Assurance chômage, retraites... : Emmanuel Macron dévoile son cap face au RN et à LFI en vue des prochaines législatives

Par Jean-Victor Semeraro et Margot Ruault  |   |  1586  mots
Emmanuel Macron lors de la conférence de presse ce mercredi, au pavillon Cambon à Paris. (Crédits : Reuters)
Lors d'une conférence de presse très attendue, Emmanuel Macron a appelé ce mercredi au rassemblement des élus et citoyens qui sont « attachés aux valeurs de la République ». Le président a également donné les grandes lignes de son cap politique en vue des législatives anticipées, tout en fustigeant l'extrême droite et l'extrême gauche, et leurs alliances « contre-nature ».

« Je souhaite que se rassemblent pour gouverner ceux qui sont attachés aux valeurs de la République », a lancé Emmanuel Macron ce mercredi 12 juin, au début de sa conférence de presse au pavillon Cambon à Paris.

Après avoir dissous l'Assemblée nationale dimanche dernier et entraîné des élections législatives anticipées, le président s'est prêté à l'exercice de la conférence de presse pour appeler à un « rassemblement » face à la montée de l'extrême droite et de l'extrême gauche.

« Nous ne sommes pas parfaits, nous n'avons pas tout bien fait, mais nous avons des résultats », a-t-il notamment déclaré avant d'appeler tous ceux qui auront « su dire non aux extrêmes et qui veulent bâtir un projet sincère pour le pays ».

Une dissolution nécessaire, selon le président

D'après le chef de l'Etat, la dissolution du Palais Bourbon était nécessaire après la percée de l'extrême droite, lors des élections européennes de ce dimanche 10 juin, pour « clarifier » les choses.

« Le vote de dimanche soir a été clair : les suffrages exprimés ont placé les forces d'extrême droite à 40% et les autres extrêmes à 50%. C'est un fait politique qu'on ne pourrait ignorer », a-t-il précisé en avouant sa « responsabilité » dans l'échec de son camp.

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Mais l'autre raison de cette décision surprenante et historique tiendrait également dans « l'équation parlementaire difficilement tenable ». « Cette situation a rendu l'action moins lisible et ne nous a pas permis de bâtir des coalitions durables », a-t-il jugé, en pointant du doigt l'attitude des députés de La France insoumise (LFI), qui aurait créé « un désordre à l'Assemblée nationale ».

Pour tenter d'aboutir à une majorité, le président de la République a dévoilé un projet en cinq grands axes, autour des volets sécuritaires, économiques, ou encore diplomatiques. « Nous sommes prêts à intégrer les propositions de socio-démocrates ou de la droite gaulliste qui viendraient nourrir cette cohérence (ce projet, ndlr) », a complété le président.

Macron en bataille contre le RN et LFI

Dans l'ensemble de son allocution, le président a affiché plusieurs fois l'unité et la cohérence de son camp face aux alliances, qui sont en train de se mettre en place à gauche et à droite de l'échiquier politique. « Ce sont des bricolages d'appareils, des alliances contre-nature, mais en aucun cas des majorités pour gouverner », selon lui.

Il a principalement fustigé la décision du président des Républicains (LR), Eric Ciotti, de s'allier avec le Rassemblement national (RN), en pointant le manque de cohérence dans leurs deux programmes économiques. « Ils ont un président qui a fait un pacte du diable », a-t-il tancé, en faisant un clin d'œil aux sénateurs et députés LR qui, eux, ne voient pas cette alliance d'un bon œil.

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Et pour cause, Eric Ciotti est menacé d'être exclu du parti qu'il préside. Dans une position délicate, le président des LR a indiqué qu'il ne participera pas au bureau politique décisif des Républicains, ce mercredi après-midi, organisé par des cadres qui souhaitent sa destitution. Une réunion organisée d'après lui « en violation flagrante (des) statuts » et sans « aucune valeur juridique ».

Emmanuel Macron a insisté sur sa volonté de ne pas voir le RN arriver au gouvernement. « Je ne veux pas donner les clés du pouvoir à l'extrême droite en 2027 », a assuré le chef de l'État, qui a par ailleurs exclu un débat avec Marine Le Pen, avant les législatives. D'après lui, le RN ne répondra pas aux problèmes de l'insécurité ou encore de pouvoir d'achat. « Le RN va vous appauvrir », s'est-il exclamé.

Le président n'a pas non plus mâché ses mots à l'encontre de l'opposition de gauche : « L'alliance de la gauche n'est pas baroque, elle est indécente. Léon Blum doit se retourner dans sa tombe en pensant que l'on a fait une alliance électorale qui permettra de donner 300 circonscriptions à LFI ». Il a également reproché au parti d'extrême gauche son « antisémitisme » et « antiparlementarisme ».

