Ultime feu vert de l'UE à une législation sur la restauration des écosystèmes abîmés après la volte-face de l'Autriche. La ministre autrichienne de l'Environnement a défié son propre gouvernement pour soutenir le texte, après des mois de blocage. La décision, soutenue par 20 Etats sur 27 lors d'une réunion des ministres de l'Environnement à Luxembourg, permet l'entrée en vigueur de ce texte-clé du Pacte vert, qui avait déjà été validé par les eurodéputés.
La législation, dont l'adoption a été saluée comme « une victoire historique » par l'ONG environnementale WWF, impose d'instaurer d'ici à 2030 des mesures de rétablissement des écosystèmes sur 20% des terres et espaces marins à l'échelle de l'UE, et de restaurer au moins 30% des habitats (zones humides, forêts, etc.) en mauvais état. D'autres dispositions visent à améliorer les critères mesurant la santé des forêts, à retirer des barrages sur les cours d'eau et à stopper le déclin des abeilles.
Une version édulcorée du texte initial
La semaine dernière, onze Etats de l'Union européenne (UE), dont l'Espagne, l'Allemagne et la France, avaient appelé leurs homologues des Vingt-Sept à donner leur feu vert à cette législation aujourd'hui bloquée.
Après une intense bataille politique - notamment concernant l'impact pour les terres agricoles, les négociateurs du Parlement européen et des Etats membres s'étaient entendus mi-novembre 2023 sur une version édulcorée de cette législation « restauration de la nature ». L'accord avait ensuite entériné tel quel fin février par les eurodéputés en séance plénière.
Mais l'ultime feu vert formel des Vingt-Sept, indispensable, se faisait attendre, faute de majorité requise (au moins 15 pays représentant 65% de la population de l'UE) : trois Etats (Suède, Pays-Bas, Italie) entendaient voter contre, et cinq (Belgique, Autriche, Pologne, Finlande, Hongrie) s'abstenir. Ils s'alarmaient notamment de nouvelles charges pour les agriculteurs, d'entraves pour la puissante sylviculture des pays scandinaves ou d'ingérences accrues de l'UE.
L'Autriche fait basculer le vote
Lors du débat lundi, seule la ministre autrichienne a changé de position autour de la table, ce qui a suffi à faire basculer l'issue du vote qui a suivi.
« Aucun gouvernement ni aucun parti ne peut ignorer les intérêts de la protection de l'environnement et de la conservation de la nature », a martelé Leonore Gewessler à son arrivée à la réunion, saluant « de bons compromis et des mesures équilibrées ».
Jusqu'à présent, l'Autriche avait officiellement choisi de s'abstenir en raison de divisions au sein de la coalition au pouvoir. Or, deux régions autrichiennes se sont récemment ralliées au projet, permettant à la ministre, selon elle, de passer juridiquement outre les réserves de ses partenaires conservateurs de coalition.
« Nous devons aux générations futures d'agir et j'aurais mauvaise conscience si je ne faisais pas tout ce que je peux pour saisir l'occasion qui se présente », a déclaré Leonore Gewessler ce lundi.
Un vote « illégal », selon le chancelier autrichien
Le chancelier conservateur Karl Nehammer a cependant jugé « illégal » le vote de sa ministre écologiste Leonore Gewessler, menaçant d'introduire un « recours en annulation devant la justice européenne ». « L'abstention de l'Autriche, déjà notifiée selon les procédures habituelles, doit être maintenue », a-t-il réagi lundi. Il existe « un avis négatif valable des Länder et l'accord nécessaire entre les ministères fédéraux concernés fait défaut », a rappelé la chancellerie.
Le Belge Alain Maron, dont le pays assure jusqu'à fin juin la présidence de l'UE, a cependant estimé qu'il s'agissait d'une « querelle interne » à l'Autriche, rappelant que « ce sont les ministres autour de la table qui s'expriment ».
« Le temps pour les arguties politiques et idéologiques est derrière nous », a pour sa part réagi le commissaire européen à l'Environnement Virginijus Sinkevicius, qui a rappelé que le texte s'inscrivait dans les objectifs définis par la COP15 Biodiversité de Montréal de 2022.
Ce différend est le plus important jamais observé au sein de la coalition inédite que forment la droite et les Verts en Autriche depuis 2020. Mais il n'est pas surprenant alors que la bataille des législatives, prévues fin septembre, a été lancée au lendemain des élections européennes. Les conservateurs sont opposés à cette législation, mal vue de leur électorat rural qui demeure puissant et mobilisé.
(Avec AFP)
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