Suppression du Grand Paris, cumul des mandats, nationalisation du périphérique parisien… les pistes choc du rapport Woerth sur la décentralisation

Par latribune.fr  |   |  1309  mots
Le député Eric Woerth a présenté son rapport sur la décentralisation, jeudi 30 mai, à Emmanuel Macron. (Crédits : Reuters)
Missionné par le président Macron en novembre, le député Eric Woerth a présenté jeudi les 51 propositions de son rapport sur la décentralisation. Retour du cumul des mandats, suppression du Grand Paris, modification des règles électorales, réforme de la fiscalité locale... Les propositions de l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy, parfois explosives, devraient être âprement commentées par les partis d'opposition.

C'était un rapport attendu. Le député (Renaissance) Eric Woerth a présenté jeudi les 51 propositions de son rapport sur la décentralisation à Emmanuel Macron, après plusieurs reports liés à la crise en Nouvelle-Calédonie. Parmi celles-ci, certaines pistes ne manqueront pas d'être commentées, à l'instar du retour du cumul député-maire, de la suppression de la métropole du Grand Paris, mais aussi de la baisse de 20% du nombre d'élus municipaux, ou encore de la « nationalisation » du périphérique parisien.

En novembre dernier, le chef de l'Etat avait missionné l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy avec l'objectif « d'apporter plus de clarté à notre organisation territoriale ». Le document y consacre une large part, avec de nombreuses propositions pour mieux répartir les compétences entre communes (logement), départements (aide à domicile, routes, musées) et régions (développement économique, ports maritimes, trains Intercités).

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Réinstaurer le cumul des mandats

Dans son rapport, Eric Woerth prend position sur des sujets sensibles comme le cumul des mandats. Il préconise ainsi de rétablir la possibilité, supprimée depuis 2017, pour tous les députés et sénateurs « d'exercer le mandat de maire, d'adjoint au maire » ou de président d'intercommunalité.

« Les parlementaires doivent être autorisés à exercer la fonction de maire », mais il serait interdit de cumuler la fonction de président d'EPCI (établissement public de coopération intercommunale) avec un département ou une région.

Dans le même registre électoral, le rapport ne supprime pas de strate de collectivités comme demandé par Emmanuel Macron, mais prône la réduction d'environ 20% du nombre d'élus municipaux pour permettre de « mieux les identifier, mieux les rémunérer et mieux les protéger », soit une baisse « de l'ordre de 100.000 élus ». La fusion de deux scrutins locaux est en outre envisagée afin « d'élire lors d'un même scrutin » les conseillers régionaux et départementaux.

Eric Woerth plaide également pour un retour des « conseillers territoriaux » qui remplaceraient les conseillers régionaux et départementaux.  L'élection des conseillers territoriaux - qui remplaceraient conseillers départementaux et régionaux - se ferait lors d'un scrutin cantonal. Chaque binôme candidat dans un canton devrait flécher l'un de ses membres vers le conseil régional. L'un des deux élus « siègerait à la fois à la région et au département » tandis que l'autre « siègerait uniquement au département ».

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Le député Woerth appelle aussi à une hausse des indemnités des élus des communes de moins de 20.000 habitants.

Supprimer le Grand Paris

Le député Woerth propose de « supprimer » la Métropole du Grand Paris, avec l'idée de « faire à terme de l'Ile-de-France une région-métropole ». Ses compétences seraient réparties entre région, département et établissements publics territoriaux transformés en  EPCI de plein exercice. Et les quatre strates d'intercommunalités (communautés de communes, communautés d'agglomérations, communautés urbaines et métropoles) seraient fusionnées.

Par ailleurs, le rapport défend l'idée qu'à Paris, Lyon et Marseille, les maires devraient à l'avenir être désignés « selon le droit commun », donc par « un scrutin de listes à deux tours ». Une proposition qui plaît particulièrement à la majorité présidentielle dans l'optique de conquérir, notamment, la mairie de Paris en 2026.

