Déficit excessif : la France dans le viseur de la Commission européenne

La Commission européenne s'apprête à dévoiler la liste des pays en infraction budgétaire ce mercredi 19 juin. Dans la ligne de mire de Bruxelles, la France risque de se faire taper sur les doigts après le retour des règles du pacte de stabilité. Un coup dur pour l'exécutif en pleine campagne des législatives.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

Les mauvaises nouvelles continuent de pleuvoir sur le gouvernement. Après la dégradation de la note de crédit de la France par l'agence Standard and Poor's, c'est au tour de la Commission européenne de dévoiler ce mercredi 19 juin sa liste des pays en infraction pour déficit excessif. Dans le viseur des instances bruxelloises, la France ne devrait pas échapper à cette procédure. Avec une dizaine d'autres pays, l'Hexagone fait partie des mauvais élèves de l'Union européenne pour avoir dépassé les 3% de déficit en 2023. « La France va être mise en procédure de déficit excessif », prévoit Christopher Dembick, économiste chez Pictet Asset Management. « Le déficit pour 2024 a été révisé à 5,1% au printemps par le gouvernement mais cela reste optimiste. L'effort budgétaire à accomplir en fin d'année est de 10 à 15 milliards d'euros et de 20 à 25 milliards d'euros l'année prochaine. Cet effort sera sans doute supérieur à la période 2010-2013 »À l'époque, l'Europe s'était engagée dans une cure d'austérité particulièrement brutale. Les pays du Sud avaient payé un lourd tribut en pleine crise des dettes souveraines.

Peu de risque d'application des sanctions

Une semaine à peine après l'annonce tonitruante de la dissolution de l'Assemblée nationale et la claque des Européennes, la majorité présidentielle se retrouve prise en étau entre un bloc de gauche (le Front populaire) et un bloc de droite (RN et une partie de LR) déterminé à prendre le maximum de sièges au Palais Bourbon. Consciente des risques de cette annonce, la Commission européenne devrait être particulièrement souple sur l'application des sanctions. Le Pacte de stabilité prévoit en principe des sanctions financières à hauteur de 0,1% du PIB par an pour les pays qui ne mettront pas en oeuvre les corrections imposées. Elles s'élèveraient par exemple à près de 2,5 milliards d'euros pour la France.

Pour rappel, ces punitions sont rarement appliquées aux pays pour ne pas les plonger dans une situation encore plus chaotique. « Je pense que cette décision sera un non-événement à court-terme », souligne Christopher Dembick interrogé par La Tribune. « Il y a aura relativement peu d'effet à attendre de ces sanctions », ajoute Bruno De Moura Fernandes, économiste chez Coface. En revanche, cette décision signifie « qu'il faudra s'attaquer au sujet de la dette à moyen terme. Il faudra prendre ce sujet à bras le corps après les élections législatives », poursuit Christopher Dembick. Déjà la semaine dernière, le Sénat a dévoilé un rapport au vitriol sur les méthodes budgétaires du gouvernement. À la suite du déficit plus élevé que prévu en 2023 à 5,5% au lieu de 4,9%, les parlementaires de l'opposition ont fait des contrôles à Bercy pour tenter d'y voir plus clair et tenter d'obtenir un budget rectificatif pour 2024, mais sans succès.

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Pacte de stabilité : nouvelles règles

Les annonces de la Commission européenne interviennent après l'adoption des nouvelles règles du Pacte de stabilité. Mises sur pause pendant la pandémie et la guerre en Ukraine, les règles des traités européens ont fait leur grand retour avec quelques modifications. Les règles européennes imposent désormais aux pays en déficit excessif une réduction minimum du déficit public de 0,5 point par an, ce qui suppose un effort de rigueur budgétaire massif.

Les nouvelles règles prennent en compte la situation budgétaire de chaque pays. Ce changement permet aux Etats de proposer une trajectoire de rétablissement des comptes publics plus réaliste. Et la Commission doit désormais prendre en compte les efforts d'investissements des Etats en faveur de la transition écologique. Mais compte tenu des prévisions de croissance moroses, le pari du gouvernement français de faire campagne sur « le sérieux budgétaire » est risqué après le marasme du printemps.

Croissance 2025 révisée à la baisse

Dans ses dernières prévisions, la Banque de France a révisé à la baisse son chiffre de croissance du PIB à 1,2% contre 1,5% en 2025. Les coupes budgétaires et les prix de l'énergie plus élevés que prévus ont amené les conjoncturistes à noircir leurs projections. Quant à la zone euro, les perspectives sont loin d'être favorables. « Nos prévisions pointent vers une légère progression de la croissance, voire une stabilisation », déclare Bruno De Moura Fernandes.

La Banque centrale européenne (BCE) a certes commencé à baisser ses taux après un tour de vis inédit depuis 2022. Mais les Etats doivent à la fois financer des plans d'investissement massifs pour la transition écologique ou la Défense et appuyer sur le frein de la dépense publique. Ce qui pourrait amputer la croissance de la zone euro dans les prochains mois. Un coup dur pour la France.

