Lithium : le projet d'exploitation d'une mine en Serbie reprend, malgré l'inquiétude des écologistes

Le gouvernement serbe a autorisé, ce mardi, le groupe minier Rio Tinto à revenir dans la région du Radar pour y creuser une mine. Cette annonce fait suite à un arrêt, promulgué par la Cour constitutionnelle de Serbie jeudi, annulant la décision de suspension de permis d'extraction prise par le gouvernement en 2022. Les opposants écologistes s'inquiètent.
Selon une étude de l'ONU Commerce et Développement, la demande de lithium pourrait augmenter de plus de 1.500% d'ici 2050.
Selon une étude de l'ONU Commerce et Développement, la demande de lithium pourrait augmenter de plus de 1.500% d'ici 2050. (Crédits : WASHINGTON ALVES)

Rio Tinto 1, gouvernement serbe 0. L'exécutif de la Serbie a autorisé ce mardi la reprise des opérations en vue de l'exploitation controversée d'un projet d'extraction de lithium par le groupe australien Rio Tinto. Le gouvernement « prend des mesures pour rétablir l'ordre juridique tel qu'il existait avant l'adoption de la réglementation déclarée inconstitutionnelle », peut-on lire dans un texte publié par les autorités serbes.

Cette décision fait suite à un arrêt de la Cour constitutionnelle de Serbie qui a jugé, jeudi dernier, que le choix du gouvernement serbe de suspendre en 2022 un permis attribué au groupe australien n'était « pas conforme à la Constitution ni à la loi ».

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Pour rappel, découvertes en 2004, les réserves de lithium de Jadar, parmi les plus importantes d'Europe, pourraient, selon le géant minier, permettre de produire annuellement 58.000 tonnes de carbonate de lithium, soit une quantité suffisante pour 1,1 million de véhicules - ou 17% de la production européenne de véhicules électriques. En 2022, le gouvernement serbe avait cependant décidé de suspendre le permis attribué à Rio Tinto, après des manifestations massives contre la mine. Une décision donc annulée par la plus haute juridiction du pays.

Des craintes pour l'environnement

L'avenir des vastes gisements miniers, qui seront exploités par Rio Tinto près de Loznica, dans l'ouest de la Serbie, a été source de nombreuses querelles politiques ces dernières années. Pour les opposants, ce projet de plusieurs milliards d'euros est un danger permanent pour l'environnement de la région agricole de Jadar.

« Le gouvernement sera responsable de toute agitation et de tout conflit dans la société, car il a piétiné la constitution du pays, occupé ses institutions et est devenu la marionnette d'intérêts étrangers », a d'ailleurs réagi mardi Savo Manojlovic, un des principaux opposants au projet, dans un message publié sur les réseaux sociaux.

Rio Tinto, qui s'était réjoui de la décision de la Cour constitutionnelle, met de son côté régulièrement en avant les milliers d'emplois qui pourraient être créés et la position que la mine donnerait à la Serbie sur ce marché stratégique pour la transition climatique.

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De son côté, le président Aleksandar Vucic a, cette semaine, laissé entendre que la Serbie pourrait commencer à extraire du lithium dès 2028, après de nouvelles garanties données par le groupe anglo-australien. « Nous croyons que la mine ne mettra en danger ni personne ni rien, mais nous devons d'abord recevoir des garanties de l'Europe que l'environnement et les vies de citoyens ordinaires seront préservés et améliorés avec de nouveaux emplois et de meilleurs salaires par rapport à aujourd'hui », a déclaré le chef d'Etat lundi.

Des mines qui se multiplient en Europe

La position de la Serbie est d'ailleurs partagée par d'autres pays européens. En Europe, seul le Portugal produit un peu de lithium, à hauteur de 0,5% de la production minière mondiale en 2022, selon les données de l'institut d'études géologiques américain USGS.

Mais, en France, l'un des plus gros projets européens de mine de lithium, porté par la groupe Imerys dans l'Allier, a rejoint la liste des « projets d'intérêt national majeur », synonyme de procédures d'implantation accélérées, selon un décret publié le 7 juillet au Journal officiel. Ce projet d'ouverture d'une mine de lithium à Echassières (Allier) s'inscrit dans la stratégie de la France pour se défaire de sa dépendance aux importations du précieux métal, notamment en provenance de Chine.

Fin juin, le gouvernement italien a de son côté adopté un décret simplifiant les procédures pour l'obtention des permis miniers, car il cherche à exploiter les minéraux essentiels, du lithium au cobalt. L'extraction, le traitement et le recyclage de ces matériaux sont « urgents », et le décret met l'Italie en conformité avec la nouvelle loi sur les matières premières critiques de l'Union européenne, a déclaré le ministre de l'Industrie, Adolfo Urso, lors d'une conférence de presse. « Nous manquons actuellement totalement d'extraction, alors que nous sommes en pole position en Europe en ce qui concerne le recyclage (des minéraux) » a ajouté le ministre de l'Energie, Gilberto Pichetto Fratin.

Et en Bosnie, une mine de lithium est aussi en construction. « La mine de Lopare devrait lancer la production début 2027, et commencer à tourner à plein régime entre 2030 ou 2032 », et produire alors 10.000 tonnes de carbonate de lithium par an, expliquait, en mars, à l'AFP le directeur la filiale d'Arcore en Bosnie, Vladimir Rudic. De quoi fabriquer entre 150.000 et 200.000 batteries pour les voitures électriques, selon des experts. Arcore, qui entend demander une concession d'exploitation pour une période de 50 ans, table sur des recettes annuelles d'un milliard d'euros et la création d'environ 1.000 emplois directs, et plus de 3.000 indirects.

Un manque de métaux stratégiques pour la transition écologique

Autant de projets émergent du fait d'un constat : le lithium va manquer dans le futur. Alors même que, du lithium au cobalt en passant par le cuivre, la production actuelle de minerais essentiels à la transition énergétique ne permet pas de répondre aux besoins pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, a indiqué l'ONU en avril.

Selon une étude de l'ONU Commerce et Développement, la demande de lithium pourrait augmenter de plus de 1.500% d'ici 2050, avec des évolutions similaires pour le nickel, le cobalt et le cuivre. Mais « les investissements mondiaux dans les minéraux essentiels à la transition énergétique ne suivent pas la vertigineuse hausse de la demande », selon l'étude. En conséquence, « les niveaux de production actuels ne permettent pas de répondre aux besoins pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, conformément à l'Accord de Paris », indique-t-elle.

L'ONU a recensé 110 nouveaux projets miniers dans le monde, d'une valeur de 39 milliards de dollars, dont 22 milliards de dollars investis dans 60 projets dans les pays en développement. Mais pour atteindre les objectifs de zéro émission nette en 2030, l'industrie pourrait avoir besoin d'environ 80 nouvelles mines de cuivre, 70 nouvelles mines de lithium et de nickel chacune, et 30 nouvelles mines de cobalt. Les investissements nécessaires entre 2022 et 2030 se situent entre 360 et 450 milliards de dollars, selon l'étude.

(Avec AFP)

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