Congé maternité : les femmes cadres dénoncent un frein à leur carrière

Par Margot Ruault  |   |  817  mots
Alors que les femmes représentent aujourd'hui 40% de la population des cadres, soit 10 points de plus qu'en 2005, les inégalités de genres persistent au sein de ce statut. (Crédits : Reuters)
Les femmes éprouvent de nombreuses difficultés à leur retour de congé maternité. Un constat qui touche également les femmes cadres, d'après une étude de l'Apec. Alors que certaines estiment que leurs entreprises ne préparent pas assez leur reprise au travail, près de 44% d'entre elles ont même des difficultés à retrouver leur place à leur ancien poste.

A l'heure où Emmanuel Macron appelle à un « réarmement démographique » avec les chiffres de la natalité en berne, une femme cadre sur deux éprouve, de son côté, des difficultés et peu d'accompagnement à son retour de congé maternité. C'est en tout cas ce que pointe une étude menée par l'association pour l'emploi des cadres (Apec) ce jeudi, qui mêle enquête qualitative et enquête quantitative sur plus de 12.000 cadres du secteur privé.

Alors que les femmes représentent aujourd'hui 40% de la population des cadres, soit 10 points de plus qu'en 2005, les inégalités de genre persistent au sein de ce statut. Ainsi, à profil et poste équivalent, l'écart salarial est toujours de 7% entre les hommes et les femmes cadres.

« Le retour de congé maternité constitue un moment clé qui a été largement identifié comme une des sources de ces inégalités dans la population générale tout en restant assez peu documenté chez les cadres », pointe l'étude.

Un constat partagé par Clotilde Coron, Professeur des universités à Paris Saclay : « Les cadres sont une population où les inégalités, notamment salariales, sont les plus fortes », de part une réglementation salariale plus faible. Ainsi, le retour de congé maternité pour les cadres est plus difficilement vécu par certaines, d'autant qu'une absence de trois ou quatre mois peut « davantage pénaliser pour les métiers de cadres ». « Comme le temps de travail est moins réglementé, il y a également plus d'attente concernant la disponibilité et le présentéisme des cadres femmes », complète la professeure.

Lire aussiCongé de naissance : pourquoi la parentalité reste un angle mort des politiques publiques

Une place difficile à retrouver

D'après l'étude, les femmes cadres regrettent souvent le manque d'aménagement au sein de leur entreprise comme la « non-prise en compte de leur nouveau statut de mère » ou encore le « peu ou pas d'accompagnement particulier ou de mesures adaptées pour pallier leur absence ». Car certaines continuent même de travailler pendant leur congé à différents niveaux : suivis de mails, de clients, présence à des réunions... Une situation d'autant plus compliquée lorsqu'elles ne sont pas ou mal remplacées durant leur absence, en particulier pour les femmes cadres managers. Dans le détail, seuls 35% des cadres indiquent que les femmes parties en congé maternité sont remplacées systématiquement ou souvent.

Et lorsqu'elles sont remplacées, elles font face à un tout autre risque : celui d'être évincées. Ainsi, 44% des cadres ont des difficultés à retrouver leur place à leur ancien poste. Elles affrontent également d'autres obstacles : 71% ont été confrontées à une charge de travail importante malgré la fatigue, 60% avouent avoir eu du mal à être tout aussi efficace, et 56% ont eu des difficultés à continuer à être considérées comme une cadre engagée dans son travail. Qui plus est, la charge mentale se dégrade pour 71% d'entre elles. Des risques qui s'amplifient en fonction de la durée du congé.

Résultat, 71% des femmes cadres estiment que le retour de congé maternité pourrait être mieux géré par les entreprises, qui n'anticipent pas assez leur retour. L'étude pointe l'absence d'entretien de retour (qui sont obligatoires), des oublis de transmission de nouveaux codes d'accès, le manque de débriefing sur les changements qui ont eu lieu pendant le congé ou encore l'absence de formation sur de nouveaux supports ou logiciels informatiques.

Ainsi, pour la professeure Clotilde Coron, une des solutions résiderait dans l'allongement du congé paternité.

« Si les hommes pouvaient prendre des congés plus longs, cela dédramatiserait la situation pour les femmes », argue-t-elle. Avant de préciser : « Les entreprises devraient alors faire davantage d'efforts pour mieux accompagner les retours s'ils ont plus de salariés qui partent en congé ».

Dans cette dynamique, Emmanuel Macron a annoncé la possible création d'un congé de naissance, mieux rémunéré, pour venir remplacer le congé parental (différent du congé maternel ou paternel). « Une bonne idée mais qui reste insuffisante », estime alors la professeure.

Lire aussiCinq parcours de femmes qui réussissent dans la tech

Un frein à leur carrière

Outre un mauvais accompagnement à leur retour de congé, les femmes cadres sont aussi confrontées à de plus grandes difficultés concernant leur carrière lorsqu'elles deviennent mères. 74% d'entre elles estiment qu'un congé maternité ralentit la progression de carrière pendant plusieurs années. Et pour 78% des mères cadres, une femme qui a des enfants sera freinée dans son évolution professionnelle.

Car si certains en profitent pour donner la priorité à leur vie personnelle, voire changer de profession, pour une majorité de cadres, « la mise en pause de leur carrière est surtout subie », pointe l'étude. De son côté, Clotilde Coron souligne que « dans beaucoup d'entreprises aujourd'hui, il y a encore toujours une forme d'incompatibilité entre la vie familiale et la vie professionnelle ».