« Les communes de Paris, Lyon et Marseille doivent pouvoir voter directement sur la liste portée par le candidat à la mairie de leur choix, en plus du scrutin d'arrondissement ou de secteur », peut-on lire dans le rapport Woerth.

Concernant la métropole de Lyon, créée en 2015, elle n'aurait plus de clause générale de compétence, sa gouvernance étant « remise en cause par la grande majorité des maires qui ne s'estiment pas suffisamment associés ».

Celle d'Aix-Marseille-Provence, qui apparaît « dans une impasse autant politique que financière », serait conservée mais se verrait retirer la gestion de proximité qu'elle doit déléguer aux communes (voirie, collecte et traitement des déchets).

Le rapport ne propose pas de retour d'une région Alsace, mais la Collectivité européenne d'Alsace pourrait se voir transférer des compétences comme les lycées.

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Nationaliser le périphérique parisien

Un autre point potentiellement conflictuel vise le boulevard périphérique de la capitale, actuellement géré par la Ville de Paris et que le rapport recommande de « nationaliser ».

Le député Woerth propose de « nationaliser le périphérique parisien pour mettre en cohérence la gestion des axes routiers stratégiques en Ile-de-France ».

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Logement : donner de nouvelles compétences aux maires

Le rapport émet l'idée que les communes et intercommunalités se verraient confier des nouvelles compétences en matière de politique du logement « dont les aides à la rénovation énergétique ». Le maire serait mieux associé à la prise de décision au sein des intercommunalités. Et ce, alors que le secteur du logement vit ces derniers mois une crise sans précédent.

A l'échelon départemental, un« service départemental des solidarités », présidé par le président du conseil départemental, serait créé et bénéficierait de « financements sanctuarisés en échange d'objectifs de qualité à atteindre ».

Les routes aux départements, les ports et aéroports aux régions

Déjà gestionnaires de 380.000 kilomètres de routes, les départements se verraient transférer « l'ensemble des routes nationales non concédées », à savoir 8.000 kilomètres. Ils interviendraient également davantage dans la gestion de l'eau et l'adaptation au changement climatique, en particulier pour l'agriculture. Les musées de l'Etat seraient également transférés aux départements.

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 Du côté des régions, Eric Woerth souhaite que la gestion de certains grands ports maritimes, l'ensemble des aéroports départementaux ainsi que les Intercités, aujourd'hui gérés par l'Etat, leur soit transférée.

Pas de nouvel impôt local

Le rapport ne propose pas de créer un nouvel impôt local mais « d'ancrer dans la loi organique le partage de la fiscalité nationale entre l'État et les collectivités territoriales » en donnant aux collectivités un pouvoir de taux.

La trajectoire des recettes serait « prévue dans une loi de simplification et d'orientation votée en début de mandature ».

Afin de « mettre en cohérence la nature des recettes avec les politiques publiques », les communes et intercommunalités se verraient attribuer la « quasi totalité de la fiscalité foncière », dont les « frais de notaire ».

Par ailleurs, les départements bénéficieraient d'une « importante dotation de solidarité », destinée à « couvrir plus de la moitié de leurs dépenses sociales obligatoires », et d'une part de CSG. Plusieurs impôts locaux avec pouvoir de taux leur seraient par ailleurs attribués.

La région bénéficierait quant à elle d'une fiscalité économique « plus marquée » avec une fraction d'impôt sur les sociétés et la moitié de la cotisation foncière des entreprises avec pouvoir de taux.

Le rapport préconise aussi une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), laquelle a tant fait polémique ces dernières années. Et une dotation unique d'investissement fusionnerait toutes les dotations existantes.

A noter enfin, que la gestion de la fonction publique territoriale serait « décidée par les employeurs territoriaux » qui pourraient décider de l'évolution du point d'indice.

(Avec AFP)