LA TRIBUNE DIMANCHE - Depuis les révélations, d'autres témoignages de victimes vous sont-ils parvenus?
CHRISTOPHE ROBERT - Selon le cabinet Egaé, que nous avons engagé, la grande amplitude des sept témoignages [plus de trente ans] laisse présager que d'autres pourraient nous parvenir. Quand il y a répétition de faits, et c'est le cas, il est probable qu'il y ait d'autres victimes. Vos confrères ont d'ailleurs reçu un nouveau témoignage accablant, rendu public hier. C'est pour continuer ce travail d'écoute que nous avons ouvert une ligne téléphonique et une boîte mail gérés par Egaé. Nous n'avons pas encore de nouveaux retours et déciderons dans quelle mesure nous publierons d'autres informations. Nous continuerons d'œuvrer dans une totale transparence.
Vous attendez-vous à une baisse des dons à la Fondation Abbé Pierre? Y aura-t-il une crise de la solidarité?
Les dons constituent 97% de nos ressources. Cette générosité finance 900 projets par an portés par 500 associations. Aujourd'hui, il est impossible de connaître l'impact qu'auront ces révélations sur le comportement des donateurs. Ce qui est sûr, c'est que depuis plusieurs jours nous recevons des messages de soutien incroyables, je ne m'y attendais pas. La transparence et le soutien aux victimes touchent manifestement du monde.
Cela pourrait donc avoir l'effet inverse?
Je ne sais pas, non, je ne pense pas... enfin... Dans certaines situations que nous avons
connues, comme la baisse de la CSG ou la baisse du pouvoir d'achat, nous avons remarqué que certains ne pouvaient plus faire de dons mais que d'autres, alertés par
l'urgence, commençaient à donner, ce qui entraînait une compensation. Les situations
sont évidemment complètement différentes mais le mécanisme existe.
Tout cela n'enlève rien à la justesse du combat que nous continuerons de mener
Christophe Robert
Vous espérez donc une compensation?
Ce que j'espère surtout, c'est que les gens comprennent qu'il faut séparer l'abbé Pierre
de ce qui a été mis en œuvre depuis des décennies. Évidemment, l'abbé Pierre occupe une place importante dans notre mouvement, mais toute l'action que nous menons voit le jour grâce à nos salariés, nos bénévoles et nos donateurs, et ce n'est pas du fait de l'abbé Pierre. Ce qui est sûr, c'est que tout cela n'enlève rien à la justesse du combat que nous continuerons de mener, et je veux le dire aux mal-logés et aux associations. Nous ne lâcherons rien.
Souhaitez vous que la Fondation Abbé Pierre change de nom?
Nous vivons un tsunami, il y a plusieurs vagues. La première vague est consacrée à
l'attention que nous portons aux victimes. On ne sait pas ce qui va se passer ensuite, mais le moment viendra où la question de l'héritage sera posée. Nous sommes conscients qu'une partie nous incombe et c'est d'ailleurs pour cela que nous avons décidé de porter nous-mêmes ces révélations à la connaissance du grand public.
Que répondez-vous à ceux qui minimisent les faits reprochés à l'abbé Pierre?
J'ai reçu aussi des messages dans ce sens sur les réseaux sociaux. Les faits reprochés sont extrêmement graves, c'est de la violence sexuelle, ça tombe sous le coup de la loi. L'abbé Pierre n'est plus là, il n'y aura pas de contradictoire, mais ça tombe sous le coup de la loi, donc il n'y a pas de question. Nous luttons contre toutes les formes de violence et toutes les exclusions. Donc ceux qui minimisent se trompent. Aujourd'hui, nous sommes en colère, mais solides comme le roc.