Malgré le risque politique, la France réussit son émission de dette sans encombre

L'Agence France Trésor a émis jeudi 10,5 milliards d'euros sur les marchés financiers, et les investisseurs ont répondu présents à quelques jours du deuxième tour des élections législatives.
L'Agence France Trésor a émis ce jeudi 10,5 milliards d'euros sur les marchés financiers.
L'Agence France Trésor a émis ce jeudi 10,5 milliards d'euros sur les marchés financiers. (Crédits : ANTONIO BRONIC)

Mission réussie pour l'Agence France Trésor. L'État français a levé de l'argent via quatre emprunts, qui devront être remboursés entre 2033 et 2066, ce qui lui a permis de récupérer 10,5 milliards d'euros, le haut de la fourchette visée, a annoncé cette dernière ce jeudi.

L'opération est habituelle. La France doit lever au minimum 285 milliards d'euros à moyen et long terme en 2024 pour couvrir à la fois le déficit et emprunter pour rembourser les emprunts précédemment émis qui arrivent à échéance.

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Jeudi, les investisseurs ont répondu avec une demande plus de deux fois supérieure à l'offre pour chacun des quatre emprunts, selon le tableau de l'AFT récapitulant l'opération. C'est une proportion en ligne avec des précédents emprunts, même si l'Agence France Trésor ne fait pas de commentaire sur le déroulé.

 « Le rendement attire toujours les investisseurs, c'est une donnée qui ne change pas », expliquait mercredi à l'AFP François Rimeu, stratégiste senior chez Crédit Mutuel AM.

La France a, par exemple, emprunté 3,6 milliards d'euros à rembourser dans 10 ans, au taux de 3,23%. Ce taux est fixe et la France payera des intérêts à ce taux pour cet emprunt quelle que soit l'évolution sur le marché obligataire. Lors du dernier emprunt à cette échéance, en mai, le taux était de 3,03%.

Un contexte politique tendu

La demande des investisseurs pour la dette française est davantage regardée dans le contexte de la dissolution de l'Assemblée nationale. La décision a mis sous pression les taux d'intérêt français, qui se sont fortement écartés de la référence en Europe, le taux allemand, sur le marché obligataire. Pour rappel, le marché obligataire est l'endroit où les investisseurs s'échangent des titres de dettes déjà émis, et qui influence fortement les taux auxquels la France émet ses emprunts.

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Par ailleurs, les incertitudes des investisseurs quant à la politique des banques centrales en Europe et aux États-Unis, ainsi qu'un mouvement de hausse des taux américains après l'avantage pris par Donald Trump lors du récent débat présidentiel américain, ont amené la référence française, le taux à 10 ans, à monter jusqu'à plus de 3,30%. C'est son plus haut niveau depuis novembre. Jeudi, vers 11h20, le taux à 10 ans français sur le marché obligataire tournait autour de 3,27%, en légère hausse par rapport à la veille (3,25%), un mouvement similaire à son équivalent allemand (2,60%).

L'écart entre le taux allemand et le taux français s'est néanmoins nettement réduit depuis le début de semaine, dans le sillage des résultats du premier tour des élections législatives. Alors que l'écart avait atteint 0,84 point de pourcentage vendredi, le plus haut niveau depuis 2012 et la crise de l'euro, il est tombé jeudi à 0,67 point de pourcentage. Il demeure toutefois largement au-dessus de ses niveaux avant la dissolution, inférieurs à 50 points de base.

Autre signe d'apaisement des tensions, la Bourse de Paris rebondit de 2,8% sur la semaine par rapport à sa clôture de vendredi, les investisseurs estimant désormais moins probable la possibilité que le Rassemblement national obtienne la majorité à l'Assemblée nationale.

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Le fardeau de la dette française

Cette émission de dette est d'autant plus un succès que le gouvernement actuel a été pointé du doigt pour sa mauvaise tenue des finances publiques. En effet, après avoir vu sa note souveraine dégradée par l'agence de notation S&P Global Ratings fin mai, la France a été épinglée en juin par la Commission européenne qui a ouvert la voie à une procédure pour déficit public excessif.

