![La Banque de France prévoit une croissance entre 0% et 0,1% au second trimestre 2024.](https://static.latribune.fr/full_width/2388864/la-banque-de-france.jpg)
Les secousses risquent de se propager à grande vitesse dans les rouages de l'économie française. Après la victoire de l'extrême droite aux européennes et l'annonce fracassante de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, les inquiétudes grandissent dans les milieux économiques et financiers. Le « spread », c'est-à-dire l'écart des taux entre l'Allemagne (Bund) et la France (OAT) a bondi de plus de 60 points de base depuis depuis ce lundi 10 juin. Et la nervosité sur les marchés est loin de retomber.
En plein marasme budgétaire, le gouvernement n'a pas réussi à convaincre l'agence de notation Standard and Poor's. Les analystes ont dégradé la note de crédit de l'Hexagone de AA à AA- le 31 mai dernier. Dans ce contexte dégradé, la Banque de France a maintenu sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2024 à 0,8%, soit un niveau inférieur à celle du gouvernement (1%). En revanche, l'activité devrait accélérer moins vite que prévu en 2025 à 1,2% contre 1,5% précédemment (-0,3%). S'agissant de 2026, la croissance devrait bondir de 1,6% contre 1,7% auparavant (-0,1%). « Notre scénario central est celui d'une sortie de l'inflation sans récession qui permet une reprise de la consommation en 2025 et 2026 », a déclaré Olivier Garnier, directeur général de la Banque de France, lors d'un point presse.
Avec ce nouveau scénario plus sombre qu'auparavant, le pari du gouvernement de revenir sous les 3% de déficit de 2027 devient encore plus difficile à tenir.
Précision importante, la Banque de France a arrêté ses prévisions macroéconomiques au 22 mai dernier. Compte tenu du climat politique actuel et des aléas qui planent au-dessus de l'économie, les conjoncturistes pourraient être amenés à encore réviser leurs projections. Mais le directeur général n'avait « aucun commentaire à faire » sur les aléas politiques.
Les prix de l'énergie et la rigueur budgétaire pèsent sur la croissance
Pourquoi la Banque de France a-t-elle noircit ses prévisions ? « Une partie de la révision est liée aux hypothèses des prix de l'énergie. Les prévisions des prix de l'énergie sont revues à la hausse », explique Olivier Garnier. L'indice général des prix à la consommation a certes marqué le pas en 2023 et devrait continuer à ralentir en 2024 et 2025 mais « des à-coups sur l'énergie » sont anticipés en raison d'effets de base par rapport à 2023.
L'autre facteur qui pèse est la rigueur budgétaire. Pressé par un déficit plus élevé que prévu à 5,5% du PIB au lieu de 4,9% en 2023, le gouvernement a annoncé une salve d'économies de 20 milliards d'économies en 2024 et au moins 20 milliards d'euros en 2025. « Sur 2024, on a pris en compte les mesures déjà annoncées. Et pour 2025 et 2026, on a pris un ajustement structurel primaire de 0,6 point de PIB », a expliqué à La Tribune, Olivier Garnier. Or, dans le programme de stabilité, les mesures sont évaluées à « 0,8% de PIB en 2024, 1,2% en 2025 et 0,6% de PIB ». Ce qui signifie que la panoplie des mesures prises en compte par la Banque de France est moins importante que celle de Bercy envoyée aux instances bruxelloises. Autant dire que cette politique budgétaire restrictive pourrait encore venir assombrir les chiffres de croissance si ces mesures sont appliquées.
Baisse de l'emploi et hausse du chômage à prévoir en 2025
Sur le front de l'emploi, les indicateurs sont loin d'être au vert. Après avoir augmenté plus vite que l'activité, l'emploi devrait marquer le pas dans les trimestres à venir. La Banque de France prévoit un repli à partir du troisième trimestre 2024 et jusqu'à fin 2025. L'emploi « serait affecté mis en retard par le ralentissement de l'activité et par le rétablissement partiel des pertes de productivité observées depuis la période Covid », expliquent les économistes dans leur bulletin. Au lendemain de la crise sanitaire, la productivité a chuté lourdement en France.
Les économistes ont avancé plusieurs facteurs comme l'embauche de main-d'oeuvre moins qualifiée pour pallier aux difficultés de recrutement mais aussi l'embauche massive d'apprentis. Concernant le chômage, il devrait augmenter jusqu'en 2025 pour atteindre 7,9% de la population active contre 7,8% auparavant. Après avoir atteint un point bas en 2022 à 7,1%, le taux de chômage au sens du Bureau international du Travail a grimpé progressivement pour retrouver son niveau de 2019, à l'exception de la période Covid.
Consommation : la grande inconnue du taux d'épargne
Traditionnel moteur de l'économie française, la consommation est toujours à la peine. Au premier trimestre, la Banque de France a fortement révisé à la baisse sa prévision à 0,1% contre 0,4% auparavant. Mais le ralentissement de l'inflation et la baisse des taux confirmée par la Banque centrale européenne (BCE) devraient redonner du souffle aux ménages modestes ayant la plus forte propension à consommer.
Les conjoncturistes estiment même que la consommation redeviendrait « le premier moteur de la croissance » en 2024. « La reprise est d'abord tirée par la consommation des ménages dans le contexte d'une moindre inflation qui tire le pouvoir d'achat », souligne Olivier Garnier. Concernant les aléas, le taux d'épargne (17,6%) demeure encore « significativement » au-dessus (+3 points) de la période pré-Covid .« Le repli du taux d'épargne reste très graduel », indique Olivier Garnier. Compte tenu des incertitudes politiques et des nombreux aléas géopolitiques, les ménages pourraient continuer de garder leur bas de laine pendant encore un long moment.