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Finances publiques : l'inconnue des législatives

Au ministère des Finances, les comptables sont plongés dans un épais brouillard. Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, s'est lancé dans la campagne des législatives après avoir entamé des négociations sur les crédits à accorder à chaque ministère. Quant à Bruno Le Maire, il ne s'est pas présenté à la députation en Normandie mais il continue de soutenir les candidats de la majorité. Quelle que soit la majorité au pouvoir après le second tour en juillet, le nouveau gouvernement aura peu de marges de manoeuvre budgétaires.

Les différents blocs ont déjà présenté les grandes lignes de leur programme économique mais rien ne semble gravé dans le marbre à l'instar du Rassemblement national ou du Front populaire sur les retraites. « Les alliances et les programmes sont en cours de construction. On attend de voir quelles seront véritablement les mesures mises  en place », affirme Bruno De Moura Fernandes. En cas de cohabitation, les risques de paralysie et de difficultés à gouverner pourraient apparaître très rapidement. Réputée pour la stabilité de ses institutions, la France pourrait faire face une nouvelle perte de crédit auprès de ses créanciers. Un scénario qui affaiblirait incontestablement l'Hexagone sur la scène internationale.

Grégoire Normand
Commentaires 32
à écrit le 19/06/2024 à 12:30
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@La Tribune. Encore un de mes posts qui ne franchit pas la modération? [Ma réplique étoffée à Raisonnable]😤

à écrit le 19/06/2024 à 10:34
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Nos dirigeants et leurs opposants sont nuls. (alors là marionnette n’hésites pas avec celle là elle marche à tous les coups ! :-)

à écrit le 19/06/2024 à 10:26
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@Raisonnable. Ma réplique suite à votre intervention concernant mon post [En attendant, les Ricains se poilent de rire...] Tout d'abord, en lien direct @ Adieu BCE et @o ont très bien saisi la nature de mon post! Alors est-ce bien "Raisonnable" de cr...

à écrit le 19/06/2024 à 8:34
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Qui a mené le pays à cette situation financière déplorable ? Les "extrêmes", comme les dénonce à l'avance ceux qui gouvernent depuis 7 ans ou ces derniers qui prétendent donner des leçons à leurs opposants ?

le 19/06/2024 à 10:48
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Macron applique rigoureusement la politique de ses prédécesseurs, à ceci près que le clientélisme boomer et de plus en plus systématique du fait du vieillissement et du rétrécissement du socle électoral, le phénomène s'emballant depuis 2015, année ma...

à écrit le 19/06/2024 à 8:26
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Mauvaise note pour Macron.

à écrit le 19/06/2024 à 8:00
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"Déficit excessif : la France dans le viseur de la Commission européenne" Pitoyable, alors que cela devrait être exactement l'inverse: "Déficit excessif: La commission de Bruxelles dans le viseur de la France. Quand allons nous enfin retrouver de la ...

à écrit le 18/06/2024 à 20:26
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Tout cela est sans importance, le Nouveau Front Populaire va inévitablement remporter les prochaines élections législatives avec une majorité confortable et pourra ainsi mettre en oeuvre son programme de rupture avec la capitalisme. Si l'UE et sa co...

à écrit le 18/06/2024 à 19:41
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En attendant, les Ricains se poilent de rire en observant notre Union (boiteuse) sanctionner, vu que l'on contribue largement à financer leur propre déficit via le marché des "Treasuries" (les bonds du Tresor) libellés dans une devise hégémonique. Ou...

le 18/06/2024 à 21:03
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Si on doit maîtriser nos déficits et notre dette, ce n'est pas pour faire plaisir aux Américains, ou à l'Europe, ou aux agences de notation, mais parce que c'est dans notre intérêt ! Ça veut dire moins de prélèvements et plus de croissance . Moins d...

le 18/06/2024 à 21:42
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1. Ils ont le dollar et nous non donc on ne peut faire un dixième de ce qu'ils font 2. Nos déficits financent les dépenses courantes et l'assistanat et non l'investissement. Aux usa ce n'est pas le cas et en plus leur productivité augmente alors que...

le 18/06/2024 à 23:04
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@Raisonnable : il est impossible de réduire les dépenses car elles sont le carburant du modèle de croissance adopté au temps de VGE pour enrichir la croissance en emplois, sans quoi une jeunesse massivement sous-employée ferait la révolution comme da...

à écrit le 18/06/2024 à 19:16
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Bonjour. Bon 1 100 miliards de dette en plus ... Et notre pays ne semblent pas mieux fonctionner... Personnellement je trouves la situation tres tres inquietante ... surtout la désinvolture de notre classe dirigente ... Mr macron est le principal ...

le 18/06/2024 à 21:00
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Macron responsable ? Il a hérité de 2500 milliards de dettes, et pendant le covid il n'y avait pas d'autre choix raisonnable que de soutenir l'économie. Il a également entamé plusieurs réformes impopulaires pour faire des économies dans tous les dom...