D'après les derniers chiffres de l'Insee, la dette publique de la France a grimpé à 110,7% du PIB à la fin du premier trimestre, contre 109,9% (revu en baisse) à la fin de 2023. L'endettement public du pays, qui s'est massivement accru depuis la crise sanitaire, a augmenté de 58,3 milliards d'euros pour atteindre 3.159,7 milliards d'euros, a précisé l'Institut national de la statistique.

Pour réduire la dette et ramener le déficit public sous le seuil européen de 3% du PIB, le gouvernement prévoyait, avant l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin, un effort budgétaire de 20 milliards supplémentaires en 2024, puis encore 20 milliards en 2025.

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Les finances publiques au centre des législatives

Le mauvais état des finances publiques est devenu un des sujets centraux de la campagne des législatives anticipées, où le deuxième tour doit avoir lieu ce dimanche. Les promesses électorales souvent dispendieuses se sont multipliées, de la gauche à l'extrême droite, en passant par le gouvernement.

Jordan Bardella, président du Rassemblement national, compte par exemple lancer un grand audit « chargé de faire la lumière sur les finances publiques et les dérives budgétaires sans précédent du pouvoir sortant ». Les mesures sur le pouvoir d'achat seront financées par des « économies », a-t-il expliqué. Le RN propose notamment la « rationalisation des agences publiques de l'Etat », avec « la suppression des Agences régionales de santé » à l'horizon 2025. Il souhaite également s'appuyer sur la « priorité nationale » pour « réduire la dépense sociale », ou encore « simplifier drastiquement le millefeuille territorial ». Autre source d'économies promise : la privatisation de l'audiovisuel public.

De son côté, le Nouveau Front populaire, qui rassemble plusieurs forces de gauche, a proposé d'enclencher « un cercle vertueux » économique en dévoilant un projet de financement de son programme à l'équilibre, répondant à ses adversaires qui l'accusent de fuite en avant budgétaire. Selon son chiffrage, les dépenses publiques supplémentaires atteindraient 150 milliards d'euros fin 2027 en cas d'élection, pour des recettes évaluées également à 150 milliards d'euros, grâce surtout à une hausse de la fiscalité.

Enfin, le gouvernement a, lui, réitéré son ambition de ramener le déficit public sous le seuil de 3% du PIB en 2027, dans les clous européens.

(Avec AFP)

Commentaires 23
à écrit le 06/07/2024 à 7:13
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La dette, la misère et la mort, des valeurs sûres en nihilisme néolibérale

à écrit le 05/07/2024 à 8:58
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Et le jour où les marchés ne prêtent plus ? On prend l'argent où? Ben dans l'épargne des français Sandrine Rousseau l'a déclaré sur Boursorama et y compris sous la contrainte ! Et quand ne va t on plus vouloir nous prêter ? Quand le gouvernement NFP-...

à écrit le 05/07/2024 à 6:22
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Peu importe, mon choix est fait et il est définitif. Dimanche prochain, je voterai Rassemblement National.

à écrit le 05/07/2024 à 2:08
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"Nos investisseurs" lol. C'est vrai que pour un énarque c'est plus classe. Ces gens sont des génies en empruntant, ce qui veut dire en langage clair, en vendant la France à la découpe. Pour rappel on dit créancier ou usurier et débiteur pour une per...

à écrit le 04/07/2024 à 21:55
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Encore une escroquerie mediaticopolitique dévoilée,qui nous disaient personne ne voudra nous prêter... Même la terre devait s’arrêter de tourner.......j’attends....

à écrit le 04/07/2024 à 20:48
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Une réussite?

à écrit le 04/07/2024 à 19:00
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Bardella veut lancer un audit. Mais sait-il seulement que onze députés RN sont membres (actifs ?) de la Commission des finances ? Et qu'il dispose aussi des rapports de la Cour des Comptes ? Non seulement ce brave gars n'a jamais travaillé en entre...

le 04/07/2024 à 21:08
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Il semble annoncer une grande action de contrôle, même si c'est archi-classique lors de toute alternance, mais le clamer fait (faussement) "sérieux". Les données sont disponibles, mais le bruit est utile. Il faut lui pardonner, il n'est pas une élite...

