LOVE STORY (1/7) - Brigitte Bardot-Jean-Louis Trintignant, amour et dépendance

Le premier épisode de notre série consacrée aux couples du cinéma revient sur le coup de foudre des deux acteurs sur le plateau d’« Et Dieu... créa la femme ».
Saint-Tropez, été 1956 : et Vadim créa… le mythe Bardot.
Saint-Tropez, été 1956 : et Vadim créa… le mythe Bardot. (Crédits : latribune.fr)

Ce film, Et Dieu... créa la femme, sans lequel je n'aurais peut-être jamais été B.B. Un miracle inattendu, boycotté par les Français, mauvaises critiques des Cahiers du cinéma, mais porté au pinacle par les Américains. Il a connu le succès international qui m'a élevée du jour au lendemain au rang de "star". J'avais 21 ans. » En 2024, soixante-huit ans après la sortie du film, Bardot commente ainsi, et avec son franc-parler habituel, le tsunami déclenché par l'œuvre réalisée par son époux de l'époque, Roger Vadim. C'est le 20 décembre 1952, quatre ans à peine auparavant, vers midi, à la mairie du 16e arrondissement de Paris, que Brigitte Bardot était officiellement devenue Mme Roger Vadim Plémiannikov, avec mariage religieux le lendemain à l'église de Passy et voyage de noces à Megève dans la foulée. Elle a 18 ans, il en a 24. Bien des années plus tard, dans son livre Le Goût du bonheur - Souvenirs 1940-1958, Vadim résuma à sa manière son mariage avec Bardot : « Je n'étais pas d'une fidélité exemplaire... Nous aimions rire et, malgré nos disputes homériques, nous nous accordions très bien. La communion amoureuse d'un couple, jalonnée d'élans sexuels plus intenses, ne suffisait pas à Brigitte. Il lui fallait toujours vivre au sommet de l'émotion, autant sur le plan sentimental que physique. Pour répondre à cette exigence pendant des années, il eût fallu être un dieu. Ce qui n'était pas mon cas. »

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En 1954, Vadim est contacté par un jeune producteur, Raoul Lévy, qui croit assez en son talent pour lui confier les rênes d'un film « commercial » en CinémaScope et en couleur, coproduit avec la Columbia et dont le titre est déjà trouvé : Et Dieu... créa la femme. Avant le tournage, et par souci de publicité, B.B. participe au 9e Festival de Cannes. Une certaine Arletty, alors membre du jury, ne tarde pas à la repérer et déclare avec sa verve canaille : « Elle a changé les canons de la beauté. Avant elle, les stars descendaient les escaliers empanachées. Elle les monte nue. Le public y a gagné. » Au casting du long-métrage de Vadim figure, et dans un rôle secondaire, une seule vedette internationale : l'acteur allemand Curd Jürgens. Tout repose donc sur B.B., coqueluche des journalistes avec une dizaine de films à son actif mais sans véritable reconnaissance professionnelle. Face à elle, deux jeunes comédiens qui font leurs débuts à l'écran, ou presque : Christian Marquand et Jean-Louis Trintignant (ces deux-là deviendront beaux-frères dans une seconde vie, mais cela est une autre histoire...).

Jean-Louis me voulait seule, nue, naturelle, sauvage. Il m'apprenait l'amour total, intense !

Brigitte Bardot

C'est le 3 mai 1956 que démarre, entre les décors naturels de Saint-Tropez, qui n'est encore qu'un petit et paisible port de pêche, et les studios de la Victorine à Nice, le tournage d'Et Dieu... créa la femme. Mais, si l'on en croit Vadim, « avant même de commencer les prises de vues, nous savions que la belle histoire d'amour appartenait au passé ». Et le cinéaste d'écrire lui-même le mot « fin » : « Le dernier jour de tournage, à Saint-Tropez, Brigitte est partie dans la voiture de son nouvel amant. Je restais seul, un peu ivre de ma liberté retrouvée. » Non seulement le don Juan invétéré « oublie » le nom de cet amant, mais il fait mine de savourer une « liberté » que de son propre aveu il s'était employé à ne jamais perdre tout à fait. Quel est donc alors cet « amant » qui emporte avec lui l'actrice blonde à la coiffure désormais emblématique ? Jean-Louis Trintignant évidemment, son partenaire à l'écran, qui joue Michel Tardieu, lequel finit par épouser Juliette Hardy alias Bardot. Tandis que, hors du tournage, le couple Bardot-Vadim se désagrège, les amitiés se nouent sur le plateau entre les différents protagonistes du film.