Les retraites resteront « bien indexées sur l'inflation »

Ces derniers mois, le plan d'économies de 20 milliards d'euros annoncé par le gouvernement, et prévu dans le projet de loi de finances pour 2025, a beaucoup inquiété les 17 millions de retraités que compte l'Hexagone. Verront-ils leurs pensions de retraite désindexées de l'inflation en 2025 ?

Et donc, perdront-ils du pouvoir d'achat ? Le président de la République s'est montré ferme dans sa réponse : « Je vais être très clair : les retraites seront bien indexées sur l'inflation, le pouvoir d'achat des retraités ce n'est pas une variable d'ajustement », a-t-il martelé face à la presse.

Pas d'agenda caché se justifie Macron

Le chef de l'Etat a voulu couper court à une rumeur, notamment relayée par le Rassemblement national, qui laisserait entendre que le gouvernement aurait « un agenda caché » sur le sujet des retraites. Mais cet engagement d'Emmanuel Macron de maintenir l'indexation des retraites sur l'inflation ne sera pas indolore sur les finances publiques : il a coûté environ 15 milliards d'euros en 2024, comme le rappelait l'ancien magistrat de la Cour des comptes à La Tribune Dimanche en avril.

L'annonce du président, favorable aux retraités, n'est pas non plus dénuée d'arrière-pensées politiques : dimanche, lors du scrutin européen, 25% des électeurs retraités ont voté pour la liste de la majorité présidentielle conduite par Valérie Hayer, d'après l'étude Elabe commandé par La Tribune.

Macron « assume » la réforme de l'assurance chômage

Concernant la réforme de l'assurance chômage contre laquelle les syndicats s'opposent, à l'instar de la patronne de la CFDT Marylise Léon, Emmanuel Macron n'a pas tergiversé : « Je l'assume. Et je pense qu'il faut continuer sur ce chemin et ce cap. » Mais le chef de l'Etat a néanmoins appelé à en « construire les modalités » après les élections législatives. Le gouvernement pourrait-il assouplir sa réforme ? Rien n'est consolidé, mais un projet de décret du gouvernement est en cours d'examen par le Conseil d'Etat.

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Pour rappel, cette réforme prévoit de durcir l'accès à l'indemnisation des chômeurs. Comme l'a indiqué le Premier ministre Gabriel Attal, à La Tribune Dimanche à la fin mai, « jusqu'ici, il fallait avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers mois pour percevoir une indemnisation. À l'avenir, il faudra avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers ».

Vers une simplification du millefeuille territorial

C'est l'une des annonces surprises de sa prise de parole : le chef de l'Etat a annoncé vouloir « supprimer un échelon territorial » dans le découpage administratif de la France. « Il nous faut déconcentrer beaucoup plus rapidement, mais il faudra supprimer un échelon territorial pour ramener plus de simplicité et de liberté sur les territoires », a préconisé Emmanuel Macron.

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Une autre strate territoriale est dans le viseur du président de la République : les grandes régions issues de la réforme portée par son prédécesseur François Hollande, et mise en place au 1er janvier 2016. Le locataire de l'Elysée veut revenir sur « la question des grandes régions ».

Autant d'annonces qui interviennent quelques jours seulement après la remise par l'ex-ministre Eric Woerth d'un rapport sur la décentralisation commandé par le chef de l'Etat. Un travail qui plaidait plutôt pour mieux « assumer le partage du pouvoir » entre l'Etat et les élus locaux, et qui a, finalement, déçu les élus.

Fin de vie, projet de loi agricole... des textes que le président aimerait voir avancer après les législatives

La dissolution de l'Assemblée nationale a mis en pause le travail du Palais Bourbon, alors que des textes majeurs, comme le projet de loi fin de vie ou le projet de loi agricole, étaient débattus. « Ils étaient attendus, ils sont importants », a commenté laconiquement le chef de l'Etat.

Sur la question du téléphone, Emmanuel Macron s'est prononcé pour une interdiction « avant 11 ans » et des réseaux sociaux « avant 15 ans », dans la ligne du rapport remis au président par une commission d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans.« Tous les experts le disent, l'addiction aux écrans est le terreau de toutes les difficultés : harcèlement, violence, décrochage scolaire », a-t-il déclaré. Avant d'ajouter : « Il faut un âge pour la majorité numérique, ça protège », a-t-il ajouté.

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Le projet d'instaurer une majorité numérique à 15 ans figurait déjà dans le programme de la majorité présidentielle pour les européennes. Mais, l'aspect pratique pour mettre en place une telle mesure reste à définir. L'application au niveau européen pose également question : dans une lettre envoyée mi-août, le commissaire européen Thierry Breton avait notamment reproché au gouvernement d'avoir adopté une loi visant à instaurer une majorité numérique à 15 ans, lui semblant « contredire » le cadre européen.

👉Retrouvez ici notre live de la conférence de presse.

(Avec AFP)