à écrit le 18/06/2024 à 19:03
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Avez vous ressentie une amélioration de niveau de vie depuis l'entrée de la France dans cette coalition bruxelloise ? Personnellement.. "Non" ! ;-)

le 18/06/2024 à 19:20
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"Avez vous ressentie une amélioration de niveau de vie depuis l'entrée de la France dans cette coalition bruxelloise ?" Oui, beaucoup de suédois viennent couler des jours heureux dans mon village gaulois...

le 18/06/2024 à 20:17
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Pour l'électorat macroniste, ça a été une bringue à tout casser... mais seulement pour lui!

le 18/06/2024 à 21:02
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Qu'est-ce qui vous fait dire que ça n'aurait pas été pire sans l'UE ? Il n'y a qu'à regarder du coté de nos voisins britanniques pour se faire une idée... Moi je reste

à écrit le 18/06/2024 à 19:02
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Tant qu' on ne risque que " de se faire taper sur les doigts " c' est encore PSYCHIQUEMENT supportable par contre les amendes et contraintes de toutes sortes seront plus douloureuses surtout pour ce qui reste de contribuables , mais nos " gestionn...

à écrit le 18/06/2024 à 18:47
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Pendant que nos voisins ont profité des taux bas après 2008 pour remettre leurs comptes publics à flot, nos dirigeants ont fait des baisses d'impôt pour faire "ruisseler" l'économie. Résultat on est dans le rouge et tout le pognon a ruisseler dans le...

le 18/06/2024 à 18:57
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Votre analyse est erronée parce que malgré les prétendues baisses d'impôts, nous avons le taux de prélèvements plus élevé de l'UE avec le Danemark et nos impôts de production sont encore largement supérieures à celles appliqués en Allemagne. La Fran...

le 18/06/2024 à 19:47
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@tartuf. Je vais le redire à nouveau pour ceux qui ne me lisent jamais: La "Trickle-Down Economics" (Théorie du ruissellement) est un leurre idéologique, d'ailleurs elle fut désavouée par l'OCDE et le FMI en 2014/2015. Bien après les avis tranchés de...

le 18/06/2024 à 20:27
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@AdieuBCE : la comparaison en nombre de fonctionnaires n'est pas forcément pertinente car le périmètre n'est pas forcément le même, car en France, il a fallu socialiser certains secteurs car la société rurale français d'avant 1945, c'était le moyen â...

à écrit le 18/06/2024 à 18:33
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Notre président aura enfin réussi à mettre la france sous tutelle, et perdant ainsi toute souveraineté démocratique. Il aura sauvé sa république totalitaire ou toute opposition politique est considérée comme terroriste.

le 18/06/2024 à 19:06
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Notez que si la France est sous tutelle comme l'affirme Bruno Le Maire si les oppositions gagnent, cela signifie que nous ne sommes plus en démocratie vu que le résultat des urnes sera nié et les choix imposés de l'extérieur.

le 18/06/2024 à 21:06
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@Henry Que ferais votre banquier si acheter une Ferrari alors que vous êtes surendetté ? Il prend le contrôle et vend votre maison hypothéquée. Là c'est pareil, ça n'a rien à voir avec la politique. Si on ne peut plus payer, il faut faire ce que dit ...

à écrit le 18/06/2024 à 18:21
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Tant qu'on pourra emprunter pour payer retraites, fonctionnaires, subventions et prestations sociales pour le monde entier aucune reforme dans l'intérêt suprême du pays ne se fera. Les vraies reformes sont très douloureuses à court-terme et des polit...

le 19/06/2024 à 8:43
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Les Sciences Po et les énarques pourraient rebondir et ceux qui auraient le plus à perdre sont surtout des universitaires ayant péniblement décroché une licence ou un master car ils passaient l'essentiel de leurs temps à militer à l'UNEF ou à l'UNI, ...

à écrit le 18/06/2024 à 17:56
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Les trois derniers présidents de la République ont profité de l'euro et du chantage auprès de la banque européenne ,en menaçant les institutions qui leur airaient interdit de dépenser sans compter. Si on en était resté au Franc, il y a longtemps que...

à écrit le 18/06/2024 à 17:53
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Pas de quoi à s'alarmer les magiciens de l'économie Front Populaire, RN, Renaissance LR compte pour du beurre vont nous envoyer à plus sérieux le FMI qui lui ne passera par une taxe mais par imposer ses solutions pour que la France puisse avoir quelq...

le 19/06/2024 à 8:56
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Probable que le FMI dise de tailler dans les retraites car vu l'arriération du privé vivant par ailleurs déjà largement aux crochets de l'Etat, des fonctionnaires qu'on licencierait pour faire des économies et n'ayant pas de piston familial pour rebo...

à écrit le 18/06/2024 à 17:28
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Bah, un nouveau tour de vis contre les salariés du privé (Unedic, Agirc-Arcco), et hop, le tour est joué.

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