Les amitiés et même un peu plus pour Bardot, qui déclara un jour : « Je ne me suis jamais sentie comédienne, mais quand je faisais un film, je me mettais dans la peau du personnage de toutes mes forces. À tel point que je tombais amoureuse de mes partenaires. » Entre Trintignant et elle, tout s'est ainsi joué vers la fin du film, quand ils se sont isolés dans l'arrière-pays niçois officiellement pour répéter... : « À force d'être naturelle dans mes scènes d'amour avec Jean-Louis Trintignant, a raconté l'actrice, je finis tout naturellement par l'aimer. J'éprouvais pour Jean-Louis une passion dévorante. Effacé, profond, attentif, sérieux, calme, puissant, timide, il était si différent, tellement mieux que moi. Je plongeais à corps perdu dans ses yeux, sa vie, et avec lui dans l'eau bleue de la Méditerranée qui fut le seul témoin de nos rencontres ! Adieu excentricités, cha-cha-cha, night-clubs, robes du soir, cocktails et interviews, adieu Vadim ! Jean-Louis me voulait seule, nue, naturelle, simple, sauvage. Il m'apprenait les étoiles, la nuit, couché sur le sable chaud de la plage où nous dormions. Il m'apprenait la musique classique qui avait remplacé sur le pick-up de ma loge les musiques afro-cubaines. Il m'apprenait l'amour total, intense ! La dépendance d'une femme pour l'homme qu'elle aime... »

Bardot

Jean-Louis Trintignant et Brigitte Bardot: un mariage de fiction. (Crédits : © LTD / SUNSHINEPHOTO/MAXPPP)

Les mystères de l'amour ? On peut assurément en parler à propos de ce couple quand on se souvient de leur première rencontre, après laquelle Bardot avait dit à Vadim : « Trintignant ? Il est tarte ! Je ne pourrai jamais faire croire que je suis amoureuse de ce type. » Quant à l'acteur, il s'en rappelait ainsi : « Au début, elle ne me plaisait pas du tout. J'avais pensé : "C'est vraiment une petite conne." »

De retour à Paris, Trintignant quitte sa jeune épouse, une certaine Stéphane Audran, la future Mme Claude Chabrol, abandonne son appartement parisien de Saint-Germain-des-Prés et s'installe chez Brigitte Bardot, dans le 16e arrondissement. Avec la sortie du film de Vadim en novembre 1956 (« Dieu créa la femme... et le diable inventa B.B. », proclame alors la campagne de pub), le comédien découvre peu à peu l'ampleur du phénomène Bardot dans la sphère publique : « J'ai beaucoup souffert de cela, racontera Trintignant. Il y avait des mecs qui lui envoyaient des fleurs, il y avait des mecs qui attendaient en bas de la maison qu'elle sorte, c'était beaucoup pour un mec, pour un pauvre mec un peu paysan comme j'étais... » B.B., dans ses Mémoires, écrit : « J'ai vécu avec lui la période la plus belle, la plus intense, la plus heureuse de toute cette époque de ma vie. »

La relation fut manifestement aussi intense que brève. À la fin de cette même année 1956, Trintignant doit partir faire son service militaire. Évitant l'incorporation en Algérie, il se retrouve malgré tout à Trèves, en Allemagne, pour être finalement affecté au service de santé des armées à Paris. Pour lui prouver son amour et lui changer les idées, la riche vedette offre au pauvre bidasse sa première voiture de sport, « le rêve de sa vie », une Austin sport décapotable. Mais l'infidélité de Bardot avec un chanteur nommé Gilbert Bécaud en fera comme un cadeau de rupture : à l'automne 1957, Trintignant quitte l'appartement commun et se réfugie chez ses parents. Fin d'une histoire qui n'aura duré que quelques mois et que Bardot conclura ainsi : « J'aimais Jean-Louis à la folie, je l'ai aimé comme je n'ai peut-être plus jamais aimé, mais je ne le savais pas, j'étais trop jeune. »

Love Story : La semaine prochaine, pour le deuxième épisode, retrouvez Penélope Cruz et Javier Bardem.

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