Energies renouvelables : la France, en contentieux avec la Commission européenne, refuse toujours les objectifs de l'UE

Paris est en contentieux avec la Commission européenne sur son retard sur les énergies renouvelables. Alors que l'UE estime que la France a fixé des objectifs trop faibles, la France invoque son énergie décarbonée grâce au nucléaire.
La France mène depuis plusieurs années un bras de fer avec Bruxelles faute d'avoir atteint les objectifs fixés en 2009 de compter 23% d'énergies renouvelables.
La France mène depuis plusieurs années un bras de fer avec Bruxelles faute d'avoir atteint les objectifs fixés en 2009 de compter 23% d'énergies renouvelables. (Crédits : Wikimedia Commons)

La France, en contentieux avec la Commission européenne pour son retard sur les énergies renouvelables, a envoyé à Bruxelles une stratégie climatique actualisée qui ne rehausse pas l'ambition sur l'éolien et le solaire autant qu'exigé, invoquant l'origine majoritairement décarbonée de son énergie, grâce au nucléaire.

Pour rappel, la France mène depuis plusieurs années un bras de fer avec Bruxelles faute d'avoir atteint les objectifs fixés en 2009 de compter 23% d'énergies renouvelables dans sa consommation finale d'énergie en 2020.

Lire aussiLe régulateur veut assainir la jungle des prix de l'électricité pour protéger les consommateurs

Un plan qui ne passe pas

Paris s'est encore fait épingler en décembre par la Commission pour avoir soumis un projet de « Plan national intégré énergie-climat » (Pniec) fixant un objectif de 33% de renouvelables d'ici 2030 au lieu des 44% exigés par une directive de 2018. Six mois plus tard, la France persiste, selon la version actualisée du Pniec publiée ce mercredi par la Commission et consultée jeudi par l'AFP. Elle garde les mêmes cibles de développement des renouvelables et préfère mettre en avant un objectif « décarboné », incluant donc le nucléaire, peu émetteur des gaz à effet de serre responsables du changement climatique.

La trajectoire prévue « permettra à la France d'atteindre 58% d'énergies décarbonées dans sa consommation finale d'énergie » en 2030, « ce qui contribue pleinement aux objectifs européens », se défend Paris. Quant à l'objectif de 2020, il « sera atteint en 2024 et serait même dépassé de près d'un point », se félicite-t-on.

« La France dispose d'un bouquet énergétique et électrique parmi les plus décarbonés de l'UE », se justifie-t-elle encore.

Pour cette raison, le gouvernement avait écrit à la Commission pour justifier son refus d'acheter « a posteriori (des) volumes de production d'énergies renouvelables à d'autres Etats », comme le prévoit la directive en cas de non-atteinte des objectifs.

Lire aussiEPR de Flamanville : dernières répétitions générales avant l'activation du cœur du réacteur

Risque de sanctions

« La France se fixe l'objectif d'une réduction brute de ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins -50 % en 2030 par rapport à 1990 », soit 270 millions de tonnes de CO2 équivalent (contre 373 MtCO2e en 2023), ajoute le Pniec actualisé.

Ce plan, que le gouvernement devait remettre à Bruxelles pour le 30 juin, n'est toutefois pas définitif car il compile trois documents stratégiques devant encore être mis en consultation publique : la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), la 3e Stratégie nationale bas carbone (SNBC-3) et le 3e Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3). Mais le calendrier est désormais suspendu aux tractations politiques post-législatives.

La France prend ainsi le risque d'une procédure de sanctions par la Commission. « La France ne va pas s'acquitter de pénalités : ces objectifs d'avoir tant de mâts d'éoliennes ici, tant de panneaux photovoltaïques là, c'est l'Europe dont nous ne voulons plus », s'est insurgé début mars le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, rappelant le bon bilan carbone français grâce au nucléaire.

Paris défend le nucléaire

« On ne peut imaginer mélanger ou substituer les cibles de nucléaire et de renouvelables », s'indignait mi-décembre la ministre espagnole Teresa Ribera, dont le pays anime dans l'UE l'alliance des « Amis des renouvelables » avec l'Autriche, l'Allemagne ou encore le Luxembourg. « Sur le nucléaire, je vois pour l'heure davantage de plans sur papier que d'investissements », ironisait début mars le ministre allemand Sven Giegold, vantant la « compétitivité » et la disponibilité immédiate des renouvelables.

Mais, profitant d'un retour en grâce du nucléaire, la France espère aussi rallier des Etats autour de son action pour remplacer les objectifs de renouvelables par des objectifs de décarbonation. Lui aussi pro-atome, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a déploré que l'énergie « soit prise en otage par des approches idéologiques ».

Avec 100 réacteurs en service dans 12 Etats, le nucléaire produit un quart de l'électricité de l'UE, quasiment la moitié de son électricité décarbonée. Une soixantaine de nouveaux réacteurs y sont programmés ou envisagés, dont près d'un tiers en Pologne.

