7,1 milliards de dollars. C'est la totalité des investissements réalisés à date dans des entreprises privées qui espèrent commercialiser des centrales de fusion nucléaire, selon le dernier rapport annuel de la Fusion industry association (FIA). Au cours des douze derniers mois, ces investissements ont atteint quelque 900 millions de dollars. Un montant en retrait comparé à l'année précédente où ils avaient dépassé le cap du milliard de dollars.
Les investissements publics en hausse de 57%
Si les investisseurs privés se montrent plus frileux à l'égard de ces jeunes sociétés souhaitant répliquer le mécanisme à l'œuvre dans le soleil et les étoiles, ce n'est, en revanche, pas le cas des gouvernements, qui semblent vouloir compenser le ralentissement observé dans la sphère privée. Selon le même rapport, les fonds publics fléchés vers ces entreprises ont connu une hausse de 57% au cours des douze derniers mois pour atteindre 426 millions de dollars. Sur cette période, ils représentent ainsi près de la moitié des fonds qu'ont collecté les 45 entreprises qui œuvrent à la réalisation d'une centrale à fusion dans le monde, dont 25 se trouvent aux Etats-Unis. Parmi ces 45 sociétés, 16 sont actuellement engagées dans un partenariat public-privé, qui comprend un partage des coûts de développement avec les pouvoirs publics, pointe également l'étude.
Contrairement à la fission nucléaire, sur laquelle repose toutes les centrales nucléaires en fonctionnement sur la planète, la fusion nucléaire ne consiste pas à casser des noyaux lourds d'uranium pour libérer de l'énergie, mais à faire fusionner deux noyaux d'hydrogène extrêmement légers pour créer un élément plus lourd. Dans le détail, le mariage forcé du deutérium et du tritium permet de produire de l'hélium et un neutron. Cette réaction doit alors permettre de générer des quantités massives d'énergie sous forme de chaleur, qui peut ensuite être transformée en électricité grâce à une turbine.
Intérêt accru des gouvernements
La fusion nucléaire suscite d'immenses espoirs car si l'homme savait la contrôler, cette source d'énergie cocherait toutes les cases : l'électricité qu'elle pourrait délivrer serait quasi illimitée, décarbonée, sûre, et produirait très peu de déchets radioactifs à vie longue. Cependant, de nombreux verrous scientifiques, technologiques et économiques doivent encore être levés.
« Cette augmentation des investissements publics reflète non seulement l'intérêt accru de la part des gouvernements nationaux, mais signale aussi le choix stratégique fait par un nombre croissant d'entre eux de considérer que ce sont des entreprises, et non des initiatives étatiques, qui développeront les pilotes à même de démontrer que la fusion est une source d'énergie viable », commente, dans le rapport, Andrew Holland, à la tête de l'association.
Au cours des derniers mois, plusieurs gouvernements ont, en effet, partagé leur volonté de miser sur des partenariats publics-privés pour développer un écosystème autour de la fusion nucléaire et espérer mettre en service plus rapidement une centrale reposant sur cette technologie de rupture. C'est le cas notamment de l'exécutif sud-coréen, qui prévoit d'investir plus de 850 millions de dollars au cours de la prochaine décennie pour développer les composants de ces réacteurs d'un nouveau genre grâce au concours des entreprises privées, des universités et des centres de recherche. « Si le développement technologique est couronné de succès, le gouvernement espère construire une petit réacteur pilote de 100 mégawatts dans les années 2030 et commencer à l'exploiter la décennie suivante », rapporte la presse locale.
L'Allemagne dans les starting-blocks
Aux Etats-Unis, le département de l'Energie soutient également huit entreprises du secteur à hauteur de 50 millions de dollars pour les 18 premiers mois d'un programme quinquennal visant à définir le design des futures centrales. D'autres fonds publics seront débloqués au fur et à mesure des avancées et complétés par des fonds privés. Le Japon a également lancé un appel à projets baptisé « Moonshot » à destination des entreprises du secteur.
Sur le Vieux-Continent, l'Allemagne, vivement opposée à la fission de l'atome, mise en revanche clairement sur la fusion nucléaire et dénombre ainsi trois entreprises dans ce secteur, soit le nombre le plus important au sein de l'Union européenne. Pour accélérer dans cette voie, elle a dévoilé en mars dernier, un programme baptisé « Fusion 2040 » à travers lequel elle prévoit de mettre à disposition des entreprises jusqu'à 100 millions d'euros par an. « Nous voulons bâtir un écosystème de la fusion qui repose sur l'industrie, les startups et la science, afin de construire le plus rapidement possible une centrale de fusion en Allemagne », a expliqué à cette occasion la ministre allemande de la Recherche, Bettina Stark-Watzinger.
La France en retrait
De son côté, le gouvernement français, très engagé sur la relance du nucléaire par fission de l'atome, apparaît plus en retrait sur les enjeux de la fusion nucléaire. L'Hexagone ne s'est, en effet, pas doté d'un programme de financement spécifiquement dédié à cette technologie. La startup Renaissance Fusion, seule organisation privée installée en France à plancher sur ce défi, bénéficie néanmoins de subventions publiques via l'appel à projets réacteurs innovants, qui profite également aux entreprises développant des centrales de fission nucléaire.
90% des 45 entreprises sondées dans le cadre de ce rapport estiment que la fusion nucléaire fournira de l'électricité au réseau d'ici la fin des années 2030. 70% d'entre elles pensent même que cette étape cruciale sera franchie à l'horizon 2035. Des objectifs très ambitieux, voire intenables, selon plusieurs observateurs. Au-delà des défis techniques, la question des financement sera cruciale. « Si les fonds investis dans les entreprises privées de la fusion n'augmentent que d'un milliard de dollars par an au cours de la prochaine décennie, l'industrie n'atteindra pas ses objectifs », prévient Andrew Holland.
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