Festival d'Avignon : les femmes enflamment la 78e édition

Angélica Liddell a lancé hier soir dans la cour d’honneur du palais des Papes la 78e édition du festival, où les metteuses en scène brilleront particulièrement.
« Dämon » mise en scene, scénographie et costumes d’Angelica Liddell.
« Dämon » mise en scene, scénographie et costumes d’Angelica Liddell. (Crédits : © LTD / CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

On connaît et on aime Angélica Liddell à Avignon. C'est une flamme. Elle dérange et interroge, elle fascine et terrorise. « Je suis au monde pour éprouver la misère des hommes et la raconter », dit-elle, présentant cette nouvelle création : Dämon - El funeral de Bergman. Elle a travaillé avec les comédiens du Dramaten de Suède et sa compagnie. Entre autres grands artistes, elle a été nourrie par le cinéma du maître de Farö et frappée par son souci de composer le scénario de son enterrement, souhaitant le même cercueil que celui de Jean-Paul II, mort en 2005. Un cercueil de bois clair. Bergman s'est éteint le 30 juillet 2007. Son esprit va hanter la cour d'honneur, pays des fantômes. Les interprètes portent les costumes des créations du cinéaste et Angélica, frêle silhouette aux cheveux noirs, au visage pâle, à la voix puissante, a choisi un manteau noir face au démon de rouge vêtu.

Lire aussiHuit festivals d'été méconnus qui valent le détour

Autre femme puissante, Séverine Chavrier, l'intello de cette 78e édition. Aujourd'hui directrice de la Comédie de Genève, après Orléans, elle a adapté le long roman de William Faulkner Absalon, Absalon ! Elle a d'ailleurs, elle aussi, commencé dès hier. Il y a dix ans, elle avait présenté Les Palmiers sauvages, du même écrivain. On plonge dans la guerre de Sécession, on plonge au cœur des complexes et douloureuses relations entre les êtres. Nouvelle traduction, vidéo sophistiquée, musique très présente, une douzaine d'interprètes et près de cinq heures de spectacle.

L'Espagne invitée d'honneur

Habituée du festival, Caroline Guiela Nguyen, directrice du Théâtre national de Strasbourg, puise dans le passé, comme pour son touchant Saïgon, créé en 2017, ou nous projette en un avenir étrange, comme dans Fraternité, présenté en 2021. Avec Lacrima, qui appelle les larmes, nous sommes au présent : on suit, d'un continent à l'autre et en plusieurs langues, la conception d'une robe de mariée pour vraie princesse, par le truchement de trois personnages à Paris, Alençon, Bombay. Une robe taillée dans l'émotion et la vie vraie des gens.

photo 2

« Absalon Absalon ! », adapté de l'œuvre de Faulkner et mis en scène par Séverine Chavrier. (© LTD / ALEXANDRE AH-KYE)

Parmi les metteuses en scène connues du paysage, il y a aussi Lorraine de Sagazan ; elle propose un spectacle qui plonge dans la société française et observe et analyse le fonctionnement de la justice, sous le titre Léviathan. On songe au monstre biblique. Mais Guillaume Poix, qui a mis au point le texte, se réfère au Léviathan du philosophe Thomas Hobbes (1588-1679). Entretiens au long cours, enquêtes, reportages, le dossier est solide. Mais c'est d'abord du jeu dramatique.

Les artistes de langue espagnole, langue invitée cet été, sont nombreux. Ainsi la danseuse et chorégraphe La Ribot, avec Juana Ficción. Accompagnée du chef d'orchestre Asier Puga et du danseur et comédien Juan Loriente, elle revient à Jeanne Ire de Castille, qui avait inspiré une de ses pièces en 1992. On retrouvera Lola Arias, venue d'Argentine, qui, avec Los días afuera, se penche sur le destin de femmes qui furent emprisonnées parce que différentes, cisgenres, transgenres, mais qui ont trouvé leur place au travail, dans la société. On ne connaît pas du tout Tamara Cubas, venue d'Uruguay avec Sea of Silence. Son thème, c'est les migrations ; ses langues, celles des exilés.

La Polonaise Marta Gornicka, quant à elle, réunit 21 femmes ukrainiennes, biélorusses, polonaises pour une performance chorale, sur fond de musiques traditionnelles. Mothers - A Song for Wartime est un geste artistique qui correspond aux engagements que porte Martha Gornicka tout au long de l'année.

Mais il faut évidemment compter sur les héroïnes de fiction pour faire entendre plus fort encore la voix des femmes : Elizabeth Costello chez Warlikowski, et bien sûr Hécube chez Tiago Rodrigues.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 30/06/2024 à 11:02
Signaler
Ce n'est pas ce qu’elles ont à dire qui les rendent meilleur que les hommes mais bel et bien ce qu’elles taisent alors l'art est le meilleur moyen d'exprimer ce silence profond c'est certain.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.