En pleine incertitude, le rebond en trompe-l'oeil du moral des patrons français

EXCLUSIF - L'optimisme des chefs d'entreprise a rebondi, passant de 82 points à 84 points au mois de juillet, révèle la dernière Grande consultation des entrepreneurs (GCE) pour CCI France, La Tribune et LCI. Derrière ce léger sursaut, les dirigeants demeurent angoissés sur la viabilité de leur entreprise (56%, +7 points). Malgré un ralentissement, l'inflation continue de miner le moral des milieux patronaux. Attentistes sur la situation politique, les chefs d'entreprise sont inquiets sur l'investissement et l'emploi.
Grégoire Normand
Le quartier d'affaires de la Défense à Paris.
Le quartier d'affaires de la Défense à Paris. (Crédits : Reuters)

L'instabilité politique donne des sueurs froides aux économistes. Après la décision fracassante d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale en juin, les indicateurs du moral des chefs d'entreprise ont pour la plupart plongé brutalement. Les dernières enquêtes sur le climat des affaires menées par l'Insee montrent d'ailleurs la fébrilité des chefs d'entreprise dans les services et l'industrie. L'indice est tombé à un niveau inédit depuis 2021. Dans les milieux économiques et financiers, l'inquiétude se propage à grande vitesse. « La conjoncture est résiliente mais les indicateurs d'incertitude sont remontés. Les entreprises sont inquiètes sur l'investissement et l'emploi », confiait un ancien grand patron d'une grande banque française, il y a quelques jours.

À rebours des récents indicateurs, la Grande consultation des entrepreneurs menée par OpinionWay pour CCI France, La Tribune et LCI dresse un tableau plus favorable de l'économie tricolore. Après avoir chuté en juin (-9 points), l'indicateur de l'optimisme a légèrement rebondi en juillet, après les résultats des législatives. « Le moral connaît un regain de deux points (84 points contre 82 en juin) mais on est loin des 100 points de longue période », nuance Alain Di Crescenco, président de CCI France, contacté par La Tribune« C'est une correction par rapport à la sanction de juin », ajoute l'entrepreneur. Pour rappel, l'enquête a été menée entre les 8 et 16 juillet, juste après le second tour du scrutin.

Les dirigeants plus confiants dans les perspectives économiques....

Interrogés sur les perspectives de l'économie française, les chefs d'entreprise sont plus nombreux en proportion (22% contre 19%) à être optimistes en juillet par rapport à juin. Dans l'industrie, près d'un quart des dirigeants sont optimistes (26%). Viennent ensuite les directions du commerce (24%) et des services (21%). En revanche, la construction (19%) continue de plonger dans le rouge. Frappé de plein fouet par la guerre en Ukraine et la remontée des taux, le secteur peine à sortir du marasme. Les carnets de commande sont en berne et les défaillances se multiplient avec des effets en cascade.

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S'agissant de l'économie mondiale, les chefs d'entreprise sont également plus optimistes. 29% des dirigeants interrogés sont plus confiants dans les perspectives de l'activité planétaire. C'est 4 points de plus qu'en juin. Dans l'industrie (31%) et les services (30%), les répondants sont les plus confiants. Quant au commerce (27%) et à la construction (26%), le moral est moins élevé.  A l'opposé, les entrepreneurs sont légèrement moins confiants dans l'avenir de leur entreprise qu'en juin (66% VS 67%). «Ce n'est pas très bon », prévient Alain Di Creszenco.

...mais ils sont angoissées sur la viabilité de leurs entreprise

En dépit du léger sursaut de l'indicateur d'optimisme, les entrepreneurs ont exprimé des inquiétudes sur la viabilité de leur société. Pressées par l'envolée des prix de l'énergie et ceux des matières premières, les entreprises ont payé un lourd tribut depuis la guerre en Ukraine. Les boucliers tarifaires ont certes permis de limiter la casse mais la fermeture progressive du robinet des aides a remis la pression sur les entreprises déjà fragilisées par les longues années de crise sanitaire.

Après avoir atteint des sommets, l'inflation a  ralenti ces derniers mois mais elle continue d'inquiéter les milieux dirigeants. 56% des directions interrogées disent que l'inflation pourrait avoir des conséquences sur la viabilité de leur entreprise. C'est 7 points de plus qu'en juin. La construction (59%), l'industrie (57%) et le commerce (58%) sont en première ligne face à cette pression des prix. Derrière ces résultats, il faut comprendre que les dirigeants ont des difficultés « pour répercuter les marges sur les prix de vente », note Alain Di Crescenzo. En juin dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a commencé à baisser ses taux après un durcissement inédit de sa politique monétaire depuis la création de la zone euro en 1999. Cet assouplissement monétaire devrait redonner du souffle à la demande si une politique budgétaire très restrictive ne vient pas comprimer trop sévèrement les carnets de commande des entreprises.

L'autre signe de vigilance concerne « les charges ». La proportion d'entreprises attentives aux charges a grimpé de trois points entre juin et juillet pour s'établir à 86%. « C'est un record », alerte le président du réseau des chambres de commerce. L'entrepreneur affirme qu'il y a « un attentisme encore plus important ». « L'économie française ne va pas bien », poursuit Alain Di Crescenzo. « Attention tout cela est très fragile ». Reste à savoir si la situation politique française va se clarifier après les Jeux Olympiques.

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Méthode : Étude réalisée auprès d'un échantillon de 1.017 dirigeants d'entreprises comptant au moins un salarié. La représentativité de l'échantillon a été assurée par un redressement selon le secteur d'activité et la taille, après stratification par région d'implantation. Les interviews ont eu lieu du 8 au 16 juillet 2024, après les élections
législatives anticipées.

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 27/07/2024 à 14:12
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Je n'ai jamais lu une seule fois que les patrons avaient le moral , tout ce qu'ils savent faire c'est demander les abattements de charges, des aides , des subventions et au moindre aléa ils vont se réfugier dans le giron de l'état qu'ils ne manquent ...

à écrit le 26/07/2024 à 10:32
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A mon petit niveau j'ai décidé de reporter à..... 2 projets pour un montant estimé à 21k€. Je ne vois pas un avenir serein pour la France. Je vois une économie qui décrochera.

le 26/07/2024 à 15:22
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Ah, ah, la France ne vas pas s'en remettre :-)

le 27/07/2024 à 14:16
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Avec un peu d'imagination et d'énergie plutôt que de vous lamenter ; ce qu'on appelle l'esprit d'entreprendre vos projets aboutiraient à n'en pas douter et ne vous bercez pas d'illusions vous ne ferez pas mieux ailleurs !!

le 28/07/2024 à 11:39
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@Pas de demain joyeux "2 projets pour un montant estimé à 21kE" Trop dure la vie d'un sans-dent incapable de se payer 2 Twizy dont la production a été mise à l'arrêt en septembre 2023...

à écrit le 26/07/2024 à 7:46
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"les chefs d'entreprise sont inquiets sur l'investissement et l'emploi" Oui mais ce n'est pas conjoncturel, avec une marge bénéficiaire sans cesse en augmentation, les salariés et l'investissement en sont forcément impactés. L'engeance est structurel...

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