Si la Hongrie aura la main sur les sujets à mettre à l'agenda du Conseil de l'UE, cela ne veut pas dire que ses positions seront celles qui seront reprises dans les arbitrages finaux. Il n'y a en effet pas d'unanimité au sein de cette instance. Pour qu'une mesure législative soit adoptée au sein de celle-ci, il est nécessaire d'avoir le vote de 15 Etats membres, représentant 65% de la population de l'Union européenne. « Imaginons que la Hongrie souhaite s'opposer à tout. Étant trop isolée politiquement au sein du Conseil, elle n'obtiendra pas le soutien nécessaire ».

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Par ailleurs, pour qu'une présidence de l'UE fonctionne de manière fluide, il est nécessaire d'avoir une Commission européenne et un Parlement européen dans la même dynamique qu'elle. Or, Ursula Von der Leyen, reconduite à la tête de la Commission et issue du Parti populaire européen (PPE), grand gagnant des dernières élections européennes, a montré à plusieurs reprises ses désaccords avec Viktor Orban. « En réalité, la position singulière de la Hongrie ne va pas entraver l'Union européenne car le leadership de la majorité du parlement européen est du côté du PPE », ajoute la source au fait du dossier du Quai d'Orsay.

Enfin, le Fidesz, parti de Viktor Orban n'a toujours pas de groupe au sein du Parlement européen. « C'est une faiblesse, car sans groupe, le parti hongrois aura clairement moins de poids », précise Elise Bernard. Aussi, bien que vainqueur avec 44,4 % des voix en Hongrie, le Fidesz a enregistré son plus mauvais score aux élections européennes, depuis son adhésion à l'UE en 2004, avec seulement 11 sièges.

Les diplomates hongrois bien plus mesurés qu'Orban

L'influence politique de la présidence hongroise semble donc limitée par tous ces facteurs. Mais quid de l'influence médiatique de Viktor Orban, fin stratège en la matière, avec ses déclarations tonitruantes ?

« L'outrance verbale de Viktor Orban est en effet une réalité. Mais au sein de l'équipe diplomatique hongroise, c'est autre chose. Ils ont une approche constructive. Je l'ai observé au fil des années », affirme-t-on au ministère des Affaires étrangères.

Les propos de l'ambassadeur hongrois auprès de l'UE, Balint Odor, qui s'est exprimé mardi, semblent aller dans ce sens : « Ce sera une présidence comme les autres, nous agirons en tant que médiateur impartial ». La preuve par les faits pendant les six prochains mois.

Mathieu Viviani
Commentaires 9
à écrit le 29/06/2024 à 8:54
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Quand allez-vous expliquer à vos lecteur que la Présidence tournante (tous les 6 mois) du Conseil de l'UE n'est qu'un poste honorifique qui permet seulement à celui qui l'occupe pendant un semestre de donner son avis sur la couleur des serviettes lor...

à écrit le 29/06/2024 à 7:34
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Il était inquiétant au tout début puis il a bien prit lui aussi le pognon de l'UE et depuis ne fait plus que gesticuler, un bras pour lever le poing, l'autre pour prendre le fric. C'est ça l'extrême droite, seule Mélonie est intéressante, je me mets ...

à écrit le 28/06/2024 à 21:35
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Nul pays européen a pour vocation d' être l' infirmerie du Monde .. sauf la France !

le 28/06/2024 à 22:14
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Quel rapport avec l'article ? Par ailleurs c'est complètement faux. Renseignez-vous au lieu de répéter bêtement les slogans des politiciens

le 29/06/2024 à 18:45
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@ Heteroi - Un malade, un humain, on le soigne. On soigne bien les animaux! Et pour être gratuitement méchant combien de mémères à leur "toutou" dépensent des fortunes dont elles ne depenseraient pas le centième pour soulager un "migrantus vulgaritu...

le 30/06/2024 à 6:49
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@valbel: le toutou on le choisit, le migrant on li impose. Je suis d accord avec l accueil et la solidarité avec les personnes persécutées mais la gauche a un peu trop pris l habitude d être très généreuse avec l argent des autres. Et la véritable s...

à écrit le 28/06/2024 à 20:09
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Bonjour, bon avant toute chose, l'attitude de Mr Victor Orban n'est pas acceptable... Car sont pays s'est engagée a respecter les critères d'adhésion a l'union européenne.. hors s'est dernier année nous constatons un recule importants sur ce sujets.....

le 28/06/2024 à 22:17
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L'UE n'a que peu de pouvoir de coercition. Il faudrait créer une nouvelle Union Européenne sans la Hongrie, et quitter l'ancienne. On verra comment Orban se débrouille sans le marché commun.

le 30/06/2024 à 6:55
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Imposer des migrants ou imposer des zones lgbt ne fait pas partie des critères d adhésion à ma connaissance, c était certainement pas dans l acquis communautaire lors de leur adhésion. Après la commission veut imposer des choix societaux qui ne sont ...

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