Nos critiques des films vus à Cannes

« Furiosa – Une saga Mad Max », de George Miller, « Oh Canada », de Paul Schrader, « Kinds of Kindness », de Yorgos Lanthimos, « Megalopolis », de Francis Ford Coppola, « Marcello mio », de Christophe Honoré : découvrez nos critiques des sorties cinéma de la semaine.
Anya Taylor-Joy, l’héroïne de « Furiosa », passe d’une dystopie au tapis rouge de Cannes.
Anya Taylor-Joy, l’héroïne de « Furiosa », passe d’une dystopie au tapis rouge de Cannes. (Crédits : © LTD / Warner Bros LLC)

« Furiosa », de bruit et de fureur 2,5 ⭐/ 4

C'est une histoire qui a commencé en 1979 avec Mad Max de George Miller, même si ce premier épisode passe alors inaperçu aux États-Unis. Deux ans plus tard, Mad Max 2 - Le défi passe à la vitesse supérieure avec plus de cascades, plus de violence, plus de budget aussi. Un second volet radical, nihiliste, qui invente le film d'action du futur et devient immédiatement culte. En 1985, Mad Max - Au-delà du dôme du tonnerre joue la carte de la continuité : même héros, même course-poursuite dantesque par les mêmes redoutables ennemis. Il faut attendre 2015 pour qu'une quatrième déflagration renouvelle la saga, avec Mad Max -Fury Road.

Toujours aux commandes, l'Australien George Miller offre à ses fans un opéra baroque d'images et de sons d'où émerge la figure féminine de Furiosa. Et c'est elle justement que l'on retrouve dans le nouvel épisode qui vient d'être présenté à Cannes, Furiosa - Une saga Mad Max. Fort du succès planétaire rencontré par l'opus précédent et ses dimensions féministes et écologistes revendiquées, Miller creuse son sillon mais en remontant dans le temps. Furiosa raconte ainsi la jeunesse de ce personnage : on comprendra notamment pourquoi il lui manque un bras et comment un simple noyau de pêche peut incarner l'Éden ! Quasi-figurantes au départ de la série, les femmes ont progressivement pris le pouvoir, grâce notamment au personnage-titre qu'incarnait Charlize Theron dans Fury Road - un épisode tellement cher à Miller qu'il en fit une version en « black et chrome » considérée par lui comme définitive et essentielle.

Lire aussiAutour de Cannes, un festival de lieux d'art

À Cannes, on a pu constater que la nouvelle mouture de la saga tient parfaitement la route grâce à ses scènes d'anthologie bourrées de kamikazes humains, de camions-citernes en forme de citadelles, d'armes de guerre aussi bricolées que destructrices, le tout sur fond de désert aux dunes vertigineuses. On dirait des décors et des accessoires tout droit sortis d'une casse automobile auxquels des savants fous se seraient chargés de donner une nouvelle vie pour plus de violence et d'efficacité. À l'image de cette incroyable fronde fabriquée avec des plateaux de vélo...

Alors, certes, il n'y a rien de vraiment neuf sous le soleil de ce nouveau Mad Max. Mais pourquoi voudriez-vous changer une recette qui marche à ce point ? Pour la finesse psychologique, il faudra aller voir ailleurs, mais côté grand spectacle, action, exploits et frissons, c'est la bonne adresse. Et si cet objet cinématographique non identifiable tranche un peu avec le reste de la programmation can-noise, on ne saurait s'en plaindre. Car, de film en film, George Miller a su imposer cet univers si singulier, avec son héros inoxydable et ces combattants surarmés qui semblent conçus pour nous faire retomber en enfance, à l'époque où on jouait à la guerre dans la cour de récréation. Certains films sont en effet comme des doudous apaisants ou galvanisants. Il suffisait de regarder les festivaliers spectateurs du Grand Théâtre Lumière pour mesurer leur plaisir. (Aurélien Cabrol)

Furiosa - Une saga Mad Max, de George Miller, avec Anya Taylor-Joy, Chris Hemsworth, Alyla Browne, Tom Burke. 2h28. Sortie mercredi.

Le crépuscule d'un artiste 3 ⭐/ 4

Il fallait bien une figure du cinéma américain des années 1970 pour rendre un tel hommage à l'écrivain américain Russell Banks, disparu en 2023. Paul Schrader, 77 ans et scénariste de Taxi Driver, entre autres, adapte ici l'un de ses romans. Mourant, le génial documentariste Léonard Fife (Richard Gere, méconnaissable), devenu une légende après son exil au Canada à la suite de son refus de s'engager dans la guerre du Vietnam, s'emploie à raconter sa vie et son œuvre, le temps d'une interview filmée qu'il accorde à ses anciens étudiants. Mais, face caméra et les yeux dans ceux de sa femme (Uma Thurman, amoureuse en souffrance), le cinéaste transforme d'emblée son interview en un récit, de plus en plus confus et sans chronologie, s'employant à déconstruire sa légende, en revisitant sa vie sous un angle cru : ses multiples conquêtes, sa lâcheté paternelle, ses arnaques professionnelles, ses traîtrises amicales. Paul Schrader tord brillamment le coup au biopic et superpose avec intensité les époques et es acteurs, utilisant plusieurs voix off pour présenter les différentes versions de la vie de son personnage et soulignant, avec ce portrait puzzle, que la vie d'un homme est plus complexe que sa légende. L'occasion aussi, pour lui, de faire de Oh Canada le film miroir d'un réalisateur qui règle ses comptes avec le cinéma de ses débuts. (Charlotte Langrand)

