Livres : la sélection poche de l'été

« Le Quatuor d’Alexandrie », de Lawrence Durrell, « Pechkoff , le manchot magnifique », de Guillemette de Sairigné, « La Dame à la licorne et le Beau Chevalier », traduit du moyen français et édité par Nathalie Koble : découvrez notre sélection de livres de poche pour l'été.
Le Quatuor d’Alexandrie, Lawrence Durrell.
Le Quatuor d’Alexandrie, Lawrence Durrell. (Crédits : LTD / Farabola / Leemage / Lgf)

Lecture de vacances

L'été est aussi, pour Sarah Chiche, la saison des lectures. Plus précisément des pas de côté hors des sentiers balisés de l'actualité littéraire. À ce titre, son plus grand souvenir se situe sans doute sur une plage et dans une maison de l'île de Paros, dans les Cyclades grecques (où par ailleurs elle retourne cet été), il y a sept ans. Ce fut pour elle l'été du Quatuor d'Alexandrie, cette suite de quatre romans (Justine, Balthazar, Mountolive et Cléa) écrits par l'écrivain britannique Lawrence Durrell. Encore dans cet éblouissement initial, elle se souvient: « C'est un roman-monde écrit comme on ne le fait plus. Alexandrie y est un personnage à part entière. Vérités et mensonges y jouent à cache-cache. Ce que l'on prenait pour l'une s'avère être l'autre et vice versa; chaque livre venant éclairer et contredire le précédent. Et puis il y a ce monde, cosmopolite, fascinant, de l'Égypte de l'entre-deux-guerres. Tout le livre est ainsi à la fois poussiéreux, vénéneux, sublime. Ce fut pour moi, sur fond de mer Égée, une expérience de lecture languide... » On apprend à Sarah Chiche que le grand George Cukor a adapté Justine avec un casting inouï (Anouk Aimée dans le rôle-titre, Dirk Bogarde, Philippe Noiret, Anna Karina...), elle promet de le télécharger pour ses vacances. La boucle de Paros est bouclée. O.M

Le Quatuor d'Alexandrie, Lawrence Durrell, Le Livre de Poche, 1054 pages, 25 euros.

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Une légende du siècle

La journaliste Guillemette de Sairigné dresse le portrait du flamboyant Zinovi Pechkoff. « Vous avez été, au moment où il le fallait, l'homme qu'il fallait, là où il le fallait. J'ajoute que vous y avez mis le style. » Qui peut se targuer d'un tel éloge venant de Charles de Gaulle ? Le même qui a pu lire : « Tu dois savoir qu'un morceau de mon cœur est entrelacé au tien », signé... Gorki. Zinovi Pechkoff est l'homme qui a pu réunir ces deux grandes personnalités ! Dans une biographie brillante - qui a reçu le prix de l'Académie française en 2020 -, la journaliste Guillemette de Sairigné raconte comment ce petit (1,60 mètre) juif, né en 1884 en Russie dans un milieu modeste, est devenu une star de son époque, au cœur de tous les grands événements. Pechkoff est avant tout le fils adoptif et spirituel de Maxime Gorki, qu'il suivra partout, même dans l'exil. Il parcourt le monde, s'engage dans l'armée française lors de la Première Guerre mondiale, puis combat aux côtés du général de Gaulle lors la seconde. Émissaire de la France libre ici, puis ambassadeur là.

Pechkoff, le manchot magnifique.

Le roman Pechko, le manchot magnifique. (Crédits : © LTD / Farabola / Leemage / Lgf).

Grâce à la belle plume de l'auteure, on se plaît à visualiser Pechkoff prenant le thé à Capri avec Gorki, faisant du vélo avec Lénine dans les rues de Paris, servant d'interprète lors d'une rencontre entre Gorki et Mark Twain, pour finir ami avec MacArthur au Japon après avoir été proche de la femme de Tchang Kaï-chek. « Le Manchot magnifique » - il a perdu un bras en 1915 - ne choisit jamais vraiment entre la guerre (avec la Légion étrangère, dont il faisait partie) et la diplomatie, frayant aussi avec les services secrets. Dans sa famille, son surnom était Zolotoï, « celui qui brille ». Et il a brillé en eff et au combat, mais aussi par sa connaissance des hommes ou auprès des femmes, en grand séducteur qu'il fut. Il savait captiver son auditoire, à l'aise dans les salons des comtesses comme sous les préaux des écoles. Admiré autant par ses camarades, car il était « celui qui a accompli » les rêves du légionnaire de base, que par les plus grands diplomates, il a voulu que soit sobrement écrit sur sa tombe : « Zinovi Pechkoff , légionnaire ». A.M

Pechkoff, le manchot magnifique, de Guillemette de Sairigné, Tallandier texto, 672 pages, 13,50 euros.

Licorne, lion et baisemain

Une bouffée d'amour courtois avec ce texte médiéval qui montre le pouvoir d'une dame sur son preux chevalier. C'est un monde où une femme, à la grande beauté et à l'immense bonté, se promène accompagnée d'une licorne gardienne de son honneur. Où des chevaliers errent à la recherche d'une joute, d'une guerre ou d'une bête fabuleuse à terrasser pour se montrer digne de leur dame. Un monde où l'amour est platonique, la fidélité absolue et la réputation inviolée. Bienvenue dans l'univers de l'amour courtois. Nathalie Koble, professeure à Normale sup, a retrouvé et traduit un roman chevaleresque richement enluminé, La Dame à la licorne et le Beau Chevalier. Datant du milieu du XIVe siècle, il aurait été composé en guise de cadeau de mariage pour Blanche de Navarre. On y retrouve l'ambiance et le bestiaire fantastique des tapisseries de la Dame à la licorne du musée de Cluny.

La Dame à la licorne et le Beau Chevalier.

Le roman La Dame à la licorne et le Beau Chevalier. (Crédits : © LTD / Farabola / Leemage / Lgf).

Le roman conte un amour interdit entre une jeune femme unie à un « mari influent, fils de baron » et un jeune chevalier. Leur liaison reste chaste. Dans ces pages, les cœurs tremblent ; on soupire, blêmit et s'évanouit à profusion. Ils ne commettent « rien de répréhensible », le sommet de l'érotisme se trouvant dans des scènes où « la loyauté de leur sentiment fit rougir l'un, pâlir l'autre »... Puis hop ! La dame compose un petit rondeau. Car ils s'échangent surtout « des petites pièces lyriques, inspirées par l'amour » et, quand même quelques « doux baisers délicieux ». Ils se séparent pour ne pas entacher la réputation de la dame. Le chevalier multiplie les tournois, sauve des demoiselles en détresse et parcourt l'Europe en pleine guerre de Cent Ans, se battant au côté de l'émir de Turquie, contre le sultan de Babylone et, au passage, convertit tout le monde au catholicisme. Les amants communiquent grâce à un certain chevalier Fée, qui a le pouvoir de les réunir secrètement. Ce texte à la langue d'un autre temps se révèle assez contemporain, avec ses accents de fantasy, son féminisme - la dame possède tout pouvoir sur ses prétendants - et même... un personnage non binaire, le bienveillant chevalier Fée. A-L.W

La Dame à la licorne et le Beau Chevalier, traduit du moyen français et édité par Nathalie Koble, Libretto, 322 pages, 14,50 euros.

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