Croisières : en Corse, le débat sur les retombées économiques divise

Pollution, sur-fréquentation ou profit économique : face à la polémique récurrente sur les croisières, la CCI de Corse, concessionnaire des ports, a commandé une enquête réalisée auprès des professionnels du secteur qui montre un apport de 27 millions d’euros à l’économie locale. Un résultat satisfaisant mais qui se confronte à la volonté d’accueillir moins de bateaux dans les cités de l'île de Beauté.
(Crédits : DR)

En Méditerranée, la Corse est le passage obligé des bateaux de croisières. Sur 50 armateurs mondiaux, 30 sont présents dans ses ports, Ajaccio en particulier, comme le confirment les prévisions pour l'été 2024 : sur 389 escales attendues, 175 vont s'amarrer à la Cité impériale (62 à Bonifacio, 44 à Calvi, 41 à Bastia...) En 2023, pas moins de 450.000 passagers ont ainsi débarqué dans l'île.

Or, le rebond de l'activité croisières, après deux années de quasi-interruption imposée par la pandémie, a réactivé les protestations et une prise de position du président du Conseil exécutif de Corse en faveur d'une meilleure régulation de ce trafic. La contestation est toutefois antérieure à la crise sanitaire. Depuis plusieurs années déjà, les associations écologistes et les Corses rétifs au tourisme de masse venu de la mer sur des immeubles flottants font cause commune pour accuser les géants de la croisière de polluer l'air, de laisser une empreinte carbone trop profonde et peu d'apport en monnaie sonnante et trébuchante.

La surveillance sécurisante de la qualité de l'air

Face à cette levée de boucliers, la Collectivité de Corse a initié un cycle de réunions de concertation pour tenter d'apaiser les esprits. Mais il est difficile de concilier des commerçants, pour qui les croisiéristes constituent une manne économique loin d'être négligeable, et des Verts qui brandissent une menace, encore moins négligeable, sur la santé publique. Endossant le rôle de modérateur, Jean Dominici, le président de la CCI de Corse, a proposé une Charte environnementale, telle qu'elle existe dans plusieurs ports de Méditerranée, pour imposer aux compagnies un code de conduite plus vertueux que les règlementations en vigueur : recours à un carburant à très faible teneur de soufre (0,1%), réduction de la vitesse d'approche, limitation des escales simultanées en fonction de la taille des navires, zéro rejet d'eaux usées, zéro déchets, évitement des herbiers de posidonie. La plupart des armateurs ont pris les devants en renouvelant leur flotte avec des navires plus « propres » bien que le recours au GNL (gaz naturel liquéfié) soit lui-même controversé.

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Compte-tenu de la localisation des ports insulaires, tous situés en centre-ville, la chambre consulaire a passé une convention avec l'association Qualitair Corse, agréée par le ministère de la Transition écologique, pour mesurer en temps réel la qualité de l'air sur tout le territoire grâce à des capteurs fixes ou mobiles. Une surveillance qui s'inscrit dans le cadre du programme européen Aer Nostrum. Le dernier rapport est plus rassurant que ne le laissent penser les réseaux sociaux qui montrent d'énormes panaches de fumée noire s'échapper des cheminées des bateaux. En régime de brise de mer, les fumées peuvent ponctuellement augmenter la pollution de l'air sans que celle-ci dure dans le temps, généralement moins d'une heure. Par ailleurs, les niveaux de concentration du dioxyde de soufre (SO2), un traceur fiable de l'activité portuaire, sont très en-deçà des seuils règlementaires. Enfin, s'agissant de la masse des particules, des dépassements par rapport aux recommandations de l'OMS ont été enregistrés mais, toujours selon Qualitair Corse, des causes, autre que celle de l'activité portuaire, existent.

Panier moyen à 32 euros

Concernant les retombées économiques, la CCI de Corse a voulu en avoir le cœur net en confiant une étude aux cabinets spécialisés BVA Xsight et See Up qui se sont appuyés sur le croisement de quelque 697 enquêtes réalisées à quai auprès des croisiéristes et du personnel d'équipage de 47 navires, entre juillet et novembre 2023. L'objectif assigné : mieux cerner le profil de cette clientèle maritime et mesurer son poids dans l'économie locale et régionale. Les conclusions, rendues publiques récemment, indiquent l'origine géographique des croisiéristes : l'Allemagne (33 %), l'Angleterre (26 %) et les États-Unis (14%) se hissent sur le podium. La moitié des passagers, qui voyagent majoritairement en couple, sont âgés de plus de 50 ans avec un petit tiers de retraités. 8 personnes sur 10 se déplacent à pied lors de l'escale, 22% optent pour une excursion pour un prix moyen individuel de 68 euros. Lors de l'escale, 76 % des passagers - croisiéristes et membres d'équipage - déboursent en moyenne 32 euros, hors excursion.

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Les dépenses cumulées (excursions et dépenses à terre) génèrent plus de 27 millions d'euros de retombées. Toujours selon l'étude, les dépenses unitaires des croisiéristes sont supérieures de 30% à celles du tourisme classique. Par ailleurs, la croisière à Ajaccio génère localement 240 emplois et 7 millions d'euros de valeur ajoutée. La manne est appréciable pour l'économie locale, éminemment saisonnière, mais elle ne fait pas pour autant taire les critiques. Le lissage de la saison et l'accueil de navires de capacité plus modeste apparaissent comme des solutions raisonnables. On s'affranchirait des débarquements massifs et simultanés, le choix de petites unités favorisant la présence de passagers plus aisés et donc plus prompts à mettre la main à la poche. Des réponses moins radicales que le bannissement des bateaux de croisière, comme c'est désormais le cas à Santorin, Venise ou Amsterdam. Une option qui a ses émules en Corse aussi...

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Commentaires 2
à écrit le 17/07/2024 à 9:41
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ce que veulent les corses c'est le pognon, pas les touristes ni les bateaux de croisière.

le 17/07/2024 à 11:44
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Je les comprends parfaitement. Vous, vous ne voulez pas de pognon ?

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