Nos critiques des films vus à Cannes

( Oh Canada, de Paul Schrader, avec Uma Thurman, Richard Gere, Michael Imperioli. 1h35./ Crédits: OH CANADA LLC/ARP)

Pauvres provocations 1 ⭐/ 4

Il ne faut pas se fier aux titres des films de Yorgos Lanthimos, le cinéaste grec auréolé du Lion d'or au dernier festival de Venise pour Pauvres Créatures... Dans Kinds of Kindness (« genres de gentillesse »), il n'est ici question, en matière de bonté, que des vicissitudes, tortures physiques et humiliations dont l'espèce humaine est capable. Le réalisateur enchaîne, pendant deux heures et quarante-cinq minutes interminables, trois moyens métrages sans connexions entre eux, si ce n'est qu'ils sont interprétés par les mêmes acteurs (les excellents Jesse Plemons et Willem Dafoe ainsi qu'une Emma Stone de plus en plus affranchie de son statut de star hollywoodienne) et qu'ils poursuivent un même thème: jusqu'où on peut aller par amour et ce que l'on peut supporter de l'autre... Un patron qui contrôle toute votre vie ? Un mari paranoïaque et obsédé ?

Les gourous d'une secte en recherche de pureté absolue? Dans des décors froids et secs, la provocation gore et glauque n'a pas de limites: sexe, vomi, hémoglobine et avilissement guident des personnages égocentrés, psychopathes et dénués d'affects, qui humilient l'autre mais sont tellement désincarnés eux-mêmes que l'on n'arrive pas, malgré le casting, à s'intéresser à leur pauvre sort. (Charlotte Langrand)

Nos critiques des films vus à Cannes

( Kinds of Kindness de Yorgos Lanthimos, avec Emma Stone, Jesse Plemons, Willem Dafoe. 2h44. Sortie le 26 juin./ Crédits: DR)

Mégaloppola 1⭐/ 4

François Truffaut a dit un jour que, selon lui, seuls les trois premiers films d'un cinéaste étaient dignes d'intérêt, ajoutant que dans certains cas, rares, les trois derniers également. Après avoir découvert Megalopolis qui semble être l'ultilme film de Francis Ford Coppola, en course pour la Palme d'or, on se dit qu'hélas l'adage de Truffaut ne vaudra pas pour le génial réalisateur du Parrain et d'Apocalypse Now, entre autres. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on peine à retrouver des traces de ce génie dans un film qui, mise à part sa première scène au cours de laquelle Adam Driver joue avec nos nerfs, le vertige et le temps, maltraite son spectateur de bout en bout. Ce face-à-face entre un maire corrompu et un architecte vertueux au sein d'un empire américain en train de chuter telle la Rome antique s'avère bavard, lourd et sans âme, maniant les citations latines comme d'autres le marteau-piqueur. « La tristesse durera toujours » a dit Van Gogh. Tout comme celle qui étreint l'admirateur de Coppola à la vision de ce naufrage. (Aurélien Cabrol)

Nos critiques des films vus à Cannes

( Megalopolis, de Francis Ford Coppola, avec Adam Driver, Shia LaBeouf, Jon Voight. 2 h 21./Crédits: DR )

Marcello For Ever 3,5 ⭐/ 4

Un jour, Chiara, actrice et fille de Catherine Deneuve et de Marcello Mastroianni, passe un casting où on la ramène une énième fois à sa prestigieuse filiation et surtout à sa ressemblance avec l'acteur. En pleine crise d'identité et de manque de son père disparu, elle décide de se grimer en Marcello, de s'habiller et de se comporter comme lui, à la stupeur de son entourage qui, confronté de nouveau à son absence et à son souvenir, commence à s'habituer à son retour parmi eux... De cette évocation intime parfois vertigineuse de la vie des Deneuve-Mastroianni, Christophe Honoré arrive à faire une comédie à la fois drôle, unique et introspective qui évite brillamment le docufiction pour parler plus largement des fantômes que chacun porte en soi-même après un deuil, de l'absence des êtres aimés et de l'angoisse de l'acteur entre deux rôles. Un film jubilatoire et émouvant porté par une troupe d'acteurs impeccables maniant l'autodérision avec délectation. (Charlotte Langrand)

Marcello mio, de Christophe Honoré, avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Nicole Garcia, Benjamin Biolay, Melvil Poupaud. 2 h 01. Sortie mercredi.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.