le 04/07/2024 à 23:21
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Bardella ? Marine le pen ? Ils n ont jamais réellement travaillé .. même pas dans le public dans un service comptable ou de paye ! Ils savent pas ce qu est un bilan ou un compte de résultat … lol déjà qu ils ont reçu du pognon de Poutine et ont dét...

le 04/07/2024 à 23:21
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Bardella ? Marine le pen ? Ils n ont jamais réellement travaillé .. même pas dans le public dans un service comptable ou de paye ! Ils savent pas ce qu est un bilan ou un compte de résultat … lol déjà qu ils ont reçu du pognon de Poutine et ont dét...

le 05/07/2024 à 16:23
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@Ignorance: La Commission des Finances de l'Assemblée Nationale n'a pas été capable de prévenir de l'aggravation du déficit et la Commission des lois d'icelle n'empêche pas le vote de lois qui font lever le sourcil du Conseil Constitutionnel (qui ne ...

à écrit le 04/07/2024 à 18:53
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Avec un déficit primaire de 100 milliards d'euros ,les intérêts de la dette d'un coût annuel de 50 milliards d'euros le montant de la dette de la France ne peut qu'augmenter jusqu'au jour pas si lointain où la France devra faire défaut et alors ce jo...

le 04/07/2024 à 19:46
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Notre pays produit de l'épargne : 6.000 milliards, le double du déficit !!! et quand l'état emprunte les investisseurs institutionnels que sont les banques, assurances et caisses de retraite achètent massivement des oat qui sont ensuite refourguées a...

le 04/07/2024 à 22:06
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Le pire, c'est qu'on endette le pays pour arroser des retraités qui vont essentiellement placer l'argent pour empocher les intérêts, on marche complètement sur la tête!!!

à écrit le 04/07/2024 à 18:01
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Acheter de la dette française, c'est quand même plus secure que d'acheter de la dette Russe...Turque...Argentine . Les investisseurs, il faut bien qu'ils "zinvestissent" et la France est un pays structuré qui sait faire rentrer l'impôt qui sert à pay...

le 04/07/2024 à 20:56
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C'est vous qui vous faites rouler......dans la farine. Ce n'est pas parce qu'il y a des capitaux cherchant à se placer que nous devons vivre au dessus de nos moyens. Nous allons donc travailler pour payer des intérêts sans cesse croissants. Ou se tro...

le 04/07/2024 à 21:18
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@tototiti - Quand vous devez 3000 milliards à un "banquier", son intérêt est que vous continuiez longtemps à leur payer des "interets". Le capital prêté n'est pas sa principale préoccupation parce que le "banquier" sait que l'argent est créé ex nihil...

le 04/07/2024 à 22:14
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@Tototiti : la logique consiste à acheter le vote des retraités, mais ceux-ci se sont montrés bien ingrats alors que Macron avait pourtant mis les plats dans les grands pour euxcar Macron n'avait pourtant pas lésiné ces derniers mois. Rendez-cous com...

à écrit le 04/07/2024 à 16:59
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Le problème, ce n'est pas le manque de créanciers , mais le fait que notre impossibilité de payer les intérêts commence à se faire sentir. Plus de 50 milliards actuellement et 74 milliards bientôt, alors que notre déficit avant paiement des intérêts ...

le 04/07/2024 à 22:23
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Oui, mais au moins tout le monde en profite alors que la politique de la Macronie est aussi délirante et en plus elle est injuste car elle consiste à détruire la carrière des générations montantes pour arroser des électeurs de plus de 70 ans, dite au...

à écrit le 04/07/2024 à 14:48
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Si les prêteurs se pressent au portillon, pourquoi ne pas mettre aux enchères quelques emprunts supplémentaires en faisant pression sur le taux d'intérêt? Je vois notre dette se réduire en peu de temps.

le 04/07/2024 à 21:22
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@Henry - Il faut que chacun trouve son compte dans un subtil équilibre.

le 05/07/2024 à 1:20
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@Valbel89 : vous avez tout dit en parlant de "subtil équilibre" car s'il y a une tendance à l'immobilisme, c'est que le modèle de croissance adopté au temps de VGE a engendré tout un tissu de dépendances croisées rendant hasardeuse toute réforme alla...

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