Réforme de l'assurance chômage  : « le gouvernement fait la poche des chômeurs », déplore la CFDT

Par latribune.fr  |   |  1036  mots
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, « le durcissement des règles d'assurance chômage n'a jamais créé des emplois ». (Crédits : DR)
La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, a exprimé mardi sa « colère » face au nouveau tour de vis gouvernemental sur l'assurance chômage. Elle dénonce une réforme « uniquement budgétaire » qui va faire « la poche des chômeurs ».

Durée d'indemnisation réduite à 15 mois, nécessité d'avoir travaillé huit mois sur les 20 mois pour être indemnisé, contre six aujourd'hui, « bonus emploi senior »... Les modalités du durcissement des règles pour bénéficier de l'assurance chômage, dévoilées par Gabriel Attal dans La Tribune Dimanche, n'en finissent pas de déclencher des réactions hostiles.

Dernière en date, celle de Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, qui, ce matin, sur RMC/BFMTV, n'avait pas de mots assez durs pour qualifier la réforme.

« L'assurance chômage, ça existe depuis 1958, on a toujours agi en responsabilité et aujourd'hui on assiste à un détricotage en règle d'un certain nombre de protections. Je suis en colère car je trouve honteux que le gouvernement se cache derrière le plein emploi pour faire une réforme purement budgétaire », a déclaré la responsable syndicale.

Le gouvernement fait « la poche des chômeurs »

« Le gouvernement a regardé son tableur Excel, mis les curseurs là où il pouvait dégager un maximum de milliards d'euros », a ajouté Marylise Léon, accusant le gouvernement de faire « la poche des chômeurs ». Le régime d'assurance chômage est en « excédent depuis 2023 » a-t-elle rappelé.

Comme les autres syndicats, la CFDT fustige l'objectif d'économies de 3,6 milliards d'euros envisagées grâce à cette réforme, la première centrale les jugeant même probablement sous-évaluées. « On nous dit qu'on veut faire une réforme pour aller vers le plein emploi », mais « le durcissement des règles d'assurance chômage n'a jamais créé des emplois », affirme Marylise Léon. Les jeunes seront les premiers affectés selon elle car il faudra huit mois, contre six aujourd'hui, pour rentrer dans le régime d'indemnisation, et les seniors « vont payer leur retour à l'emploi » avec leurs droits. Pour la syndicaliste, il est aussi « purement honteux de considérer que tous les chômeurs sont des profiteurs qui ne recherchent pas d'emploi ».

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Déplorant que le gouvernement n'ait « pas la main qui tremble pour diminuer les droits aux chômeurs », elle a souhaité une « main un peu plus ferme pour demander des comptes aux entreprises » et jugé « incompréhensible que le gouvernement n'aille pas vers une généralisation du bonus-malus ».

Celui-ci adapte les cotisations-chômage des entreprises en fonction de la durée des contrats signés, pour les inciter à garder plus longtemps leurs employés. L'extension envisagée de ce système « est une contrepartie politique » aux autres mesures de la réforme de l'assurance-chômage, a considéré de son côté lundi sur BFM Business le secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Jean-Eudes du Mesnil du Buisson. Cette mesure « n'a servi strictement à rien », a-t-il estimé, s'inquiétant que le bonus-malus puisse désormais viser le secteur médico-social, dont certains métiers difficiles « ont un taux de rotation plus important qu'ailleurs ».

Il a par ailleurs considéré comme « une bonne idée, mais à la moitié du chemin malheureusement » la mesure visant à permettre à un senior au chômage retrouvant un emploi moins bien rémunéré que le précédent de recevoir pendant un an une allocation complétant le nouveau salaire à hauteur de l'ancien. Ce qui « aurait été incitatif », selon lui, aurait été de supprimer les cotisations-chômage payées par l'employeur pour les seniors, sous condition de les garder jusqu'à la date de leur retraite.

Une réunion pour préparer la riposte syndicale

 De plus, aux yeux de Marylise Léon, la comparaison européenne des indemnisations chômage « ne tient pas du tout parce que, quand on veut comparer des systèmes de protection sociale, il faut prendre l'ensemble des éléments ».

Interrogée sur la riposte syndicale, Marylise Léon a évoqué une prochaine réunion des confédérations et d'éventuels « recours juridiques ». FO a déjà promis d'attaquer les futures règles devant le Conseil d'Etat.. « C'est le pire durcissement des conditions d'indemnisation qui soit mis en œuvre depuis toujours. Quand les partenaires sociaux avaient la main, il fallait avoir travaillé quatre mois dans les 28 mois, et là on passe à huit mois dans les 20 », relève Michel Beaugas de FO auprès de l'AFP. « Ca va faire baisser de plus de 15% les demandeurs d'emploi qui entreront dans l'indemnisation chômage, c'est-à-dire qu'on va laisser dans la précarité et la pauvreté des demandeurs d'emploi précaires déjà ».

« C'est vraiment une mesure anti-jeunes », a réagi dimanche Denis Gravouil, le négociateur sur l'assurance chômage de la CGT, pour qui l'absence de décision d'extension sur le bonus-malus montre que « le gouvernement est totalement aligné sur les intérêts du patronat ». Les partis d'opposition sont aussi vent debout contre cette réforme. Gabriel Attal « veut venir piquer de l'argent sur les cotisations pour venir abonder les problèmes de déficit de l'Etat », a fustigé dimanche Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, sur Cnews/Europe 1/Les Echos.

« On nous explique aujourd'hui que c'est une mesure incitative pour relancer l'emploi, alors que la même mesure était présentée comme une nouvelle source d'économies absolument miraculeuse, il y a quelques semaines, c'est nous prendre pour des abrutis », a pointé la tête de liste PS-Place publique Raphaël Glucksmann sur LCI. Pour Jean-Philippe Tanguy, député RN sur RTL/M6/Le Figaro, « Monsieur Attal veut faire une fois plus de la tambouille électorale sur le dos des plus précaires. (...) Ce gouvernement continue à ne pas vouloir s'attaquer aux fraudeurs et veut punir tout le monde ».

« C'est une réforme que la réalité appelle » a promu à l'inverse le chef de file du MoDem, François Bayrou, dans l'émission Questions politiques de France Inter/franceinfo/Le Monde. Pour ce pilier de la majorité présidentielle, des chefs d'entreprise « ne trouvent pas des gens pour travailler » et « quand ils les forment, ils partent le plus vite possible au bout de six mois puisqu'au bout de six mois les droits sont rechargés ».

(Avec AFP)