Un sommet international dans la capitale belge a consacré par ailleurs en mars un changement de ton radical autour de l'atome civil, victime de l'hostilité de l'Allemagne qui lui avait tourné le dos après l'accident de Fukushima. La rencontre, destinée à esquisser des axes de coopération, a réuni une trentaine d'Etats, dont la Chine et les Etats-Unis, et une quinzaine de dirigeants, dont le président français Emmanuel Macron qui a œuvré à ce retour en force.

Début 2023, la mobilisation française devient plus visible avec le lancement d'une « alliance européenne du nucléaire » réunissant une douzaine d'Etats membres : Bulgarie, Pologne, Finlande, Suède, Pays-Bas, République tchèque... Plusieurs victoires suivent : en juin, Paris décrochait une exemption dans la législation fixant des objectifs d'énergies renouvelables, pour tenir compte de l'hydrogène produit à partir d'électricité nucléaire.

Etats et eurodéputés s'accordaient mi-décembre sur des aides publiques aux investissements dans les centrales nucléaires existantes, puis mi-février pour inclure toute la filière nucléaire dans une législation accordant des allègements réglementaires aux technologies « zéro émission ». Enfin, Bruxelles a inclus l'atome dans ses propositions d'objectif climatique 2040, et lancé début février une « alliance industrielle » pour les futurs petits réacteurs modulaires (SMR).

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 12
à écrit le 18/07/2024 à 11:40
Signaler
La France émet 10 fois moins de gaz à effet de serre que l'Allemagne ou la Pologne et c'est elle qu'on poursuit. Qu'ils installent les champs d'éoliennes français à Bruxelles et à Strasbourg devant la commission et le parlement

à écrit le 16/07/2024 à 23:13
Signaler
L'objectif c'est de décarboner, pas de faire nécessairement du renouvelable. Donc si la France y arrive avec le nucléaire seulement, c'est tout à fait défendable. Cela étant, puisqu'il faut 10 ou 15 ans pour faire une centrale nucléaire (contre 3 p...

le 16/07/2024 à 23:31
Signaler
C'est l'Allemagne qui veut diriger l EUROPE et qui impose ses lois et l ALLEMAGNE déteste le nucléaire et fait tout pour que la france ne fasse pas de nucléaire!!!!! Un moiment faut arrêter ce pays de diriger l europe...Car pour eux, l europe ça sign...

à écrit le 14/07/2024 à 23:03
Signaler
Défendre le nucléaire comme énergie désarçonnée est une bonne chose mais y ajouter le développement des énergies renouvelables est nécessaire tant pour l'écologie que pour notre souveraineté énergétique, une fois bien compris l'explosion de la demand...

le 21/07/2024 à 22:18
Signaler
Ce que vous dites est complètement faux dans le cas de notre pays. La France est l'un des 3 pays d'Europe qui produit le plus d'électricité décarbonée (grâce au nucléaire et à l'hydraulique) avec la Suède et la Norvège (grâce à leur parc de centrales...

à écrit le 13/07/2024 à 14:50
Signaler
L arnaque a la France de l Europe teutonne appuyée par nos verts de gris pour nous spolier tout en nous contraignant...l Allemagne avec ces 100 GW En enr sort un kwh a 330gr de co2 contre 50 pour la France depuis de s décennies,l objectif base sur la...

le 14/07/2024 à 14:23
Signaler
330gr, vous êtes gentil! Ces jours-ci, en pleine été, le mix allemand dépasse régulièrement les 480gr. Le mix français, lui en ce moment, est généralement sous les 30gr, voir même sous les 20... Mais chut, il ne faut pas le dire les écolos pourraient...

à écrit le 11/07/2024 à 23:41
Signaler
Objectifs fixés en 2009 à 23% donc acceptés par Borloo et Sarko, puis 44% sous Macron. Si on ne maitrisait pas le nucléaire, je pourrai le comprendre. Mais c'était loin d'être encore le cas. Sans énergie abondante, pas de prospérité et encore mieux s...

à écrit le 11/07/2024 à 20:47
Signaler
Les enr ne font que déstabiliser le réseau, il faut mettre fin à cette lubie pseudo écolo.

le 12/07/2024 à 13:36
Signaler
C'est vrai que grâce à notre brillante intelligence largement au-dessus des autres pays, nous savons que lesdits pays ne font que des bêtises...

à écrit le 11/07/2024 à 20:19
Signaler
C'est étrange car un article paru aujourd'hui sur Euractiv laisse entendre, au contraire de celui-ci, que la France se serait plutôt aplatie devant Bruxelles...

le 21/07/2024 à 22:37
Signaler
Hélas Mr Monti il faut reconnaître qu'actuellement l'Europe en général ne brille pas particulièrement par son intellignce et sa vision. Il y un peu plus de 50 ans, notre pays avait lancé une véritable transtion énergétique avec le nucléaire de 3ièm...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.